
La passe de la fausse communion
Je vous remercie de votre invitation qui me permet de poursuivre le travail de ma passe [1]. C’est l’invitation à une communion. Vous savez ce qu’est une communion ? C’est quand on met quelque chose en commun, sur la table par exemple. Je viens partager quelque chose avec vous. Vous reconnaissez cette parole de la dernière cène : « Ceci est mon corps, mangez-en tous, ceci est mon sang, buvez-en tous ». C’est cela qui m’a attiré dans votre invitation. Je me suis rendu compte lors de mes derniers témoignages que la religion catholique tenait une certaine place dans ma vie, en tout cas, certains énoncés religieux, entendus çà et là et qui m’ont percuté. Je questionne donc le rapport entre religion et jouissance. J’ai rencontré cette bizarrerie dans mon enfance. Mes parents soutenaient pour eux-mêmes et pour moi, un certain discours, une certaine présence et participation à une série de rituels religieux. Je ne sais pas s’ils croyaient tant que cela en Dieu, il n’y avait rien de féroce, je peux dire que j’ai baigné là-dedans, cela a été mon wallpaper. Mais de cette toile de fond, se sont détachés certaines parties, certains morceaux. Certains signifiants percutent le corps plus que d’autres. C’est ce qui ressort du dernier enseignement de Lacan. C’est pendant l’analyse et aussi après, avec la passe, que je peux dégager cela, l’importance du religieux, en tout cas, l’impact de jouissance d’une certaine éducation religieuse. Évidemment on peut y mettre du sens, ce que la religion déverse à pleins tuyaux. Mais si on se défait du sens, chaque chose en son temps, qu’on vise la jouissance, alors on entend la pulsion. Il y a ici une invitation à se faire bouffer. Vous allez me dire que c’est symbolique, mais pas seulement. Pour revenir à cette phrase, qui dit cela au juste ? C’est la première question à se poser. Vous ne serez pas étonnés d’entendre que cet énoncé m’a percuté au point d’organiser ma jouissance. J’ai construit en analyse, un scénario spécial du petit chaperon rouge où, évidemment, je me faisais bouffer. Mais j’avais un petit couteau qui me permettait de me délivrer. Je ne pouvais pas compter sur le grand couteau du chasseur pour me délivrer de la grande bouche maternelle. Je pouvais me mettre à toutes les places dans ce scénario. J’y reviendrai. Cette scène fantasmatique et sanguinolente vient dans le droit fil du trauma initial. À 8 ans, je vois depuis le cadre de la porte ma mère qui pisse le sang, je vois rouge, cela me fait quelque chose dans le corps, elle s’est coupée au doigt, mon père essaye de la délivrer avec son couteau. Il la soigne ou il la saigne ? Je dirai en analyse que le sang de cette blessure, cache le sans de la castration maternelle. C’est une histoire de lame. Pour moi, l’homme était un couteau et la femme était une blessure.
C’est une construction qui vient suppléer au rapport sexuel qui n’existe pas. Une image de Sainte-Agathe prendra le relais logique de la chose. C’est une image trouvée par moi, dans une bible paternelle. Sainte-Agathe « offre » ses seins coupés sur un plateau, c’est sanguinolent, mais en même temps, elle affiche un drôle de petit sourire, et elle me regarde. Ceci est mon corps ? C’est elle qui dit cela ? Ou alors c’est moi ? Il y a eu un premier temps et un deuxième temps de lecture de cette image. Nous verrons qu’avec Lacan, il s’agit de sépartition, on se sépare d’une part de soi-même que l’on place dans l’autre. Et il n’y a aucune complétude là-dedans, c’est un mythe de comblatibilité comme il le dira dans « Radiophonie ». Le fantasme s’est construit dans l’analyse avec les éléments du trauma initial. Le couteau et la tache de sang rouge. Un rêve est venu à l’appui pour donner à voir le circuit pulsionnel en cause. La mamme est là, mais elle est voilée. Après ce rêve, je me suis réveillé avec le sentiment d’un véritable amour, au sens où Freud a parlé d’amour de transfert. Je pensais que ce gilet sur l’épaule était l’amour même. Car il voilait la pulsion à l’œuvre, la pulsion orale, et scopique aussi. L’analyste interprète, avec son sourire carnassier : « mords en son sein » et je l’entends, plutôt que « mort » en son sein. Elle fait entendre une autre orthographe. Ce rêve isole la pulsion orale qui va révéler son importance. La mamme, comme Lacan en parle dans le Séminaire X, était bien présente depuis le début de la rencontre avec l’analyste. Quelque chose monte sur la scène ou sur la cène, dans mon cas. La chose qui bouffe ou se fait bouffer. Je me fais bouffer avec ou sans Autre. Je me fais engueuler, littéralement, je me fais prendre dans la gueule de l’Autre. C’est une jouissance organisée. Mais est-ce une communion avec l’autre pour autant ? C’est une fausse communion, le trajet de la pulsion va s’invaginer dans l’autre, mais c’est pour aller chercher son propre objet qui est placé dans le corps de l’autre. Il n’y a aucune oblativité là-dedans. Cette construction vient à la place du rapport sexuel qui n’existe pas. Pas de mariage possible avec cela, et pourtant l’amour eksiste !
