Hebdo blog : La passe a été au centre du Xème Congrès de l’AMP qui vient de se terminer. Quelle est votre impression à chaud ?
Anne Lysy : Lors de ce Congrès, on a mis un accent inédit sur le fantasme, alors que ces dernières années on a beaucoup parlé de la fin d’analyse par le sinthome. Cela m’a surprise. En même temps, chez certains AE, le reste sinthomatique est certainement présent. Par exemple, Véronique Voruz a pu désigner un sinthome nommé « à l’arrache ». Chez d’autres, c’était moins explicité. On voit bien que le travail des nouveaux AE ne fait que commencer. C’est un work in progress. Le travail de l’AE n’est pas d’écrire un texte qui vaut une fois pour toutes sur l’analyse. C’est continuer à extraire des choses. Avec l’authenticité de ce qu’on a entendu, on peut parier qu’il y aura des trouvailles dans les élaborations des AE pendant leurs trois ans de travail. Ça promet !
J’ai été frappée aussi par la diversité des fins d’analyse et de styles de témoignages. Cela peut paraître une banalité, car on a l’habitude de parler de la singularité, on connaît cela : chacun dit à sa façon, etc. Mais ça m’a permis de réfléchir un peu plus sur la tension, dans les témoignages, entre la démonstration très précise et détaillée et ce qui excède toujours à la démonstration.
H. B. : Qu’est-ce qui excède ?
A. L. : C’est l’effet d’énonciation ; mais nous le formalisons davantage du côté du mode de jouir. C’est là que l’on peut situer l’événement et le phénomène de corps, le plus de vie, l’affect… Tout cela excède la démonstration et est thématisé comme tel. J’ai noté que, plusieurs fois, l’événement de corps apparaît quand quelque chose du fantasme a lâché. Ça libère quelque chose. Certains ont témoigné qu’il y avait là tout simplement un plus de vie, comme si quelque chose avait été tout à coup vivifié.
Ou bien, il y a là quelque chose du corps qui transparaît et qui devient sinthomatique. Je reviens à l’exemple que j’ai donné plus haut. « À l’arrache » est quelque chose qui est nommé, qui continue à animer le corps et à donner un style au sujet après la fin de l’analyse. En fait, nous pourrions dire que, là, on voit comment le sujet barré, toujours voué à la disparition, fait tout à coup place au parlêtre.
H. B. : Il y a donc quelque chose qui s’arrête, et quelque chose qui ne s’arrête pas ?
A. L. : Par rapport à la traversée du fantasme, on peut dire qu’il y a quelque chose qui cesse. On n’est plus le même avant et après. On ne jouit plus de la même façon. Alors que la question du reste sinthomatique touche à quelque chose qui continue, qui ne cesse pas, mais qui, comme l’a dit Jacques-Alain Miller, est devenu plus satisfaisant.
H. B. : Est-ce qu’un plus de satisfaction veut dire qu’on souffre moins ? La sortie d’une « anesthésie » névrotique n’implique-t-elle pas un plus de douleur ?
A. L. : En tout cas, un plus de vie peut être inconfortable comme l’a souligné Hélène Guilbaut. Elle disait qu’être dans son « cercueil » était plus confortable. On passe donc à une chose qui ne laisse plus tranquille. Et d’ailleurs, si on est allégé, on n’est jamais assuré qu’on va continuer à l’être. Ce n’est jamais sûr. Ce qui est sûr, c’est qu’après la passe, une fois qu’un détachement a eu lieu, ça ne sera plus comme avant.