L’autisme pour tous ? Quel titre détonnant pour cette 3e Journée du CERA. Un titre dérangeant, mais de la bonne façon, et qui questionne, suscitant la curiosité. Comment l’entendre ? Comme un slogan politique ? Une revendication des droits pour tous ? Ou bien une publicité mercantile ? Ou alors comme une prévention sanitaire et sociale ? Une mise à l’épreuve de l’autiste et de ses partenaires ? Un antagonisme ? Quelque chose inscrit au cœur de chaque être parlant ? Ce titre vient aussi bien interroger le discours courant, celui du « pour tous » du politique que celui de la psychanalyse.
Sur la scène publique, l’autisme provoque des débats enflammés et hégémoniques. Pourtant, aucun savoir universel sur l’autisme ne s’en dégage, seulement des réponses plurielles. Pourquoi l’autisme, au diagnostic si incertain, connaît-il un tel engouement aujourd’hui, une telle prolifération ? Incarnerait-il quelque chose qui résonne pour chaque sujet ?
Dans la civilisation, l’individualisme engloutit la subjectivité, réduisant chaque être parlant au statut de consommateur, pourvu de son objet de plus en plus sophistiqué, accroché au corps.
Le discours politico-économique, gouverné par la science, voudrait normaliser les dits autistes en les cantonnant dans le seul champ du handicap et en éradiquant leur « comportement-problème » par le conditionnement éducatif et l’inclusion généralisée.
Intervenante en analyse de la pratique au sein de dispositifs d’accompagnement et de répit créés à cet effet, étonnements et surprises sont au rendez-vous ; les autistes accueillis résistant à toute forme de normalisation.
Ne cessant de crier le signifiant « proxi », Amélia, dix ans, met l’institution et chaque professionnel en état d’urgence. Au cours d’un accompagnement en voiture, la praticienne formée aux prétendues « bonnes pratiques » prend ce signifiant comme une demande d’Amélia d’aller au supermarché du même nom. Aussi, en vue de la calmer, elle « verbalise » que ce n’est pas possible. La réaction ne se fait pas attendre : montée crescendo, Amélia se jette au sol, crie, pleure, se tape, distribue des coups de pied, se met en danger. Débordée, l’accompagnante finit par appeler un collègue à son secours, se détournant ainsi d’Amélia qui, immédiatement, se calme en continuant à dire « proxi ».
Ceci met en exergue que l’autisme n’est ni un handicap ni une pathologie. Pour la psychanalyse, l’autiste, par sa position subjective, se défend du réel sans loi dont Jacques Lacan dit que : « c’est le mystère du corps parlant, c’est le mystère de l’inconscient1 ». Chaque sujet, du fait qu’il parle, a un rapport charnel à la langue. L’autiste, avec le mystère qui lui est propre, en ouvre-t-il la voie ?
Lors de la Journée du 23 mars, quels objets, quels trésors, quelles trouvailles allons-nous glaner de cet indicible auquel les autistes confrontent ceux qui cherchent à leurs côtés ?
Claudine Valette-Damase
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre xx, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 118.