L’heure de la rentrée a sonné aussi pour les cartels de l’École. À l’initiative de l’ACF-MAP s’est tenue, le samedi 30 septembre à Marseille, une rencontre inter-cartel avec l’ACF-ECA (Nice), consacrée aux 47e Journées de l’ECF, Apprendre, désir ou dressage. Une rencontre qui a noué délicatement la question de l’acquisition de savoir à une réflexion sur le fonctionnement du cartel, « principe d’une élaboration soutenue dans un petit groupe1 », inventé par Lacan au moment où il fonde l’École freudienne de Paris. Une rencontre qui a fait démonstration, en réunissant des personnes d’horizons très différents, que le cartel est un outil qui peut se combiner à l’envi, pour produire des travaux porteurs de l’effet de surprise de leurs auteurs.
Les interventions et les discussions qu’elles ont provoquées, tant du côté des textes produits de cartels de l’année écoulée sur des thèmes très variés que du côté des introductions et conférences, se sont déployées de manière inventive autour de cet axe du cartel, sa nature, ses effets. L’occasion de rappeler que le savoir vaut beau-coût2 et qu’il est moins difficile de l’acquérir que d’en jouir. Avec le désir comme fil conducteur, la transmission d’un savoir qui fait lien entre les participants, le cartel est multiple et ses applications toujours singulières et créatives. Plusieurs textes, mises à ciel ouvert des travaux de l’année l’ont illustré par ce qui a été nommé « effet de cartel », une originalité permise et soutenue par le dispositif. Rencontre des corps et paroles, le cartel suscite une élaboration vivante ; c’est en partant de leurs savoirs particuliers et leurs insignes que travaillent les membres d’un cartel. Ceci s’est démontré ce jour-là. Un travail s’est construit autour de références données par Lacan dans le Séminaire Encore : lecture et commentaire du Cratyle de Platon3 qui interroge le non rapport entre signifiant et signifié, un point qui a ouvert une trajectoire qui s’est poursuivie dans la littérature. Un autre texte a abordé Le guerrier appliqué4 de Jean Paulhan, cité par Lacan5 pour aborder le concept de destitution subjective inhérente à la position de l’analyste, et rapporté quel usage a pu en être fait autour des conséquences de la guerre moderne. Une interrogation soutenue sur les rapports entre science et psychanalyse a conduit, à travers la question de la cause, à revenir sur l’hypothèse de l’inconscient, à l’aborder comme battement, discontinuité, béance où peut se produire la trouvaille6. Une étude précise et rigoureuse du dispositif de cartel en a souligné les mécanismes : principe de dérangement par son instabilité provoquée, le cartel produit une circulation d’idées. Véritable tourbillon autour d’un trou, désir, savoir, trouvaille se mêlent et s’enroulent pour tourner en une valse d’idées propice à la découverte pour chacun. Lacan a noué analyse personnelle, contrôle, enseignement, et cette journée de rencontre, d’étude et de discussion a démontré, encore, le rapport entre le plus intime de soi, le concept et sa propre analyse.
1 Lacan J., « Acte de fondation », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 229.
2 Lacan J., Le séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 89.
3 Platon, Cratyle, [ou sur la justesse des noms], GF, Paris, 1967, p. 387-473
4 Paulhan J., Le guerrier appliqué, Paris, Gallimard, 1930.
5 Lacan J., « Discours à l’École freudienne de Paris », Autres écrits, op. cit., p. 273.
6 Lacan J., Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 27.