Le 11 mai, l’ACF-Belgique invitait, pour préparer PIPOL 7, le psychanalyste israélien Khalil Sbeit, membre de la NLS, à converser avec Gil Caroz sur le thème « Victime réelle ? » A-t-on accès au réel de la victime ? Telle était la question qui sous-tendait cette rencontre. Elle fut animée par Jean-Daniel Matet, directeur de PIPOL 7.
La conversation avec Khalil Sbeit n’a laissé personne indemne, tant cette soirée fut traversée par une recherche vive des conditions nécessaires pour se rendre à l’impossible rencontre du réel de l’autre, éclairée par la rencontre des sonorités des langues étrangères, française, anglaise, hébraïque.
Khalil Sbeit, psychanalyste israélien à Haïfa, fait partie de la minorité palestinienne dite « arabe-israélienne ». Il a mis au travail la question : « Quel est le destin du symptôme, le nom clinique pour la vérité en termes freudiens, dans la réalité politique, telle qu’elle existe dans les territoires palestiniens et dans les conditions de l’occupation ? »
Il a organisé des réunions avec Palestiniens et Israéliens, que le conflit départage, pour faire le pari de parler ensemble du symptôme, dont la singularité est recouverte par ce même conflit et par l’écran du destin tragique des occupés.
Khalil Sbeit nous a exposé sa thèse concernant le trauma : l’éthique de la psychanalyse « rend possible la traversée du fantasme et le détachement des éléments de jouissance liés ensemble dans la rencontre avec l’expérience traumatique tirée de la position de la personne affligée comme victime / objet ». Elle permet au sujet une traversée de son fantasme en y repérant les éléments de sa jouissance, ce qui lui donne chance de se distinguer de la position de victime, à laquelle il se trouve jusque-là comme assigné.
Gil Caroz y a ajouté que la chute des identifications liées au Nom-du-Père, dans l’analyse, est la condition de possibilité de converser avec l’autre, chacun étant marqué par des idéaux puissants opposés. Une perte est ici la condition de la conversation.
Patricia Bosquin-Caroz a précisé que cette perte est liée au désinvestissement libidinal des identifications, en résonance avec « la responsabilité subjective qui touche aux conséquences de ce “destin” », à entendre comme trauma, comme ce qui a fait événement.
Pour Khalil Sbeit, la reconnaissance de l’événement est ainsi nécessaire à l’extraction subjective du poids de l’expérience traumatique. La « reconnaissance », celle qui dit : « Cela a eu lieu », est une condition de l’extraction de la jouissance condensée à cet endroit, mais celle qui demande « pardon d’avoir commis des erreurs » ne permet aucunement de résorber ce qui est en jeu, voire risque même de nourrir insidieusement ce qui n’est pas comptable. Le symbolique ne peut résorber complètement le réel en jeu du trauma, qui laisse une trace indélébile sur le corps : à chacun de savoir y faire !
La condition du lien avec l’autre ne relève d’aucune compassion, qui prétendrait recouvrir le réel singulier de chacun, mais bien plutôt d’un savoir : le réel de chacun n’est en rien partageable.
Le discours analytique est le refuge par excellence pour celui qui veut se déshabiller de « la cape du symptôme collectif » afin d’affronter son sinthome et parier sur un regain de vie.
Khalil Sbeit nous a transmis une trajectoire : réfugié meurtri, il a trouvé à se loger dans le discours analytique et est devenu celui qui invente de nouveaux abris pour d’autres.