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Orientation, L'Hebdo-Blog 126

Les paradoxes du diagnostic

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Le CMPP de Fougères en route vers la prochaine journée FIPA sur les paradoxes de la demande a engagé un travail sur la question du diagnostic et l’usage qu’en font les sujets.

Le diagnostic, son encadrement juridique, ses usages, font partie des mutations contemporaines qui se manifestent dans le champ de la clinique et de la thérapeutique. Marie-Hélène Brousse[1] nous invite à sérier les effets sur les sujets de ces nouveaux signifiants-maitres tels qu’ils se manifestent dans le champ délimité par une pratique orientée par la psychanalyse.

La loi du 4 mars 2002 reconnait le droit, pour toute personne, d’être informée de son état de santé et favorise la promotion du consentement éclairé. Elle s’inscrit dans un monde de plus en plus exigeant sur le plan juridique et administratif. La demande de savoir s’adresse avant tout au discours de la science, dans un contexte où le réseau, le partage du savoir devient la norme, et où la volonté de transparence vient en rupture avec la culture antérieure de la confidentialité et du secret.

Le DSM est le semblant qui y a d’abord répondu en s’efforçant de faire science sous la forme d’un système classificatoire, basé sur une clinique descriptive excluant le sujet. Il s’est montré propice à la promotion de l’éducation thérapeutique et à la mise en circulation d’un savoir désubjectivé.

Eric Laurent[2] situe comment le DSM, instrument puissant de gestion des populations, a trouvé ses limites dans un régime de revendication clinique et d’identifications pathologiques d’un nouveau genre. En effet les sujets s’emparent des catégories qui leurs sont proposées pour en faire des usages hors-label créant ainsi des bulles inflationnistes dans lesquelles ils souhaitent être rangés. Les étiquettes sont revendiquées comme telles par un pur effet ironique. Dans un mouvement d’auto-médicalisation, les propos spontanés des patients ressemblent aussi à s’y méprendre à la langue des médecins.

Cette appétence pour le diagnostic survient dans un contexte où le dévoilement de l’inexistence de l’Autre s’accompagne du déclin de l’organisation collective des grands modèles identificatoires, et de la montée du surmoi et de l’égo. Elle se décline sur les deux axes de la clinique du signifiant, et de la clinique des modes de jouir.

Le diagnostic qu’il soit imposé, exigé, ou produit par le sujet lui-même, opère comme un premier traitement de l’énigme du symptôme par le savoir et tend à colmater la division du sujet, les modalités du transfert s’en trouvent remaniées. Il s’agit d’être attentif à ce que nous apprend, en chaque cas, l’usage particulier de ces catégories par le sujet. Vient-elle suppléer au défaut forclusif et prendre la valeur d’un S1 qui détermine une place dans le lien social et faut-il à ce titre la respecter ? Convient-il au contraire d’extraire le sujet écrasé sous un signifiant standard afin de lui permettre de constituer un symptôme analytique et un accès au savoir de l’inconscient ?

Qu’enseigne la promotion du diagnostic, du diagnostic sans l’Autre, de la subjectivité de notre époque?

 

[1] Brousse M-H., « Une clinique du lien social, l’Autre de la psychopathologie de la vie quotidienne… », La Cause freudienne, Paris, Navarin, 2012/3, n°82, pp. 29-32.

[2] Laurent E., « Quelques lignes d’avenir des impasses de notre civilisation », Actes du colloque « L’insu des nouvelles gouvernances et les issues du désir », Acf-bureau de Rennes, consultable en ligne ici.

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