Quand on parle d’objet en psychanalyse, de quoi parle-t-on ? Comme le rappelle Bernard Jothy, on peut considérer qu’il y a une polysémie de l’objet. L’objet n’est pas univoque, souligne France Jaigu, dans son discours liminaire. L’enjeu du 3e Rendez-vous Clinique était de mieux cerner, grâce aux commentaires de notre invité Pierre-Gilles Guéguen, l’objet en jeu dans chacun des cas présentés et de repérer comment cela oriente la direction du traitement.
L’angoisse est au premier plan pour la patiente d’Aurélie Libert-Charpentier. Le traitement fait tomber un certain nombre de ses identifications et le réel familial se dévoile. Pourquoi cela l’apaise ? Nous sommes loin du rêve de l’injection faite à Irma où Freud se confronte au réel de la castration. Pour ce sujet, le moins phi ne semble pas fonctionner. Il s’agit alors d’une rencontre non pas avec la castration, mais avec le réel de l’objet a.
Pour mieux cerner l’objet dans le cas de Leïla Bouchentouf-Lavoine, P.-G. Guéguen nous oriente vers la question de Lacan postérieure au Séminaire livre XX : comment se fait-on un corps ? Si, pour le sujet psychotique, il n’y a pas d’image du corps, l’objet a n’est alors pas constitué, ce qui pourrait laisser penser qu’il n’y a pas de fantasme. Or dans son cours « Biologie lacanienne et événement de corps »[1], Jacques-Alain Miller dit que Schreber se construit une dialectique avec l’absence-présence de Dieu, un fort-da de jouissance. Pour Lacan, le délire de Schreber « que ce serait une belle chose d’être une femme subissant l’accouplement »[2] a le statut d’un fantasme. De la même manière, dit P.-G. Guéguen, la thèse qu’écrit le patient de Leïla, fonctionne comme un fantasme « Qu’il serait beau d’être dans une entreprise où tout le monde s’entend, etc. ».
L’après-midi s’est terminé avec un cas de Fabian Fanjwaks. Il s’agit d’une artiste « performeuse » qui organise des performances éphémères dans la rue où, avec une allure très bizarre, elle approche des passants à partir de son corps pour les surprendre. « C’est un habillage, dit Lilia Mahjoub, ces instants font office d’artifice, de miroir, car le corps imaginaire n’est pas acquis ». Elle fait intervenir l’imaginaire dans le regard de l’Autre, soutenu par l’appareillage symbolique de la thèse qu’elle est en train d’écrire. La nomination « performeuse » semble lui permettre d’effectuer un nouage des trois registres et d’établir un semblant d’être.
Dans la mise en fonction de l’objet a, nous rappelle P.-G. Guéguen, Lacan découvre que c’est sur ce chemin vers le réel qu’il se rencontre, mais que sa vraie nature est dans son rapport à l’être. P.-G. Guéguen s’est appuyé sur les cas cliniques présentés pour faire valoir ce déplacement du réel à l’être et les affinités de l’objet a avec le semblant.
[1] Miller J.-A., « Biologie lacanienne et événement de corps », La Cause freudienne, Paris, Navarin/Seuil, n°44, février 2000, pp. 7-59.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981, p.74.