Cerner sa religion personnelle
J’ai baigné donc dans un discours religieux, mais pas quelque chose de féroce, je ne m’en suis pas rendu compte, c’était un peu comme une infusion dans mon corps. Je pourrais parler de la peur et de la fascination pour la confession, un lieu où on pourrait tout dire. Et qui faisait exister le péché. Pas étonnant évidemment que je me sois branché plus tard sur la psychanalyse. La religion catholique, pour moi, cela a toujours été aussi la présence d’images terribles. Des images qui fascinent aussi, colorées de violence et de plaisir sexuel. À l’époque, je ne voyais que la souffrance sur le visage des saints. Sainte-Thérèse par exemple. C’est plus tard que j’ai pu y lire une jouissance qui peut inquiéter et fasciner. La fascination, c’est quand on regarde sans bouger, quelque chose qui peut être horrible, mais c’est plus fort que soi, on regarde. Il y a là un effet de colle avec ce qu’on regarde. Un peu comme une jouissance de soi-même ignorée, comme le dit Freud dans L’Homme aux rats. Les images des saints et des martyres sont très présentes. Les reliques aussi. Des morceaux de corps qui sont conservés, au-delà de la mort, cela m’intriguait vraiment. Par exemple le cœur du compositeur Grétry à Liège, qui aurait été conservé et maintenu alors que sans vie. C’est toute la question du morcellement en fait, il y a des bouts de corps qui se baladent pour moi depuis tout petit. C’est cette question-là qui sera élucidée dans l’enquête sur la jouissance qu’est une analyse menée à son terme. J’ai déjà parlé de l’image de Sainte-Agathe, trouvée dans une bible paternelle, que pourtant il ne pratiquait pas. Ma mère, elle, se protégeait avec des petits objets, cela allait de la patte de lapin aux images de la vierge, à l’eau bénite, etc. Elle ne parlait jamais de Dieu, et elle ne priait pas. Elle devait se protéger d’une certaine manière pour avoir de la chance et pas du malheur. Ce qui a vraiment rendu malheureuse ma mère, c’est la rupture avec mon père qui est parti avec une amie de la famille. Aucune patte de lapin n’a empêché cela, aucune image de la vierge non plus. J’ai compris plus tard que la vierge à l’enfant, toutefois, illustrait assez bien sa position qui a été de se rabattre sur moi, ce qui a été assez difficile à vivre, car ma mère était devenue très déprimée. Je devais la soutenir. Mon père m’a appris juste deux prières, mais il y tenait. Le « Notre Père », et le « Je vous salue Marie », que je transformerai bien plus tard en « je vous salis ma rue pleine de crasses », de Prévert, mais trafiqué semble-t-il, par mon inconscient : « pleine de crasses est de moi ! » Dans ce que me transmettaient mes parents, en rapport avec la religion, je me demandais toujours s’il me fallait y croire. En fait, j’ai fait un usage de jouissance de ces mots entendus, de ces images, qui sont devenues très présentes en moi. C’est la petite fabrique d’une iconographie personnelle à usage intime. Religion personnelle. Et cela ne débouchait jamais sur la foi en tant que telle. Je ne peux pas dire que j’ai cru en Dieu, mais certainement j’ai cru aux rituels. J’ai toujours donné une certaine importance à la formalisation et à la répétition. L’image des saints est quelque chose que j’ai trouvé érotique. Évidemment, je ne l’ai pas compris alors, je n’ai pu le lire qu’en faisant une analyse bien plus tard, et il a fallu le transfert à l’analyste, pour pouvoir lire ces phénomènes, les déchiffrer, les interpréter, en isoler la jouissance. Freud a beaucoup parlé de névrose obsessionnelle et d’exercices religieux. C’est en partie dû au fait que dans cette névrose, la pensée est foisonnante et érotisée. Une analyse est une aventure si on se risque vraiment à mettre sa mise dans le transfert. Une aventure implique une inconnue, quelque chose que l’on ne sait pas déjà et qui peut se produire ou pas. Cela dépendra de comment l’analyste va opérer pour que quelque chose change pour l’analysant. C’est un voyage où tout n’est pas d’avance déterminé. Le transfert est un concept incontournable, mais qui subit une forte évolution dans l’enseignement de Lacan. Au commencement est le transfert ! Tout part de là ! Il est nécessaire pour rentrer dans le processus de la cure. Le sujet supposé savoir, le SsS, « articule tout ce qu’il en est du transfert » [2] nous dit Lacan dans la « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », ce grand texte où Lacan théorise la passe. Il ajoute que la cure menée jusqu’à son terme conduit vers la destitution subjective où « se dévoile l’inessentiel du sujet supposé savoir » [3]. Voilà bien une drôle d’aventure qui est proposée là ! Il y a l’amour de transfert, véritable tromperie de l’amour comme le disait Freud.
