Quelle drôle d’idée : sortir de la pile de journaux un texte [1] datant de 2011 et proposer, en 2020, à plusieurs directeurs de CPCT d’en extraire un point.
Qu’allons-nous découvrir de cette connexion des prophéties de Lacan à l’expérience des CPCT ? Quel rapport entre la clinique contemporaine et « l’emprise croissante du chiffre » [2] ? L’amendement Accoyer voté en octobre 2003 déclare la guerre à la psychanalyse et, plus largement, à la psychologie dite dynamique. « L’emprise croissante du chiffre », via son bras armé : l’évaluation, nous indiquait la voie par laquelle elle se proposait d’évacuer aussi bien la clinique, la subjectivité que la division. En somme, l’inconscient était visé.
Les CPCT ont été créés, la même année, comme réponse par le conseil de l’École de la Cause freudienne pour lutter contre L’Arrogance du présent [3] qui livre chacun « à la solitude du ‘‘Un’’ » [4]. Lacan nous a donné les outils pour « déchiffrer notre présent » [5], et Jacques-Alain Miller y revient en 2011 dans cet article qui, s’il n’était si finement tissé dans l’esprit, pourrait nous désespérer.
Le « triomphe de la science » et « le retour du sacré » y sont paradoxalement mêlés sous les auspices de la « suprématie du ‘‘Un’’ » [6]. Les CPCT portent la marque de l’acte politique qui a présidé à leur création, en proposant, à qui le veut, gratuitement et pour un nombre limité de séances, de « s’exposer au discours analytique, de parler à quelqu’un qui a l’expérience de son inconscient » [7].
C’est ainsi, sur fond de crise du sens et de chute des idéaux, avec pour corollaire la « montée au zénith » de l’objet a [8] et de la frénésie scientiste [9], que des psychanalystes ont créé des espaces pour que puisse subsister un lieu d’écoute qui respecte le « citoyen-symptôme » [10] et l’inconscient politique. À savoir, un traitement « en prise directe sur le social » [11] qui ne soit en aucun cas rature du ratage, mais qui permette, à celui qui souffre et qui s’en plaint, de repérer les premières coordonnées de son lot de jouissance.
C’est ce en quoi les CPCT, institutions éminemment politiques, sont d’abord une « invention poétique » qui fait « exister l’effet de la parole, par l’offre d’une écoute » [12] que nulle « gestion des émotions » ne peut atteindre, bien qu’elle s’y épuise.
C’est sur cet exercice éthique de bien dire le Malaise de notre civilisation [13] que L’Hebdo-Blog, Nouvelle série prend quelques semaines de vacances, pour vous retrouver à la mi-septembre.
[1] Miller J.-A., « Les prophéties de Lacan », entretien, Le Point, 18 août 2011, disponible sur internet.
[2] Ibid.
[3] Milner J.-C., L’Arrogance du présent. Regards sur une décennie 1965-1975, Paris, Grasset, 2009.
[4] Miller J.-A., « Les prophéties de Lacan », op. cit.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] La Sagna P., « Entretien », CPCT-Paris, 20 juin 2019, disponible sur internet.
[8] Lacan J., « Radiophonie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 414.
[9] Miller J.-A., « Les prophéties de Lacan », op. cit
[10] Fernandez Blanco M., « Citoyen-symptôme », La Cause freudienne, n°66, juin 2007, p. 11-15.
[11] Cf. PIPOL 3 : « Psychanalystes en prise directe sur le social », Paris, 30 juin et 1er juillet 2007, actes publiés dans Mental, n°20, mars 2008.
[12] Fernandez Blanco M., « Citoyen-symptôme », op. cit., p. 13.
[13] Freud S., Le Malaise dans la civilisation, Paris, Points, 2010.