Dès la première consultation, la perspective du passage au traitement, qui implique l’adresse vers un autre praticien, est mise en fonction et précisée à ceux qui s’adressent au Centre psychanalytique de consultations et de traitement (CPCT) sur le mode de l’urgence subjective. L’enjeu est de susciter un mieux dire pour l’instauration d’un transfert à un savoir inconscient supposé au Un du dispositif, qui permute. Dès lors, l’acte de dire oui ou non à l’entrée dans le traitement relève de la responsabilité du consultant. Le passage de A à B, précise Jacques-Alain Miller, s’écrit selon une « prescription détaillée1 ». Comment entendre cette formule qui désigne habituellement l’acte médical ou juridique, lors de ce moment unique et isolé de la consultation ? Il s’agit de livrer à celui qui fera le traitement une lecture des signifiants singuliers, un brin d’énonciation surgit au-delà du bavardage, la singularité de sa souffrance qui prend valeur de symptôme, ce qui aura fait interprétation, surprise et rencontre avec « le savoir supposé dont [le sujet] ignorait être lui-même le siège2 ». Le diagnostic de structure est également transmis à des fins d’orientation du traitement.
Répondre, mais comment ?
Ceux qui s’adressent au CPCT pour franchir l’impasse rencontrée face à un réel, pour que ça change, font le choix (souvent inédit) de parler. Ce pourquoi le sujet demande à venir, les circonstances qui l’ont décidé, est scrupuleusement interrogé. Dès lors, il y a à répondre : « Le sujet ne peut pas se fonder dans la parole si la réponse de l’Autre ne met pas son sceau sur ce qui a été formulé. Donc, sur ce versant la réponse de l’analyste est essentielle.3 » Si notre perspective n’est pas la guérison, laquelle vient toujours de surcroît4, elle vise l’amélioration de la position du sujet5. Elle crée l’occasion pour lui de trouver un réaménagement possible avec son symptôme, d’obtenir un allégement d’une jouissance envahissante et/ou un rebranchement sur « la réalité sociale6 ». Aussi, s’exerce une pratique qui tient compte de la logique structurale – c’est-à-dire du rapport du sujet au langage – et de la logique continuiste attentive à la langue privée du parlêtre. Dans certains cas, il s’agit de mesurer, voire d’éviter cette rencontre avec le savoir supposé qui risquerait de faire flamber un délire interprétatif.
Un homme reçu énumère la liste de tous les « psys » déjà rencontrés. Il estime avoir subi avec chacun un préjudice et, sur le mode de la confidence, livre sa certitude délirante : « Ils se servaient de mon secret pour faire fortune. » Malgré la gratuité, le CPCT ne saurait faire mieux pour lui, lui fit alors entendre le consultant. D’accord, il renonça de lui-même. Dire non à l’entrée peut répondre d’une prudence : ne pas prendre le risque d’ébranler les solutions trouvées par le parlêtre pour tenir dans la vie.
Fonction de la hâte
La consultation opère à partir du savoir issu de la psychanalyse et de sa propre expérience. Le temps logique, qui n’a rien à voir avec la durée de la montre, constitue l’un des opérateurs introduits pour servir la visée du traitement7. Comme le traitement, la consultation comporte, dans sa structure, les trois temps logiques déclinés par Lacan et lisibles dans les dires du sujet. Également du côté des consultants, ils entrent en jeu avec une variante éclairée par Serge Cottet : le principe « d’un raccourcissement du temps pour comprendre [, d’un] bricolage du temps logique [avec le] déplacement de la fonction de la hâte vers le temps pour comprendre, alors que c’est avec “la hâte à conclure” que le concept est à la bonne place8 ».
Dès lors, la transmission propre à ce dispositif en passe par l’écriture et invite le consultant à un effort de logique.
Dominique Pasco
[1] Miller J.-A., « Lieu Alpha », in Perrin Chérel M. (s/dir.), Être parents au 21e siècle. Des parents rencontrent des psychanalystes, Paris, Michèle, 2017, p. 25.
[2] Ibid.
[3] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Silet », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, leçon du 7 décembre 1994, inédit.
[4] Lacan J., « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 324.
[5] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 70. Cf. également Castanet H. & Zuliani É. (s/dir.), Comment améliorer la position du sujet, Paris, Presses psychanalytiques de Paris, 2023.
[6] Miller J.-A., « Lieu Alpha », op. cit., p. 26.
[7] Lacan J., « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée. Un nouveau sophisme », Écrits, op. cit., p. 204.
[8] Cottet S., « Un bricolage du temps logique », L’Hebdo-Blog, n°71, 22 mai 2016, publication en ligne (www.hebdo-blog.fr).