La voix est aphone dans la perspective de Lacan qui lui donne le statut d’un des objets dits a, en tant qu’ordonnée d’un point de vue structurel. Ce point de vue suppose un sujet de l’inconscient causé par les effets du langage et du signifiant en relation à son objet.
Lacan introduit en psychanalyse l’objet vocal, ainsi que l’objet scopique dans leur immatérialité. Ces deux nouveaux objets sont ajoutés aux objets freudiens, oral et anal. Mais à la différence de Freud selon qui les objets sont associés à la demande et aux différents stades du développement libidinal, Lacan, dans son approche structurelle, extrait la fonction de l’objet de son inscription temporelle. Ainsi, à proprement parler, pour Lacan, « [il] n’y a pas de stade vocal ni de stade scopique1 », signale Jacques-Alain Miller.
Depuis le XIXe siècle, avec Esquirol, la psychiatrie classique contextualisait la voix hallucinée en tant que perception sans objet, discordante de l’excitation ouïe. Lacan, quant à lui, dépassant cette clinique, s’est intéressé à l’étude de la voix dès ses premiers travaux sur la psychose, analysant les hallucinations verbales motrices et les hallucinations auditives. La qualité essentielle de l’immatérialité sonore de la voix marque pour lui la présence propre de cet objet dans l’exclusion de tout registre biologique et de la fonction de l’organe. Le délire de surveillance et l’automatisme mental l’ont conduit sur la piste d’un objet de consistance logique en dehors de toute substantialité, objet qui serait détachable, extérieur, et aurait statut de reste, de déchet. Cet objet voix, dit objet a, sera l’objet de désir qui enchaîne à l’Autre, et l’objet de la pulsion.
Dans ce nouveau numéro, vous découvrirez plusieurs textes éclairants. Adriana Campos nous présente l’objet voix dans les pensées parasitaires du surmoi sous la forme de ses impératifs interrompus. Katty Langelez-Stevens, à travers le chant lyrique et la musique, dévoile l’objet voix dans son évanescence. Il porte vers un lieu d’incandescence, pur cri, où le silence se précipite. Le texte d’Hervé Castanet invite à une traversée depuis l’objet voix jusqu’à l’objet regard, depuis Homère jusqu’à Picasso. C’est par les chants des Sirènes et surtout par le charme de leurs voix que l’instance de l’objet surgit.
Laissez-vous saisir par ce numéro tonitruant sur l’objet voix !
Marga Auré
[1] Miller J.-A., « Jacques Lacan et la voix », Quarto, n°54, juin 1994, p. 48.