Mais il y faut quelques coups de canif de l’analyste pour que cela bouge. Le transfert du début, préalable, nécessaire pour entrer, suppose le grand Autre alors qu’à la fin de l’enseignement de Lacan, à l’heure des Uns séparés, ils seront sans Autre. Lacan se demandera dans le Séminaire XXV, Le moment de conclure, ce que devient le SsS ? Il répond que cela devient supposé savoir lire. J’ai appris à lire en analyse, je l’ai appris sans aucune pédagogie comme le dit Jacques-Alain Miller dans son texte « Lire un symptôme » [4]. C’est quelque chose que m’a transmis l’analyste. Il y a un savoir lire qui doit se transmettre. Donc ce savoir lire autrement est essentiel, mais doit être lié au S de grand A barré. Soit au trou dans l’Autre, au manque, au vide. Cet usage-là du signifiant relève de ce qu’on entend, motérialité, de ce qui sonorise et qui est sans rapport avec ce que l’on voulait dire ou ce que cela signifie. Lacan de poursuivre, dans ce même Séminaire XXV, que le rôle de l’analyste est de trancher dans ce que dit l’analysant. Vous savez que la coupure a été un élément central de ma cure et de ma vie. Coupure aimée, redoutée, imaginaire et fantasmatique. Mais aussi coupure de séparation, découpe véritable, par l’analyste comme pratique dans la cure. Lacan parle d’élever la psychanalyse à la hauteur de la chirurgie, par la coupure, qui seule peut nous éviter la débilité mentale de la pensée. Seule la coupure peut changer quelque chose. Elle est le seul moyen pour équivoquer sur l’orthographe comme le dit Lacan dans le Séminaire XXV. Elle confine donc à l’écriture, car elle fait résonner autre chose, elle sonorise autre chose que l’intention de dire. Seule cette coupure pourra évider le sens joui, et serrer la jouissance qui ne se relie à rien ! La pulsion est réflexive, le sujet se glougloute tout seul, il n’y a pas finalement de communion avec l’autre ! une fausse communion.
