Ce que Patrick Monribot est venu nous dire en Méditerranée – Alpes – Provence, c’est qu’il s’agit pour chacun d’incarner le corps parlant au un par un. C’est ainsi qu’il nous a proposé « un parcours »[1], le sien, tressage de sa rencontre avec l’enseignement de Lacan et celui de Jacques-Alain Miller, avec sa propre expérience d’analysant menée jusqu’à la passe et sa pratique de clinicien. En voici, non pas le compte-rendu, mais l’écume, tirée de la discussion qui s’engagea après cette brillante conférence.
« Pas de psychanalyse vivante sans la mise en jeu des corps en présence réelle », mais cela ne suffit pas ! Pour une psychanalyse en phase avec notre époque, encore faut-il que l’analyste y mette son corps…
Oui mais comment ? Quel corps ? Il s’agit que celui qui offre d’occuper la place de l’analyste ait pu atteindre ce point où il a pu nommer dans sa propre cure cette rencontre traumatique du corps et d’un dire contingent. C’est ce qui permet un autre usage du vivant. Car cet événement de corps, « témoin du vivant », noué au désir de l’analyste et à la politique d’une école, donne à l’analyste un mode de présence inédit dans la conduite des cures. Analyser le parlêtre au XXI ème siècle ce n’est plus – seulement – analyser l’inconscient structuré comme un langage mais « s’appuyer sur le corps pour apaiser les excès du signifiant ».
Notre définition du réel a changé et cela impacte les cures. Nous sommes passés du réel comme impasse logique, comme impossible, au réel de la contingence. La première définition s’accorde avec celle de la thèse bien connue du « il n’y a pas de rapport sexuel », en conséquence peut alors se décliner ce qui y supplée. la seconde définition est celle d’un réel propre à la psychanalyse. Il s’agit du réel comme rencontre : c’est la thèse du « il y a ». Il y a toujours un prélèvement corporel en jeu, un bout de jouissance, produit de l’impact du signifiant sur le corps. C’est une jouissance corporéisée, singulière.
Les termes de parlêtre et de corps parlant sont venus supplanter les concepts d’inconscient et de sujet. Désormais, on ne s’analyse plus comme avant. Lacan a poussé son appui pris sur la logique et les petites lettres jusqu’au bout, avec ses formules de la sexuation. Il est ensuite passé à la topologie qui montre mais ne démontre pas. Ce nouveau réel est une production, il se tresse, se tricote. Le sujet, lui, se démontre alors qu’en ce qui concerne le parlêtre : quelque chose s’en montre.
Le rapport entre les sexes ne se réduit plus à l’articulation phallique mais devient sinthomatique.
À l’analyse du sujet et de l’inconscient transférentiel s’ajoute celle du parlêtre qui vise la jouissance du corps parlant. Lacan propose alors un savoir qui dévalue toute universalisation, il joue avec les mots, fait résonner la lalangue : « LOM, les z’hommes… »[2] Il réinvente une doxa pour dévisser ses élèves de leurs certitudes théoriques. Par la topologie, il nous propose d’échapper au savoir comme élucubration du mental et donc toujours débile.
Il y a d’abord une écriture, à laquelle s’accrochent des signifiants, auxquels s’adosse une pensée. L’analyse vise cette « écriture native » qui a un lieu : le corps où « ça se sent ».
Alors, à la fin, qu’en est-il de ce réel ? Ce réel : c’est un savoir y faire qui ne peut pas faire recette, il a un usage, absolument singulier.
[1] Patrick Monribot, les citations sont extraites de sa conférence inédite le 30 janvier 2016 à Marseille, à l’invitation de l’ACF-MAP.
[2] Lacan J., « Joyce le symptôme », Autres écrits, Seuil, avril 2001, p. 565.