Les récents changements d’orientation dans la politique mondiale sont insolites. Face à la nouvelle pauvreté générée par la situation sur les marchés mondiaux, une inquiétante réaction de masse prend place, sécrétant le refus de l’Autre. Le peuple souverain se galvanise sous les commandes de chefs et d’oligarques puissants qui promeuvent un antisystème où le père de l’Œdipe avec sa loi est complètement dépassé. La montée des populismes extrêmes, qui met en exergue le rejet, prône la haine et la ségrégation et devient l’enjeu central de politiques spectaculaires, parfois contraires au droit. Entre-temps, le milliardaire président des États-Unis déclare dans un entretien avec les médias : Ce que je fais est bon pour le pays, pour les gens, pour l’humanité.
Masse, foule, multitude, peuple, autant de termes du même champ sémantique auxquels Freud se réfère en 1921 pour considérer la Massenpsychologie comme étant du même ordre que la psychologie de la Horde primitive. Freud interroge dans ce texte comment l’individu isolé s’organise au sein d’une masse et subit sous son influence un changement profond. La foule se constitue nécessairement autour d’un meneur mis à la place de l’Idéal du moi pour tous, maître absolu, ce qui engendre l’identification de chaque individu aux autres. Freud en a donné sa représentation graphique.
À la différence de cette époque freudienne désuète, notre temps est marqué par la montée au zénith de l’objet, l’inconsistance de l’Autre et la chute des idéaux. Le marché global a des effets sur les identifications individuelles. Nos sociétés de masses adhèrent à une promesse de jouissance sans frein et sans loi qui produit un reste d’exclusion. Aujourd’hui, le leader devient la personnification du plus-de-jouir promis pour les bannis du système. Les idéaux freudiens ont perdu leur place de domination et la cède à l’objet.
Les trois textes qui suivent montrent la complexité de la situation actuelle quant à la montée des populismes. Camilo Ramirez observe le nouveau désordre collectif promu par la déstructuration de la parole déconnectée du signifié. Fabian Fajnwaks analyse la nouvelle version du leader qui incarne, avec son plus-de-jouir, l’objet a lui-même. Mónica Guerra montre le danger de la fragilité de nos démocraties issue de l’évaporation du père et la chute des idéaux.
Marga Auré