Amorce et ferrage du début…
Pour ma part, je peux dire que ce qui a motivé mon entrée dans le transfert dans les deux entrées en analyse que j’ai faites, puisque je m’y suis repris à deux fois, était classiquement le SsS. Il y avait déjà un certain transfert sur la psychanalyse. Le problème est que le premier analyste m’avait laissé terminer sur l’identification au père mort. Ce qui m’a laissé mortifié. Cela a été une étape, mais heureusement, j’ai dû reprendre, à cause d’une inhibition à l’écriture : comme l’a écrit Freud, angoisse de quelque chose qui doit couler sur la page blanche. La seconde analyste, je lui supposais évidemment aussi un savoir, savoir y faire avec mon symptôme, je pensais qu’elle allait le déchiffrer, me délivrer. J’avais lu certains articles écrits par elle, dont un sur le Tango. On voit bien ici que la mise est toute différente d’avec le premier analyste. Ici il y a le corps en plus. Je ne savais pas cela au moment du choix, je n’ai pu le formaliser, le lire, qu’après être bien engagé dans l’analyse. Ici un morceau choisi par le découpage de la pulsion, la mamme. L’aventure, c’est d’apprendre à lire son symptôme, autrement. Donc ici, il y avait la mamme, la voix avec accent, et le ça-voir. Aussi la grande bouche et le sourire carnassier. Une première interprétation concernant l’écriture, par l’équivoque : « Je ne crie pas, c’est elle qui crie » me fit entendre le non-rapport sexuel et aussi le cri de la jouissance. Cette interprétation a ouvert les portes de mon inconscient comme jamais il n’avait été ouvert pour moi, en attrapant tout de suite la dimension du corps. Le S1 en appelle à un S2 qu’il vient compléter, mais chevillé au corps cette fois. Le caractère pulsionnel était bien là, mais voilé, qui allait chercher la sexuation dans l’Autre et pas encore le sexuel en soi. (Évènement de corps) La boucle de la pulsion allait faire le tour de l’objet de la libido placée en l’autre. Je croyais en la communion. « Je t’aime, mais, parce qu’inexplicablement j’aime en toi quelque chose plus que toi – l’objet petit a, je te mutile »[5]. Vous reconnaissez la citation du Séminaire XI évidemment. Drôle de communiant ! C’est ce que je peux dire aujourd’hui. On se glougloute tout seul, pour reprendre la formule de Lacan dans sa « Conférence de Louvain »[6]. La pulsion est réflexive comme Lacan nous l’enseigne. Il s’agit d’une jouissance autistique. La communion n’est qu’un mythe, qui a une fonction certes, mais elle n’existe pas. La communion avec le corps de l’autre ne tient pas, elle ne peut pas s’écrire. La mamme ne vient pas de l’autre fût-elle Sainte-Agathe ! Et Dieu lui-même n’y peut rien ! C’est un montage comme le dit Lacan, une construction. L’analyse orientée par le réel de la jouissance, nécessite un autre rapport au transfert. D’aller au-delà du fantasme pour serrer son bout de réel. À la fin de son enseignement, Lacan procède à une sorte de déflation du transfert. La clé n’est plus le savoir, mais de viser le réel par la coupure qui seule peut faire écriture et faire reson de ce qui a percuté dans le corps. Le désir est perdu, noyé dans l’embrouille. Toujours plus loin de son désir si l’analyste n’arrive pas à redresser le tir. Donner la parole à un obsessionnel, c’est comme donner des carottes à un lapin. À un moment, il faut couper si on ne veut pas éterniser la cure, où l’apensée jouissive prend toute la place.
Je n’ai jamais cru vraiment en Dieu, je me suis plutôt adressé à ses seins ! L’éducation religieuse, tout à fait lacunaire dans mon cas, était ce qui était proposé comme discours pour reboucher S de grand A barré.
Révolutions du transfert
La jouissance est toujours autistique, c’est cela que dit aussi le pas de communion ! Dans la cure, il faut quelques renversements pour que le voyage puisse se poursuivre. Ici, transfert d’un bout de corps. Sépartition comme le dit Lacan, d’un bout de soi-même et pas arrachage de l’Autre.
J’ai repris une nouvelle analyse pour une inhibition à l’écriture et inhibition sexuelle. L’angoisse était au rendez-vous. J’avais toujours aimé écrire [7]. Écrire était devenu impossible. La réponse de l’analyste a été aussi selon moi, de souligner l’importance du ça-voir et non du savoir là-dedans. Elle fait miroiter la caricature d’un regard, une pantomime de lecture.
J’ai avalé, avec satisfaction, cette petite fiction du transfert qui se mettait en place. Quelque chose venait de se transférer, l’analyste m’avait dit quelques mots en italien. Je lui avais écrit une lettre de remerciement quelques semaines plus tard, j’étais ferré, et même trans-ferré. Enthousiaste, je m’en remettais à elle. Présence d’un objet, celui du regard, celui aussi d’un bout de mamme injectée dans l’Autre de qualité ! Transfert de quelques signifiants en italien, sonorisés aussi sur le quai de la gare, au moment de la séparation, aussi sur le pas de la porte, comme ce sera souvent le cas dans le cours de l’analyse, au moment de l’interprétation au corps à corps. Un transfert de lalangue, avec ce qu’elle recèle d’accent de jouissance. Quelque chose qui inquiète un peu, car la pulsion rentre sur le terrain, le corps aussi, celui de l’analyste et celui de l’analysant. C’est un engagement incarné, ignoré de la première analyse. Ici, transfert d’un objet, en plus d’un savoir. Le savoir ne suffit pas. Cette analyste, a incarné la femme étrangère, la femme sans. Elle va aussi chercher le bébé dans l’homme, pour isoler son rapport à la mamme.
