Au CPCT-parents la souffrance énoncée par les parents est rapportée à un dérangement en lien avec leur(s) enfant(s). Les difficultés évoquées sont de différents ordres formulées à partir des signifiants-maîtres de notre époque. Ils portent notamment la marque de la place grandissante des neurosciences dans le domaine de l’éducation et du discours « de maximisation des capacités »[1] présent dans les pratiques éducatives. La demande concerne souvent un problème dans l’éducation de l’enfant. Le parent consulte car le symptôme de l’enfant l’a délogé de son état de parent, de l’idéal éducatif ou familial qui l’animait. C’est pourquoi le signifiant « parent » constitue le CPCT comme lieu d’adresse et non le signifiant « centre psychanalytique ». À partir de cette pré-interprétation du symptôme, il s’agira que s’installent les conditions de possibilité du discours analytique et que s’obtienne un effet-transfert[2].
S’il n’est pas un lieu de soins d’urgence, le CPCT-parents tient néanmoins compte de l’urgence subjective, soit de la contingence qui génère la demande. On repère bien souvent que ce sont l’angoisse et la culpabilité qui ont décidé la démarche[3]. La rencontre avec le consultant a des incidences sur la demande qui se stabilise, se précise, se subjective ou se transforme jusqu’à dévoiler une autre demande qui « est en tous cas Autre-Chose, et […] c’est justement ce qu’il faut arriver à savoir »[4]. Il s’agit donc d’étudier les modalités du cheminement de la demande et de sa construction dans l’Autre dans le cadre d’un traitement court. Si « demander le sujet n’a jamais fait que ça, il n’a pu vivre que par ça », au CPCT comme dans la cure, « nous prenons la suite »[5] moyennant certaines conditions. Car la demande dépend de l’accueil qui lui est réservé et des modalités de réponses faites par l’analyste. Trouver la juste place est d’autant plus nécessaire du fait de la durée limitée du traitement et des particularités instituées par le temps de la consultation et celui du traitement. La consultation permet d’établir la recevabilité de la demande et ses coordonnées. À l’occasion d’un événement interprétatif, une première mise en forme de la demande s’opère. L’interprétation se situe entre authentification d’un dire – validation et non-validation explicite ou implicites – et absence de garantie, réduction des signifiants dans leur non-sens. Le traitement s’oriente ensuite de la demande « dégagée » des consultations.
Qu’est-ce qui de la demande est parlé, traité, obtenu, modifié, rectifié ? Au début la demande s’articule à la problématique du symptôme, à la dimension hétéro[6] du symptôme[7], une jouissance intime rejetée hors du corps et incarnée dans des objets extérieurs élevés au rang de partenaires-symptômes. C’est pourquoi les parents viennent parler de leur(s) enfant(s), au moment où quelque chose de leur lien les confronte à une impasse, une incompréhension, suscitant inquiétude ou désarroi. Cependant l’expérience montre que très vite un renversement s’opère dans lequel le parent-sujet énonce une question qui le concerne, repère un point de sa propre jouissance symptomatique qu’il reportait jusque-là sur l’autre, son enfant, ce qui ouvre une perspective de changement.
Nous savons que la demande se déploie sur le champ d’une demande implicite et qu’elle est nécessairement ambigüe. Ce que l’on demande à un analyste, nous a appris Lacan, n’est pas toujours ce que l’on désire[8], d’autant que la demande est doublée des exigences de la pulsion. « La pulsion est une demande, une demande que l’on ne peut pas refuser (…) c’est une exigence du corps. »[9] Comment répondre à la demande sans pour autant que « le passé s’entrouvre jusqu’au fin fonds de la première enfance ? »[10]. Par-delà la demande d’aide, la demande de solution – non négligeable – il s’agit de s’orienter du réel qui provoque la rencontre.
Ainsi, la journée FIPA pourra contribuer à établir une pragmatique paradoxale de la demande au CPCT.
[1] Stanislas M., « Les neurosciences illustrent la dépolitisation actuelle de la question scolaire », Libération, 21/01/2018.
[2] Briole G., « Pourquoi parler avec les patients ? », La psychanalyse dans les institutions psychiatriques, Actes du colloque de la clinique psychiatrique de Bonsecours, 2006.
[3] Perrin-Chérel M., Être parent au XXIème siècle, Des parents rencontrent des psychanalystes, Paris, Éd. Michèle, 2017.
[4] Lacan J., « La psychanalyse. Raison d’un échec » (1967), Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 343.
[5] Lacan J., « La direction de la cure » (1966), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 617.
[6] Iddan C., L’hétéro et le réel du symptôme, Vers Tel Aviv, NLS Messager, 4/03/2012.
[7] Cf. La phobie de Hans et la lecture qu’en fait Lacan : Lacan J., La conférence à Genève sur le symptôme (1975), Bloc-notes de la psychanalyse, n°5, 1975.
[8] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, p. 114.
[9] Miller J.-A., « L’économie de la jouissance », La C ause freudienne, n°77, Paris, 2011, p. 140.
[10] Lacan J., op.cit., p. 617.