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Pourquoi l’autisme. Entretien avec Christiane Alberti, directrice du CERA

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Pourquoi l’autisme ? Ce thème semble imposé de l’extérieur…

C’est un fait. Nous ne choisissons pas les signifiants maîtres de notre temps. Considérons d’abord que l’autisme est devenu une question de société. Il suffit de considérer que désormais, la Secrétaire d’État en charge de l’autisme est directement placée sous l’autorité du Premier ministre, et non plus sous tutelle du Ministère de la Santé. La question de l’autisme est donc explicitement extraite du champ sanitaire.

On sait par ailleurs que depuis les années 90, l’autisme a été instrumentalisé pour faire entrer en France les thérapies basées sur le comportement et la cognition. Elles sont désormais reconnues comme l’approche favorisée par les autorisé sanitaires (ARS et HAS). A ce titre, elles sont devenues le   cheval de Troie des TCC. Tout ce qui se diffuse comme normes de bonnes pratiques au niveau des pratiques sociales et des politiques de santé, s’est mis en place à partir de l’autisme.

D’avril 2017 à mars 2018, la première journée du CERA est-elle à lire comme un après-coup de la prise de position de l’ECF dans le champ politique ?

Au cours des années 2016 et 2017, la vie de notre École a en effet été tout particulièrement marquée par des événements politiques décisifs : le combat de l’ECF contre le projet de résolution Fasquelles qui pour la première fois visait à interdire la pratique de la psychanalyse auprès de sujets autistes et le combat anti-Le Pen lors de la dernière élection présidentielle.

C’est en tant qu’École et en tant qu’elle fait partie de la société civile, que nous nous sommes engagés en lançant une pétition nationale à deux reprises, contre Fasquelles et pour mener une campagne d’opinion anti-Le Pen. C’est une orientation éthique qui a présidé à notre engagement, un principe de réalisme supérieur, un souci pragmatique qui nous a guidé dans notre action.

Notre insertion dans la cité, nos actions au niveau de la chose publique nous conduisent par un effet de retour à serrer de plus près le discours analytique (c’est là sa marge d’action). C’est au cœur de cette action politique que la création d’un Centre d’Études et de Recherche sur l’Autisme de l’ECF a vu le jour. Elle participe de l’École considérée d’un point de vue pragmatique.

Nos échanges avec ce qui pourrait être qualifié de « grand public », à l’occasion de la proposition de résolution du député Fasquelles, ont révélé à quel point la pratique clinique des psychanalystes avec des personnes autistes étaient méconnue, voire déformée de façon caricaturale – par exemple : « vous n’allez pas mettre les autistes sur le divan ». D’où cela provient-il ? Et comment faire entendre notre voix ?

L’autisme représente un enjeu majeur pour la pratique de la psychanalyse lacanienne et pour la diffusion du discours analytique.  Créer un centre d’études et de recherche sur l’autisme est une réponse aux enjeux actuels. C’est aussi frayer une voie pour la diffusion du discours analytique et de son éthique. La vague médiatique suscitée par la « bataille de l’autisme », ainsi qu’Éric Laurent l’a nommée, nous donne l’occasion de surfer sur elle pour faire barrage à la campagne de désinformation sur la psychanalyse et faire connaître la pratique d’orientation lacanienne. Nous ne nous reconnaissons pas dans les descriptions les plus couramment répandues, « les psychanalystes culpabilisent les mères et utilisent les standards analytiques de façon inappropriée à l’autisme ».

Une surface institutionnelle, tel qu’un Centre d’études et de recherches sera un médium essentiel pour rendre visible la contribution de la psychanalyse lacanienne à l’accueil et à l’accompagnement des sujets autistes et jouer un rôle d’interface avec la représentation nationale et aussi vers Bruxelles.

Les psychanalystes peuvent contribuer utilement à l’accueil et à l’accompagnement des sujets autistes. Gageons que le CERA contribuera à cette production.

Pourquoi le thème “Autisme et parentalité” ?

La première Journée du Centre d’études et de recherches sur l’autisme de l’ECF, a choisi de mettre l’étude la question de l’autisme dans son lien à la parentalité. Remarquons pour commencer que si la clinique psychanalytique de l’autisme n’est pas nouvelle, la promotion du néologisme parentalité a vu le jour à l’époque des nouvelles utopies de la famille : les fonctions traditionnelles père / mère connaissent une variété accrue d’arrangements symboliques et la notion de parent tend à s’y substituer, indépendamment de la différence des sexes.

Lacan avait anticipé ce changement essentiel en indiquant qu’une autre fonction prend progressivement le relais de la clef de voute du système symbolique qu’était le Nom du père : la fonction du « nommer à … », fonction que les parents peuvent accomplir.

Dans cette fonction, deux éléments sont essentiels. Les parents ont d’une part un savoir authentique, tissé dans le lien à la fois de corps et d’amour qu’ils ont à leur enfant. C’est un savoir vivant, incarné, car issu de l’expérience. À ce titre il résiste aux abstractions, aux généralités les plus inhumaines. Les parents ont d’autre part un désir (fonction ou principe du désir de la mère) qui s’adresse à leur enfant.

Les témoignages des parents d’enfants ou de jeunes adultes autistes qui se font de plus en plus nombreux, écrits ou parlés, traduisent que ces deux éléments prennent une couleur spécifique dès lors que l’enfant ou le jeune adulte autiste semble se montrer imperméable à ce désir. Les parents cherchent à cet égard à inventer d’autres formes de cette fonction désir.

C’est pourquoi des interventions de parents d’enfants ou de jeunes adultes autistes apporteront un éclairage irremplaçable à l’objet de cette première journée.

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