Édito

Les 11 et 12 mai 2024 prochains à Dublin, se tiendra le congrès de la New Lacanian School sous le titre, Clinique du regard. Ce numéro spécial de L’Hebdo-Blog lui est exclusivement consacré.

Lacan promeut le regard au rang de la série des objets pulsionnels spécifiques qu’il nomme objets a. Ce que je regarde n’est jamais ce que je veux voir, précise-t-il pour indiquer que le regard fonctionne comme manque, celui de la castration. Il se situe au niveau du désir, du désir à l’Autre. À l’époque de la souveraineté de l’image, ce regard qui nous cerne fait d’abord de nous des êtres regardés dans le spectacle.

Daniel Roy nous invite à saisir l’effet retour de l’objet regard sur le corps parlant. Quelles sont les différentes modalités de jouissance attachées au regard dans un monde omnivoyeur ? Jean-Luc Monnier nous montre comment nous sommes regardés par le monde et ses images, autant de regards aveugles et nous renvoie à une histoire vraie… Le jeune Lacan, sur un bateau de pêche en Bretagne, voit flotter sur l’eau un point lumineux. C’est une boite de conserve miroitant au soleil. Il s’entend dire alors par un des pêcheurs : « Tu vois, cette boîte ? Tu la vois ? Eh bien, elle, elle te voit pas !¹ » Elle ne le voit pas, en effet, elle le regarde, lui qui, jeune intellectuel, faisait tache dans le tableau. Dans un retour au beau texte de Freud « Un trouble de mémoire sur l’Acropole », Peggy Papada isole et rapproche les deux dimensions du regard : celle de l’Autre et celle de la cause. Au moment où Freud est ébloui par le Parthénon, il est en même temps aveuglé par lui. L’œuvre d’art, le tableau nous regarde. L’objet regard est à la fois éludé et invisible, faisant trou dans l’agencement de la représentation. C’est ainsi, propose Yves Depelsenaire, que La Trahison des images rend manifeste l’écart entre la représentation et son objet. Ceci n’est pas une pipe, c’est seulement l’image d’une pipe.

Enfin, nous entendrons l’énonciation d’un artiste de renom, Evgen Bavcar, photographe aveugle d’origine slovène. Juxtaposant le regard intérieur d’un non-voyant et celui, extérieur, d’une caméra, son œuvre nous convie aux limites du visible et de l’invisible.

À bientôt de nous retrouver à Dublin !

Françoise Haccoun