
Pour une psychanalyse vivante, en Belgique et ailleurs
Nous avons eu le plaisir samedi 11 juin, d’accueillir à Marseille, Gil Caroz pour animer l’assemblée générale de l’ACF qu’il a poursuivie par une conférence l’après-midi. Ses quelques mots d’introduction ont fait référence au projet de loi qui menace la psychanalyse en Belgique. Gil Caroz rappelait à ce sujet, les propos de Jacques-Alain Miller à l’ouverture du colloque d’UFORCA en 2015. Ceux-ci soulignaient que, la psychanalyse ne pouvait se réduire uniquement à la clinique mais se soutenait nécessairement d’une dimension autre. En effet, la figure du psychanalyste est celle « d’un homme d’action qui opère dans le champ politique » précise Gil Caroz. La psychanalyse s’inscrit donc dans la cité par le nouage de la dimension clinique et politique.
Ceci n’est pas sans résonner avec ma lecture de l’article de Christiane Alberti paru dans l’Hebdo-Blog n° 74, sous le titre : « Faire École par le lien »[1]. Christiane Alberti met l’accent sur l’accès à une pratique d’analyste non à partir du « statut social mais à partir d’un désir d’analyse ». Autrement dit, il s’agit d’une psychanalyse « mise en position de cause dans son existence ». De ce fait, il ne saurait être question d’une psychanalyse « au service d’un pouvoir » mais plutôt celle au service « d’une politique » où le désir s’engage et rend la « communauté vivante ». C’est donc sous l’égide de l’Eros et non de la bureaucratie ou de l’automaton qu’elle puise ses forces vives. Alors que penser d’un projet de loi élaboré en catimini, « hors du regard », comme le précisait Gil Caroz ?
Ce projet de loi veut « soumettre les pratiques de soins par la parole à l’idéologie de l’Evidence Based Practice »[2], et éradiquer la psychanalyse par l’uniformisation, un formatage, qui fera de son accès, non plus une question de désir « mis en position de cause », une expérience propre à chacun, mais une affaire de formation scolaire. Par son rapport au réel, la psychanalyse ne peut qu’occuper une place d’exception. Le projet de loi tend à le forclore par l’idéologie scientiste[3] mise en place de cause du désir. Le pouvoir tend ainsi à éradiquer le sujet en portant atteinte à l’éthique qui fonde la psychanalyse. L’Eros enjoint chacun à faire lien non pas en obéissant aux ordres, aux « significations figées », au surmoi, mais par le transfert.
Au nom du bien, du « pour tous », de l’universel, le projet de loi viserait la destruction de ce qui, finalement, fait le lien, préserve le désir dans sa singularité et rend vivant le sujet. Face à cela, il s’annonce plutôt comme un objet prometteur de mort. La psychanalyse est du côté du désir et ne saurait accepter d’être bâillonnée, enfermée, étouffée. C’est pourquoi nous soutenons inconditionnellement nos collègues Belges : nous ne nous tairons pas, nous persévérerons dans notre combat et nous ne céderons pas sur notre désir de préserver une psychanalyse vivante au sein de la Cité !
[1] Cf https://www.hebdo-blog.fr/faire-ecole-par-le-lien/
[2] Cf le communiqué de Christiane Alberti du 14 juin 2016.
[3] Cf le communiqué de la NLS du 17 juin 2016.
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