« Si tu veux apprendre, abandonne ton rachâchant ! » : c’est par la déclinaison vivifiante de ce S1 – posture de jouissance du petit Ernesto de Marguerite Duras – que Philippe Lacadée nous a d’emblée accroché à la question de l’usage possible du savoir transmis par l’Autre1, lors de sa conférence au Bureau de Ville de Liège, ce 23 septembre, en préparation des J47.
S’il nous a été rappelé que l’école est une « petite entreprise de mortification » qui « dématernalise » la langue, lâcher quelque chose d’une certaine jouissance pour rentrer dans les apprentissages scolaires ne va pas de soi, et résiste résolument à toute velléité de dressage. Car transmettre le savoir ne relève pas d’un savoir-faire, mais bien plutôt, comme démontré, d’un savoir y faire. En l’occurrence, celui qui permettrait d’accueillir, pour le reconnaître, ce rachâchage, afin d’en extraire la « jouissance peu réjouissante » y logée – celle liée au petit a, de cette volonté obscure de jouissance et son repli narcissique, – soit de se débrouiller pour ouvrir au savoir insu déjà là chez le sujet afin qu’il s’articule à la langue de l’Autre.
Prendre appui là-dessus, sur ce que le sujet sait déjà sans pouvoir le dire et qui peut faire blocage aux apprentissages est la voie résolument promue par P. Lacadée dans « l’expérience de la conversation » avec les élèves. C’est une expérience qui parie sur « un savoir qui n’est pas déjà construit », à faire surgir, en particulier pour élever les plaintes – dont les élèves peuvent se réjouir – à « la dignité d’une transmission » ou redonner de l’« entendement » à leurs paroles.
Et il nous a été illustré alors comment cette expérience de la conversation peut redonner toute sa valeur à l’usage de la langue ou à l’impact d’un dire, soit encore réactualiser le rachâchage comme une voie possible pour accéder à un usage poétique de la langue – « chance inventive » pour traiter ce qui se rachâche. C’est aussi l’occasion de créer un lieu pour « un jeu théâtralisé de la vie » qui offre une des façons de dire oui au plus singulier du symptôme – afin d’en trouver un bon usage, soit pour réinventer sa place dans l’Autre quand son être objet submerge ; mais, en l’occurrence, pas sans l’appui d’un enseignant présent engagé dans son désir de transmettre, décidé à rencontrer l’élève là où il en est pour donner cette chance merveilleuse à l’amour de mener au savoir – pour aller vers l’Autre – lorsqu’il est adressé au supposé-savoir.
Quant à la voie à tracer face la pente de l’« autorité autoritaire » qui échoue plus que jamais face à la violence qui surgit à l’école comme réponse à une situation qui signe un dire en défaut et une image du corps en difficulté, épinglons encore cette retentissante formule : celle qui propose d’élever le conseil de discipline à un « prendre conseil de l’indiscipline du sujet », qui est toujours, comme P. Lacadée n’a pas omis de nous le rappeler, « foncièrement indiscipliné », soit indomptable ! Dès lors, plutôt que les sanctions, il nous invite à manier les scansions, c’est-à-dire ces points d’arrêts qui offrent chance de lire avec le sujet son texte en manque de transmission.
Ce fut assurément une leçon de savoir y faire formidable pour mettre en mouvement notre désir d’apprendre – sur l’utilité d’apprendre et ses impasses – et pour nous maintenir en alerte sur notre responsabilité d’enseignant, d’éducateur ou de soignant face au complexe de la vie à nouer désir et savoir que nous a donné à-prendre la très riche et vive conférence de notre invité Philippe Lacadée !
1 Cfr. Lacadée P., « Apprendre en rachâchant », Les ACF en action, L’HEBDO-BLOG n°116 du 2 octobre 2017.