Comment avoir à nouveau envie d’entendre parler des mères, de la maternité, de ce thème qui nous a tenus des mois durant ?
Après les Journées de 2013 sur le trauma, dont la qualité impressionna, celles de 2014 confirment qu’une nouvelle série est en marche, et, comme put l’écrire Patricia Bosquin-Caroz dans son Billet du Conseil : « il faudra en tirer les conséquences pour l’École, pour la psychanalyse dans ce qu’elle a de plus vivant ».
La précision vive et aiguisée, l’urgence de bien-dire, émouvante, pétillante, qui marquèrent chaque intervention étaient, encore, au rendez-vous.
C’est lors de la Plénière du dimanche que P. Bosquin-Caroz donna le ton, d’emblée : c’est bien l’orientation lacanienne qui restitue à la maternité, aux mères, à leurs inventions, la dignité qui leur revient. Christiane Alberti, Directrice des Journées, souligna combien la force du témoignage singulier surmonte l’identification à la mère une, révolue désormais. C’est très exactement grâce à la place donnée à la parole de chacune et chacun que l’orientation lacanienne, encore, put démontrer la puissance civilisatrice de la pulsion. Car comment, en effet, entamer préjugés et discours établis sur la maternité, – laitages plus périmés tu meurs ! – taillés dans les bois les plus disjoints du réel de notre siècle ? Dans une rigueur extrême, mais sans oublier l’humour, (Woody Allen encore SVP !), l’émotion, la nuance (merci, merci encore Mariana Otéro ), une parole inédite, en train de se dire à pas moins de 3100 personnes, mordant sans ambages sur le réel. Dans une fougue, un tempo, un sérieux et un style qui causent notre joie fière d’appartenance à l’École. Cela, ça s’est dit, après les Journées, et beaucoup redit, dehors, aux alentours du Palais des Congrès.
Ainsi en fut-il de la Conversation sur le thème « Qu’est-ce que reproduire la vie ? », entre Jean-Claude Ameisen, Président du Comité Consultatif National d’Éthique, et François Ansermet, animée par Éric Laurent. J.-C. Ameisen commença par nous dire que ce qui nous a donné naissance est du registre des disjonctions, de l’émergence permanente de discontinuités, et de longues stases. Nous sommes faits de présences et d’absences, comme l’était, ajoutait-il apparemment lui aussi captivé par l’esprit vif de la matinée, la mère que Mariana Otéro évoquait en parlant de son film sur le secret. Où se tenir, entre le catastrophisme et l’enthousiasme béat ? L’enjeu, pour l’analyste, serait de veiller quant à lui à ne pas se laisser aller à une pente conservatrice, ajouta F. Ansermet en formalisant le duel sous cette forme : technoprophètes ou biocatastrophistes ? Être mère, à l’époque où l’on touche au réel en agissant sur la nature, force à inventer de nouvelles fictions. Nous sommes face à la production d’un réel innommable, put dire par la suite É. Laurent. Il y a un effort à faire pour lui donner un sens. Et c’est l’opération du langage qui nomme et fait apparaître les choix qui se font par l’opérateur de sélection du fantasme. Chaque sujet trouve sa défense contre le réel dans le malentendu, pour continuer à opérer la sélection par le logiciel fantasmatique. Cet effort de nomination, c’est par l’expérience analytique que nous le guettons. Les témoignages des AE Anaëlle Lebovits-Quenehen, Michèle Elbaz, Marie-Hélène Blancard, Danièle Lacadée-Labro et Anna Aromi nous ont été précieux, qui décoiffent et surprennent, désengluent l’Être mère, de son cocon doucereux. Ils introduisent l’opinion – et pas seulement l’opinion éclairée – tel était le souhait de C. Alberti en pensant à qui s’adressaient ces Journées, à un discours nouveau sur la maternité, en la dégageant de sa chape pathétique et bêtifiante. Car comment conjuguer maternité et féminité ? Point d’harmonie naturelle en ces zones, mais des heurts.
Et le théâtre ? Trois Mères de théâtre et un Fils !, merveilleusement incarnés par Marie-Armelle Deguy, Clémentine Verdier, Thibault Perrenoud, jouèrent pour nous des extraits présentés avec beaucoup de finesse par Brigitte Jaques-Wajeman, qui nous est si chère ! Vous en saisirez des échos dans les nombreuses météorites de cet HB.
Nous n’oublierons pas tant d’autres inventions, ponctuations, allusions… Tandis que les nuées de l’oubli s’accumulent derrière nous, nous restons, chacun et chacune, avec les restes que nous avons pu glaner.
Faisons-les fructifier pour 2015 et les années suivantes !