C’est parti depuis quelques mois. L’essaim bourdonnant où chacun décoche son trait jugé marquant pour répondre à l’invitation de l’École sur le thème superbe et énigmatique de ses prochaines Journées, dévoile dans L’Hebdo-Blog et pour deux numéros quelques pans de ce qu’il a visé.
Pour certains ce sont des phrases paradigmatiques de la clinique de Freud et de Lacan, pour d’autres celles qu’ils ont prélevées dans leur propre clinique, ou encore celles pêchées chez l’artiste.
Bien sûr, l’on pourrait faire un catalogue de phrases censées avoir marqué, mais qui ? Chacun tente de cerner ce qu’il en est du sujet en question1. Qu’en est-il du sujet tel que Lacan nous l’a enseigné ? Et puis, qu’est-ce qu’une phrase entendue qu’on juge marquante veut dire, en sachant que ce que « l’autre est en train de dire ne coïncide jamais avec ce qu’il dit2 », et notamment dans la cure ? Raison de plus pour s’intéresser à ce qu’il en est de l’énonciation par rapport à son énoncé. Mais attention, nous avertit Lacan, il y a des énonciations où le sujet s’avère introuvable car on en a une idée préconçue, comme celle de le confondre avec celui capable de dire Je. Et puis, il y a les phrases marquantes dont le sujet s’est comme évaporé et a trouvé refuge dans le collectif. Ne s’agit-il pas, à partir de certaines phrases, répétées à l’envi sans qu’on sache vraiment ce qu’elles veulent dire, de pouvoir « rejoindre […] la subjectivité de [l’]époque3 » ?
L’analyste ne se contente pas de l’à peu près, de ce qu’on dit, à la lettre, même si dans ce dernier cas cela s’impose, car l’essentiel reste oublié, déformé, interprété à côté, et ne laisse plus de chance au sujet, celui sur lequel Lacan pariait à propos de la fin de son enseignement. Cette fin, disait-il, « serait de faire des psychanalystes à la hauteur de cette fonction qui s’appelle le sujet, parce qu’il s’avère qu’il n’y a qu’à partir de ce point de vue qu’on voit bien ce dont il s’agit dans la psychanalyse4 ».
À bientôt, aux Journées !
Lilia Mahjoub
[1] Cf. Lacan J., « Du sujet enfin en question », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 229-236.
[2] Lacan J., « Place, origine et fin de mon enseignement », Mon enseignement, Collection Champ freudien, Paris, Seuil, octobre 2005, p. 108.
[3] Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 321.
[4] Lacan J., « Place, origine et fin de mon enseignement », Mon enseignement, op. cit., p. 58.