
Le Dieu du carnage de Yasmina Reza, interprété par Roman Polanski
Et si le carnage était au couple ce que le ver est au fruit et le bonheur au pré ?
Telle est sans doute la thèse ironique de Roman Polanski. Du titre de la pièce de Yasmina Reza dont il s’est inspiré, Le Dieu du carnage (créée en 2008 à Paris, à Broadway en 2009), il a laissé tomber « Le Dieu » pour ne garder que Carnage (2011, César 2012 de la meilleure adaptation) qui, du coup, se prévaut de la majuscule.
Ce huis-clos montre à la perfection le don qu’ont les bonnes intentions de déchaîner les pouvoirs mauvais du verbe.
- Action: le couple des parents dont le fils a perdu deux dents dans un combat singulier avec un semblable a invité chez lui les parents du coupable, car il faut pardonner, n’est-ce pas ? Or, du pardon au parler, le pas va se révéler fatal : les parents de la victime ont à peine eu le temps de dévoiler leur abnégation et ceux du bourreau leur contrition, que les deux couples se choquent. Aussitôt les intérêts des deux fois deux, mais aussi des quatre fois un protagonistes reprennent du poil de la bête. Chacun chevauche celle-ci selon son naturel, les fauteurs de troubles demeurant hors champ.
- Réaction: rien n’est chez chacun comme chez son voisin ou son partenaire : ni les goûts, ni les principes, ni les préjugés, ni les manières. Le point de discorde qui gîte au cœur de chaque couple a brisé le miroir que les bons parents tendaient aux mauvais, ceux-ci ayant échoué à rendre la pareille à ceux-là. Les alliances volent en éclats, les complicités s’inversent, chaque femme pleure ses idéaux piétinés par son jouisseur de mari, toutes les deux sourient quand l’un s’empêtre dans ses contradictions, et se tordent de rire quand l’autre est terrassé par la disparition du gadget qui fait sa raison d’être.
- Conclusion: quand tout a été dit, ou presque, car Polanski nous laisse sur notre faim par une chute abrupte, surpris et honteux de désirer que ça en découse encore et encore sur cette scène purgative et drolatique, le film se clôt sur un couple aussi improbable que celui qui a été élu digne de l’affiche de nos journées : celui du hamster – lâchement abandonné et pourtant rescapé imprévu de cette tourmente – et du téléphone portable, qui a contre toute attente repris du service après l’immersion vengeresse dans un verre d’eau dont il avait été victime.
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