
Éditorial : Reading
Qu’est-ce que nous allons chercher dans certains livres ? Le miracle de la rencontre avec une lecture ne se produit pas à chaque fois. C’est contingent. Parfois dès les premiers lignes, le lecteur est éjecté. Le livre lui tombe des mains. D’autres fois, il est saisi dès la première phrase : « Lorsque Gregor Samsa s’éveilla un matin au sortir des rêves agités, il se retrouva dans son lit changé en un énorme cancrelat » [1]. Il y a des débuts de lecture mémorables.
Il arrive que lire permette de découvrir une phrase que nous soulignons, ou que nous re-co-pi-ons dans un cahier comme la commémoration d’un bien-dire. Lire permet aussi de se retrouver nez à nez avec une formulation qui nous marque et que nous cherchons frénétiquement, parce qu’aussitôt lue elle a disparu dans l’océan des mots : « Ah ho ! C’était bien dédommage de tomber à la renverse pour les grâces et formes de l’angoisse de NOOOOOOOOOtre temps Bon d’accord, Lelly. Serre moi la main » [2].
Il y a ceux qui aiment écrire dans leurs livres, ceux qui ne les prêtent jamais, ceux qui les traitent avec soin pour qu’aucun pli sur la couverture ne marque leur passage, ceux qui les hument et ceux qui les malmènent, en écornant les pointes des pages. Quel objet, ce support des mots… Quel évènement, celui de lire !
Il y a une affinité entre la psychanalyse et la lecture : « Le bien dire dans la psychanalyse n’est rien sans le savoir lire » [3]. Jacques-Alain Miller fait référence à lire le symptôme, mais aussi bien, à lire Lacan. Celui qui sait me lire… Celui qui lit bien, dit bien ? Celui qui dit bien, lit bien ? « La psychanalyse n’est pas seulement affaire d’écoute, listening, elle est aussi affaire de lecture, reading » [4]. Un psychanalyste est un lecteur.
Ce numéro de la rentrée est consacré à des lectures, chaque auteur raconte sa rencontre toute récente avec un livre.
L’Hebdo-Blog, nouvelle série est écrit pour être lu. Vous nous en donnerez des nouvelles.
[1] Kafka F., La Métamorphose et autres récits, Paris, Gallimard, 1980, p. 79.
[2] Joyce J., Finnegans Wake, Paris, Gallimard, 1982, p. 155.
[3] Miller J.-A., « Lire un symptôme », Mental, n°26, juin 2011, p. 49-58.
[4] Ibid.
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