Entre-deux
Clinique et artistique : telle est l’allure du numéro d’aujourd’hui. Deux déclinaisons qui font le terreau des soirées préparatoires aux J47 et que nous avons choisi d’allier ensemble le temps d’une publication.
Lire la suiteClinique et artistique : telle est l’allure du numéro d’aujourd’hui. Deux déclinaisons qui font le terreau des soirées préparatoires aux J47 et que nous avons choisi d’allier ensemble le temps d’une publication.
Lire la suiteSinthome, reste indivisible, irréductible, nécessairement concis, indispensable au sujet, avec lequel il devra se débrouiller. Une nouvelle version de l’apprentissage, plutôt inouïe !
Lire la suiteOù il est question d’un désir de cinéma qui se noue à la lecture via un objet singulier, la voix de la mère…
Lire la suite« L’archéologie de la douleur ne se fait pas avec ordre et méthode »(1).
Le téléphone retentit. Helen apprend que son père vient de mourir d’une crise cardiaque. « Mort. Je me suis retrouvée au sol. Les jambes coupées, je m’étais effondrée »(2). Son monde vacille. Sans conjoint ni enfant, cette historienne passionnée de fauconnerie depuis l’enfance se met alors en tête de faire l’acquisition d’un autour. Moment de franchissement. Car l’autour, « Graal obscur des ornithologues »(3), animal sanguinaire des forêts profondes, est réputé indressable. « Il y a là-dedans quelque chose de vivant »(4) se formule-t-elle au moment tant attendu de réceptionner la boîte renfermant l’oiseau. Et la voilà qui, croyant pouvoir dénicher son père au cœur de la forêt, se retranche dans sa forteresse avec son rapace. Livre autobiographique aux accents hamlétiens, M pour Mabel retrace une quête à la frontière entre vie et mort, beauté et laideur, humanité et sauvagerie. Dans ce long travail archéologique en compagnie de Freud, « parce qu’il était encore à la mode à l’époque »(5), Helen tente de dénouer les nœuds de sa tragédie, les liens qui l’unissent au père. C’est dans un jeu en miroir avec l’auteur de La quête du roi Arthur, T.H. White(6), lui-même ayant tenté de dresser un autour dans une lutte sans merci, qu’elle aborde la question du dressage des pulsions. La passion d’Helen pour la fauconnerie prend sa source dans celle du père qui, enfant, observait les avions bombardiers pendant la guerre, et qui devint photoreporter. Selon Helen, son père luttait avec son appareil contre la disparition. Elle évoque par ailleurs une perte précoce dont elle fut longtemps tenue dans l’ignorance, celle de son frère jumeau mort peu après sa naissance : « J’avais toujours eu l’impression qu’il me manquait une partie de moi-même »(7). Nous mesurons là que la dimension scopique occupe une place de choix, ce que nous retrouvons dans sa position de spectatrice depuis sa plus tendre enfance. Sa fascination dévorante pour l’autour s’origine d’ailleurs dans un épisode d’une terreur exquise lorsqu’à 12 ans, elle assiste frissonnante à la mise à mort d’un faisan par un autour. Elle repart avec six plumes du faisan dans son poing. « C’était la mort que j’avais vue »(8). La perte brutale du père donne alors l’occasion à cet oiseau du passé de faire retour : « C’était l’autour qui s’était emparé de moi, pas l’inverse »(9). Elle l’appellera Mabel(10). Se comparant à Hamlet qui n’est fou « que par le vent du nord-nord-ouest » et qui sait « distinguer un faucon d’un héron »(11), Helen cherche à tamponner la douleur du deuil par cette folie passagère, « pour combler l’abîme et construire un monde neuf et à nouveau habitable »(12). Dans ce bricolage, elle va mettre en œuvre une modalité du fort-da : « Il n’y avait rien qui puisse autant soulager mon cœur en deuil que l’autour revenant sur mon poing »(13). Lacan précise: « (…) le deuil, qui est une perte véritable, intolérable à l’être humain, provoque pour lui un trou dans le réel. (…) ce trou se trouve offrir la place où se projette précisément le signifiant manquant. (…) Ce signifiant, vous ne pouvez le payez que de votre chair et de votre sang. Il est essentiellement le phallus sous le voile »(14).
