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Nouvelle Série, L'Hebdo-Blog 296

Une expérience au CPCT : de l’enthousiasme au ratage

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Il reste de l’expérience du CPCT-parents des formules qui saisissent et mettent au travail : celle de Francesca Biagi Chai « désintriquer les jouissances » [1], celle d’Aurélie Pfauwadel « lire de biais », celle de Patrick Monribot « maintenir “la place du mort” » [2], ou encore celle de Marie-Hélène Brousse « vider la mère » [3].

Un entraînement

Reprenons la formule de Jérôme Lecaux « lire Lacan est un entraînement » [4], pour l’appliquer à l’expérience du CPCT, l’expérience de consultant au CPCT comme entraînement, à entendre comme un mouvement qui pousse à agir indépendamment de la volonté. Mes deux premières années en tant que consultante B, ont pris la forme d’un marathon, à allure régulière sans heurt particulier. Je croyais y être arrivée. C’était sans compter le passage comme consultante A. Le marathon s’est transformé en trail, le parcours est devenu chaotique : quelques cailloux dans la chaussure, quelques pierres au milieu de chemin, un virage, serré, tel qu’Esthela Solano Suarez en a parlé à Question d’École [5] ; je rencontrai une place d’inconfort et consentis à cette intranquillité, pas sans le contrôle et l’analyse. La rencontre avec une mère m’enseignait une certaine humilité ; quand le patient ne veut rien savoir, que peut la parole ? Ni espoir, ni désespoir, une nouvelle façon de traiter la parole s’en déduisait. Je me détachais de l’idée surmoïque de bien transmettre au consultant B les « éléments recueillis » et entendais autrement : qu’est-ce qui s’est dit ? Quels signifiants ont marqué le sujet ? Sur quelle pierre a-t-il trébuché ? Qu’est-ce qui fait que la folie du sujet n’est pas un obstacle au traitement ? Les propositions d’Omaïra Meseguer lors d’une matinée clinique telles que le « pari de dire oui à un début de traitement par une première réduction en suivant le fil des signifiants » et « ne pas se laisser emporter par la glissade propre à la parole » avaient retenu mon attention.

Effets de formation

Temps 1 : une intervention de Dominique Holvoet dans la discussion du cas que je présentais au colloque 2020 en visioconférence aura effet d’interprétation. La solitude éprouvée derrière l’écran en était redoublée. En réponse me revint un des principes directeurs de la cure analytique [6], celui de s’éloigner des idées pré-établies, des standards, des disque-ourcourant[s] [7] comme le reprit Alice Delarue à Question d’École.

Temps 2 : je me suis davantage autorisée à produire des « découpes dans le bavardage » [8] – questions, silences, résonnances, traductions… – selon chaque sujet rencontré. Car pour que la demande prenne forme, qu’elle s’épaississe, il s’agit de faire place à la contingence, de s’étonner de ce qui se dit, d’introduire l’énigme, la question et d’éloigner le sujet de la parlotte, de garder le sujet loin du « c’est comme ça », qui endort.

Ce qui réveille, ce sont les mots au-delà de leur définition dans le dictionnaire. Les mots ne sont pas une évidence, ils sont à évider. Je trouve une certaine joie dans cette orientation de travail où l’événement interprétatif ne surgit que dans la surprise, la fulgurance et ne se mesure que dans l’après-coup [9].

La formule équivoque de Jérôme Lecaux « parler peu peut – parler peut peu » entendue à Saint-Brieuc il y a quelques années, épingle assez justement ce qui a été en jeu pour moi dans cette formation au CPCT.

Delphine Gicquel

________________________

[1] Biagi Chai F., intervention au Colloque CPCT-parents de Rennes, « Quand le symptôme devient insupportable », 6 décembre 2019.

[2] Monribot P., « L’interprétation lacanienne du symptôme », disponible sur internet, https://sectioncliniquenantes.fr/wp-content/uploads/2021/04/10_01_monribot_interpret.pdf

[3] Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, Paris, Navarin, 2020, p. 19.

[4] Lecaux J., intervention au Colloque CPCT-parents de Rennes, « Parents-enfants, usages et limites de la parole aujourd’hui », 2 décembre 2022.

[5] Virage, de virare/vibrare : faire tourner, changer, tourner autour d’un axe, pour en faire un levier.

[6] Laurent É., « Principes directeurs de la cure analytique », présentation à l’Assemblée générale du Ve congrès de l’Association Mondiale de Psychanalyse, 16 juillet 2006, Rome, disponible sur internet, https://www.psychaanalyse.com/pdf/CURE_PRINCIPES_DIRECTEURS_DE_L_ACTE_PSYCHANALYTIQUE.pdf

[7] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, texte établi par J.-A Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 35.

[8] Meseguer O., intervention à la matinée clinique du CPCT-parents du 7 mai 2022 à Rennes.

[9] Cf. Dupont L., soirée du CPCT-Paris, « pas sans interprétation », 6 décembre 2021.

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