
« L’installation de coordonnées symboliques »**
« Les effets psychanalytiques ne tiennent pas au cadre, mais au discours, c’est-à-dire à l’installation de coordonnées symboliques par quelqu’un qui est analyste, et dont la qualité d’analyste ne dépend pas de l’emplacement du cabinet, ni de la nature de la clientèle, mais bien de l’expérience dans laquelle lui s’est engagé. » (Miller J.-A. « Vers PIPOL IV », Mental, n°20, février 2008, p. 186.)
Si les effets psychanalytiques tiennent au discours, à un certain nombre de coordonnées symboliques, comment estimer l’instauration de ce cadre ? Autrement dit, allons-nous proposer les douze séances de traitement à l’issue des consultations au CPCT ?
Les consultations, ces premiers moments où quelque chose se dessine, sont posées comme une étape permettant une évaluation – notamment sur cette question des coordonnées symboliques – et parfois il vaut mieux en rester à cette étape.
Ce qui suppose de ne pas être rattrapé par la furor sanandi, par les dangers de la volonté ou du souhait de guérir.
Il est en effet difficile d’admettre que le malaise dans la civilisation est une faille nécessaire à partir de laquelle peut émerger le parlêtre, et le sujet. Il ne s’agit pas de combattre ce malaise, mais d’en trouver les bords ou abords.
Au CPCT, il peut apparaître que la proposition de traitement soit, à la suite des consultations, une réussite. Si le trait est ici un peu forcé, c’est pour cerner la question de l’attente de celui qui consulte et du désir du praticien d’y répondre.
Alors comment manier les consultations ? Comment accrocher, voire isoler, quelques éléments susceptibles d’appeler une réponse – ceux dont nous aurions besoin et pas plus – qui ne relèvent ni de la compréhension ni d’une empathie.
Comprendre l’autre, Lacan ne le recommandait pas.
Et la dimension imaginaire de l’empathie doit laisser place à la dimension de la jouissance propre à la souffrance de celui qui expose son histoire et son impasse, telle la jouissance des larmes par exemple. On peut alors faire le pari que certaines fixations de jouissance soient déplaçables, mais à quel prix ? Quelle en serait la mise, la possible mise en jeu ? C’est à étudier en cartel, en contrôle aussi, selon chacun.
Les consultations suffisent – en tout cas dans le dispositif limité du CPCT – quand il est clair que les mots, loin de tisser des chaînes signifiantes apaisantes, heurtent trop violemment le corps avec des risques de déclenchement. Le langage s’avère trop réel. Mieux vaut parfois cautionner, entériner, les solutions du sujet dans leur marginalité sociale, au risque de décevoir l’entourage. Car la psychanalyse ni ne normative ni n’adapte.
Langage trop réel indique là que les paroles ne s’inscrivent pas dans une technique signifiante telle que Lacan l’a élaborée dans son graphe du désir, où il y a un circuit de la demande et la dimension du grand Autre qui, dit Lacan, « accuse le coup », c’est-à-dire « authentifie comme tel [le] pas-de-sens » [1], et donc la vraie valeur, en l’occurrence du mot d’esprit ou du néologisme. C’est parfois ce sur quoi s’arrête un traitement, pour le néologisme en tout cas qui peut faire – pour un temps – nomination pour le sujet.
La valeur de ce qui se détache du sens – un signifiant qui « ressurgit comme couac » [2], une équivoque, une surprise – suppose qu’il en soit accusé réception en tant que métaphore susceptible de relancer une autre chaîne signifiante, tel le « pavé dans la mare du signifié » [3].
La trajectoire métonymique, floue et interminable, ne s’accorde pas avec l’idée du cycle, où le temps est compté. C’est aussi pourquoi le dispositif du CPCT s’oriente de la recherche d’une métaphore possible.
Et si le praticien n’est pas là magicien, si les coordonnées symboliques de la métaphore opèrent sur la jouissance, c’est qu’il y a un abord du réel dans lequel le praticien – de sa propre expérience – est engagé.
* Geneviève Cloutour-Monribot est la directrice du CPCT Rive droite pour ados- CPCT Aquitaine.
** Miller J.-A., « Vers PIPOL 4 », Mental, n°20, février 2008, p. 186.
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 98.
[2] Lacan J., « Radiophonie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 417.
[3] Ibid., p. 416.
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