Helen fait appel à tous les signifiants du dressage pour venir border le trou. L’un d’eux d’ailleurs, « Yarak », est un terme turc pour désigner l’autour lorsqu’il est d’humeur à tuer - et qui signifie en argot « pénis ». Cette humeur à tuer, Helen la mettra en acte dans des séquences de mise à mort et de dévoration. De quoi faire surgir sa question : « Tel était le grand mystère qui se reproduisait chaque fois. Comment les cœurs cessent de battre »(15). Le cœur, c’est celui du père, du frère, le sien. Au fur et à mesure, Helen repère que cela ne peut constituer à terme une solution, que c’est un renversement : « Je suis devenue un spectacle (…). Pour la communauté, je représente la mort »(16). Face à la disparition jugée « absurde » du père, parviendra-t-elle à redorer le blason paternel ? Aiguillonnée par le dard de la culpabilité, Helen se réveillera-t-elle ? Ce parcours si singulier montre comment un sujet tente de dresser un cœur sauvage, d’apprivoiser sa question entre vie et mort, et de se dresser soi-même pour évacuer la question du désir. « J’étais furieuse contre moi-même, contre ma propre certitude inconsciente que la nature était le remède dont j’avais besoin. Nos mains sont là pour serrer les mains d’autres humains. Elles ne doivent pas seulement servir de perche à un faucon »(17).
(1) Macdonald H., M pour Mabel (H is for hawk, 2014), Fleuve Editions, Paris, 2016, p. 270.(2) Ibid., p. 23.
(3) Ibid., p.13.
(4)Ibid., p.78.
(5)Ibid., p.115.
(6) T.H. White (1906-1964) a écrit un livre sur le dressage de son autour : The Goshawk (1951).
(7) H. Macdonald, op. cit., p.74
(8) Ibid., p.34.
(9) Ibid., p.39.
(10) « Mabel » vient du mot latin « amabilis » = « aimable », « digne d’être aimé ». Par superstition, le choix du nom du rapace est fait de façon inversement proportionnelle aux qualités attendues par le fauconnier.
(11 )Shakespeare W., Hamlet (1603), Librio, Paris, 2004, p. 49.
(12 )Macdonald H., op. cit., p. 28.
(13)Ibid., p.189.
(14) Lacan J., Le Séminaire, Livre VI, « Le désir et son interprétation » (1958-1959), Seuil, Paris, 2013, p. 398.
(15) Macdonald H., op. cit., p. 266.
(16) Ibid., p. 300.
(17) Ibid., p. 294.
Lire la suiteUne après-midi où s'est exprimée l’exigence épistémique et éthique, ce qui oriente l’analyste, tant dans les cures que dans ses travaux.
Lire la suiteJe travaille dans un établissement qui embauche des personnes reconnues « handicapées » en milieu protégé, en continuité avec leur parcours institutionnel ou plus rarement suite à une rupture psychique et/ou sociale. Ma pratique consiste à soutenir les sujets, leur place et leur fonction singulière, face à la demande d’une institution qui s’oriente de « la valeur du travail ». Le statut commun de « travailleur », fait office d’une identification imaginaire et permet une inscription sociale reconnue. Pour autant, tous ne répondent pas à ce signifiant de la même façon. La valeur travail n’est pas Une, elle se décline selon la singularité de chacun. Ce n’est pas la valeur du travail en tant que telle qui permet une stabilisation, mais la fonction qu’elle prend pour le sujet et la place que ça lui donne. De fait, il faut repenser à chaque fois la mise au travail du travailleur, qui ne se réduit pas à l’acquisition de compétences. Les fiches pédagogiques, élaborées et adaptées pour tous les apprentissages techniques, ne suffisent pas à réguler les symptômes de chacun. Ainsi, ce qui se manifeste par des absences répétées, par un collage au moniteur, ou par une inertie, est considéré comme un manque : manque d’autonomie, manque de motivation, en somme un manque de compétence. La recherche de solution est court-circuitée par l’exclusion car : « nous ne sommes pas un lieu d’apprentissage » entend-on. Ce dédouanement face au réel de la clinique qui freine l’activité de l’entreprise est corrélé à la prégnance d’une logique de productivité. Lorsque ce point de butée est rencontré, on n’en veut rien savoir et préfère s’en débarrasser, car trop encombrant. Les situations prennent alors un caractère urgent et sont peu questionnées par un regard clinique. Comment faire entendre que ce reste qui rate et se répète ne requiert pas d’un apprentissage pareil pour tous, mais d’une mobilisation vivante et désirante de chacun et de l’invention des accompagnements singuliers. La demande de quelques-uns de l’équipe faite au psychologue est que celui-ci leur donne « des astuces pour ne pas mal faire » avec les travailleurs. Si l’on entend une prise de responsabilité dans l’accompagnement, ce désir d’en savoir un peu plus n’est pas partagé par tous. La mise au travail clinique est entravée par la logique entrepreneuriale de l’institution, qui fait tant l’objet de plainte que de complaisance. Le temps des projets personnalisés, basée sur l’évaluation, est surtout l’occasion de rencontrer individuellement le moniteur référent de chacun, pour soulever les singularités, mobiliser le désir et une mise au travail. Certains ne se sentent pas concernés, ayant parfois pour effets des passages à l’acte dénudant un insupportable. D’autres sont en demande d’un savoir-faire déjà là mais pourtant ignoré. Le leur faire entendre provoque un réveil, non sans une petite angoisse pour certains d’être des partenaires à temps pleins de ces sujets. Cette angoisse peut-être productive et ouvre aux questionnements, elle a des effets cliniques. Ces sujets nous pointent par la recrudescence de leurs difficultés – encore faut-il les entendre – la défaillance institutionnelle, là où elle tend au contraire à améliorer sa productivité et l’amélioration de ses méthodes pédagogiques et évaluatives. C’est au un par un que cela s’opère, tant du côté des travailleurs que de celui de l’équipe, via les moyens de production que seraient le désir et l’angoisse. Ce n’est pas plus à eux qu’à nous de se mettre au travail, pour que ce lieu demeure ce qui fait son essence : un milieu adapté, non pas pour tous, mais à chacun.