Au début de la cure, déchiffrage de l’inconscient, ensuite, on ira vers une logique de découpage, qui décharite le blabla, qui détache, opère, sépare. Mais il faut du temps et quelques coups de canif de l’analyste pour fracturer la jouissance de la parole. Que devient alors cette recherche de la mamme ?
« C’est là le sens de ce complexe de la mamme, ce mammal-complex, dont Bergler voit bien la relation à la pulsion orale, à ceci près que l’oralité en question n’a absolument rien à faire avec la nourriture, et que tout son accent est dans cet effet de mutilation. » [8]
Un autre renversement va se produire dans la cure. Le sujet passe du côté de la mamme qu’il est pour l’Autre. « Je suis gros de la mamme » ai-je pu dire. Et enfin, je suis la mamme trouée. Vide.
Pour arriver à serrer cela, que l’analysant consente à savoir son mode de jouissance, il faut traverser aussi le côté obstacle de l’amour de transfert. Cet obstacle amènera Lacan, dans son dernier enseignement, à ne plus parler du tout du transfert pour parler plutôt des cas d’urgence que l’analyse doit satisfaire [9].
Liquidation ?
Dans le Séminaire XI, Lacan nous dit : « Il ne peut s’agir alors, si le terme de liquidation a un sens, que de la liquidation permanente de cette tromperie par où le transfert tend à s’exercer dans le sens de la fermeture de l’inconscient. Je vous en ai expliqué le mécanisme, en le référant à la relation narcissique par où le sujet se fait objet aimable. » [10]
Donc, si le transfert est moteur nécessaire et frein à la fois, il faudra en sortir. Mais sort-on vraiment du transfert ? Être nommé AE, pour moi, c’est d’avoir terminé mon analyse, mais aussi de la continuer autrement, si je suis là devant vous à en parler, c’est que je transfère sur l’École qui m’a nommé. Il n’y a pas d’élaboration sans transfert. Ce qui a changé, c’est que maintenant, j’arrive à me supposer un savoir y faire avec mon sinthome. L’enquête continue, mais je n’ai plus besoin du corps de mon analyste. Je me débrouille avec mon corps, avec mon circuit pulsionnel. Je parie aussi sur le fait que quelques-uns me renvoient quelque chose par leur lecture attentive. On parle tout seul, mais en même temps, on n’élabore qu’à plusieurs. Sinon chacun de nous resterait dans une jouissance autistique. Le but de notre École est de diffuser l’opérativité de la psychanalyse, c’est une politique voulue et soutenue par J.-A. Miller et l’École de la Cause freudienne. Témoigner, pour moi, c’est tenter de traduire l’écho dans le corps par l’écriture qui fait reson, au-delà de la séparation, au-delà de la mort même.
L’a-vide est le fruit d’une coupure qui fait pour moi écri-dure, au bord du trou illisible.
[1] Texte issu de la journée « L’athéisme aujourd’hui : conditions et possibilités », organisée à Lyon par l’ACF Rhône-Alpes, le 15 décembre 2018.
[2] Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 248.
[3] Ibid., p. 254, souligné par l’auteur.
[4] Miller J.-A., « Lire un symptôme », Mental, n°26, juin 2011, p. 49-58.
[5] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1977, p. 241.
[6] Lacan J., « Conférence de Louvain », La Cause du désir, Paris, Navarin éditeur, n°96, juin 2017, p. 7-30.
[7] Cf. Pasqualin D., « Mon travail d’AE. Que l’écho dure », La Cause du désir, Paris, Navarin éditeur, n°99, juin 2018, p. 102-104.
[8] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts …, op. cit., p. 241.
[9] Cf. Lacan J., « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI » Autres écrits, op. cit., p. 572.
[10] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts …, op. cit., p. 241.
Articles associés
-
Edito : Avatar d’un lien social21 mai 2023 Par Philippe Giovanelli
-
Edito : Angoisse et nouvelle sémiologie du corps14 mai 2023 Par Martine Versel
-
Edito : Qu’est-ce que la vie ?16 avril 2023 Par Éric Zuliani
-
Edito : La méthode Lacan26 mars 2023 Par Ligia Gorini
-
Edito : Une jouissance métonymisée19 mars 2023 Par Philippe Giovanelli