Ça y est ! Nous avons le volume en main : le Scilicet du Congrès de l’AMP de février 2024 est paru. Son titre est celui du Congrès, Tout le monde est fou, que dirigeront Ligia Gorini et Gil Caroz. Ce thème proposé par Jacques-Alain Miller est explicité dans un texte de celui-ci que nous trouvons en début de volume, après la préface de Christiane Alberti, présidente de l’AMP. Mais nous retrouvons aussi les propos de Lacan intitulés « Lacan pour Vincennes ! », d’où cette formule lapidaire est extraite. Nous y voyons qu’elle est accompagnée de quelques remarques qui en précisent le sens et la portée, puisque Lacan l’annonce d’abord en se plaçant sous l’autorité de Freud lui-même, à qui il prête l’idée que rien n’est que rêve. Puis l’aphorisme se déploie avec cette précision qui l’explicite : « Tout le monde est fou, c’est-à-dire délirant ».
L’aphorisme s’inscrit dans un contexte, celui du tout dernier enseignement de Lacan et de son Séminaire « Le moment de conclure », où les repères qui semblent acquis sont ébranlés et interrogés à nouveaux frais. Si tout est rêve et délire, c’est que les constructions théoriques – jusques et y compris la science, la raison et la psychanalyse – sont des défenses contre le réel, des « élucubrations de savoir » où se trahit la parenté entre fantasme, rêve et délire, puisque le réel est impossible à dire.
Ce volume résulte du travail de membres de toutes les Écoles qui constituent l’Association mondiale de psychanalyse. Réunis en petits groupes de travail nommés ici cartels, chaque groupe se consacrant à un item particulier, ces collègues ont échangé leurs points de vue, leurs expériences et leurs idées pour produire cent douze textes qui éclairent autant de facettes du sujet. On sera sensible à l’effort qui a caractérisé ces groupes où les langues se sont mêlées, donnant corps à l’École Une par la confrontation et la discussion. La direction de Gustavo Stiglitz conduit à cet ouvrage qui fera trace du multiple autant que de l’Un de notre communauté. L’intérêt de ces produits de travail n’est pas seulement de traiter chacun un aspect du délire général à l’époque de la dépathologisation et de l’effacement des normes, mais de nous faire sentir comment chaque analyste livre sa façon de s’approprier l’aphorisme de Lacan et de le « subjectiver » à la lumière de sa praxis. Il est donc souhaitable de voir comment, au-delà du commentaire, l’énonciation de chaque auteur rend vivante la rigueur de la réflexion.
Ce Scilicet paraît simultanément dans les différentes langues des Écoles de l’AMP. L’édition française doit beaucoup à l’ensemble des traducteurs, correcteurs et lecteurs qui s’y sont voués pendant un an, mais aussi à la compétence, l’efficacité et la gentillesse de Romain Aubé avec qui j’ai formé un binôme.
Il ne reste plus qu’à former le vœu que le lecteur trouve dans ces pages une matière à l’élaboration nécessaire à éclairer sa pratique. Un soin particulier a été porté aux références bibliographiques et aux notes. Le souci des éditeurs était en effet qu’il soit possible d’aller aux textes évoqués et de pouvoir inscrire chaque citation dans son contexte. C’est ainsi que tout lecteur s’approprie à son tour ce qu’il lit, autrement que de façon passive. Nous espérons ainsi que ceux qui découvrent la psychanalyse, qui se lancent dans son étude ou qui veulent nourrir leurs propres recherches (mémoires et thèses notamment) rencontrent vraiment ce dont le mot « scilicet » autrefois choisi par Lacan est la promesse : « Tu peux savoir », ce qu’en pense l’Association mondiale de psychanalyse.
Philippe De Georges