Lire la suiteLorsque Ionesco dégage, dans une ironie glaçante, les ressorts de la relation pédagogique…jubilatoire !
Lire la suiteC’est sous ce titre que s’est tenu un après-midi de travail préparatoire aux journées 47 de l’ECF, ce samedi 30 septembre à Mons (ACF-Belgique), dans les murs de l’école Condorcet – une Haute École formant notamment des instituteurs et des professeurs. Ce fut très vivant ! Quelques petits intermèdes de Jacques Brel chantant Rosa, la lecture de passages de Chagrin d’école de Daniel Pennac, ainsi que des extraits de La leçon d’Ionesco constituèrent une belle entrée en matière ! La teneur des exposés suscita des échanges intéressants avec la salle. De cet après-midi, je retiendrai l’antinomie entre le savoir et l’enseignement. Le savoir est un moyen de jouissance propre à chacun. Dans l’enseignement, l’apprentissage est une question de rencontre. Dans le savoir, il y a ce qui est inoubliable. L’inconscient est la mémoire de ce que l’on oublie. Reste inoubliable ce qui a modifié notre façon de jouir. L’inconscient ne s’enseigne pas, l’enseignant est l’analysant. La présentation faite par Jean-François Lebrun, de Maurice Olender, à partir de son livre Un fantôme dans la bibliothèque, a bien montré la singularité du savoir comme moyen de jouissance. Cet enfant « né de la survie » en 1946, a baigné dans « le parler de ce qui n’existe plus » : les disparus de la persécution antijuive. Enfant, il ne veut rien savoir des lettres ; il passera pourtant sur le tard le jury central. C’est alors qu’il erre dans les rayonnages de la Bibliothèque Royale, qu’il est interpellé par ce carton nommé « fantôme » marquant symboliquement la place réelle des livres absents. Son intérêt pour ce détail, qui n’est pas anodin, le conduira à devenir philologue des langues anciennes et historien du racisme. Un enseignant, comme en a témoigné Yohan De Schryver, confronté à l’impuissance face à des élèves, peut passer de l’impuissance à l’impossible, du rouspéteur au révolté. Le discours analytique est le seul à permettre de transformer la plainte en levier. Le désir de l’enseignant est primordial pour faire du lycée ce que disait Freud : « un lieu procurant l’envie de vivre. » Philippe Hellebois nous a fait cette proposition : « l’enseignant trouve du neuf, tandis que le prof répète ! » Quand un élève manifeste des symptômes à l’école, bien souvent, un diagnostic est dressé par l’école, le médecin : phobie scolaire, dépression pour échec scolaire, dyscalculie, dyslexie, etc. Le décor est planté et parfois bien enraciné ! Les praticiens orientés par la psychanalyse s’intéressent à l’envers de ce décor, en partant du symptôme qui n’est pas à éradiquer, mais à déchiffrer, à interpréter, et dont l’usage est à questionner. Le sujet se plaint d’autant plus de son symptôme qu’il y tient ; il en jouit inconsciemment. Au cours de la cure menée avec Béatrice Brault, Carla, une fillette de 10 ans, a pu trouver du « vouloir-dire » dans l’événement de corps qui l’empêchait de fréquenter assidûment l’école, lui permettant de s’y rendre à nouveau sans autant d’angoisse. Certains symptômes se manifestent dès l’école maternelle. Rien d’étonnant, comme nous l’a fait entendre Laurence Labouche, directrice d’un Centre d’Aide Médico-Social Précoce. Freud attirait déjà notre attention sur la période de la petite enfance, lorsque, dans l’intimité de la maison familiale, l’enfant côtoie ses objets d’amour et d’identification. Les théories sexuelles infantiles et la curiosité de l’enfant inaugurent le fondement du désir de savoir. Les enfants curieux peuvent être bavards, remuants, questionner sans cesse ; ils ne sont pas les plus reposants ! Pourtant, vive les enfants curieux !
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Lire la suiteCe qui ne s’apprend pas, Chaissac nous le fait découvrir avec ses bricolages à partir de débritus...
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