Dans un trou

Dans un trou

Mme J. n’a plus goût à la vie. « Je m’intéresse à rien » forme l’antienne qu’elle répète de sa voix fluette tout au long de cette présentation de malade[1] et dont elle donne toutes les déclinaisons : elle reste chez elle à ne rien faire, elle ne regarde pas la télévision, elle manque de concentration pour se plonger dans un livre, elle ne peut plus s’occuper de son fils, etc. Elle ne parvient pas non plus à trouver un travail, faute d’avoir pu « trouver sa voie ». Elle n’a en effet jamais vraiment su ce qui aurait pu l’intéresser afin de s’investir durablement dans une formation. Sa scolarité a été marquée par deux redoublements (l’un en classe de CM2 et l’autre en 4ème) : elle ne « comprenait plus rien » en cours, ce qui indique l’opacité que peut parfois prendre le symbolique pour elle. Puis ce parcours s’achève par un décrochage : orientée par défaut en BEP secrétariat, elle ne termine pas sa deuxième année. Elle ne va plus en cours et part « traîner » dans les rues. « Je savais pas quoi faire », dit-elle. Et, bien qu’elle ait bénéficié d’un accompagnement sur le plan professionnel (reprise de sa formation, stages, etc.), elle ne sait toujours pas. L’inhibition paraît dominer la vie de Mme J. ; inhibition dont Freud indique qu’elle résulte soit d’une érotisation en excès, soit d’un défaut d’investissement libidinal[2].

Si rien n’intéresse Mme J., si elle manque d’une orientation, c’est parce qu’aucun semblant ne semble propre à aimanter son désir, à célébrer les retrouvailles avec l’objet perdu. Celui-ci est toujours de son côté, et elle se trouve confrontée, de manière corrélative, à l’inexistence de l’Autre. « De ce jeu de l’Autre que sont à la fois le langage et toute la structure de l’expérience humaine en tant qu’elle est façonnée et tressée de réalités qui n’ont d’existence que de langage, les études, un métier, le mariage, l’argent, les emprunts, les contrats, les assurances, les loisirs, les journaux, les musées, les sports, la mode, de tout ce jeu, de tout ce qui constitue cette dimension Autre, le sujet en expérimente, si on peut dire, la fondamentale inexistence, l’absence d’enjeu ou de raison. Le transfert de jouissance vers la dimension des semblants, transfert qui fait qu’on y croit un peu, n’a pas lieu. La réalité et la vie se présente au sujet, qui pourtant peut y être inscrit ou y faire les mêmes choses que tout le monde, sans leurres et sans illusions, certes, mais aussi sans but et sans intérêt. »[3]

Par conséquent, Mme J. ne peut s’orienter à partir du lieu de l’Autre. Celui-ci ne lui a jamais permis de se ménager une place. Il n’a pas fait « stabitat »[4] pour elle, selon le néologisme de Lacan. Comment habiter ce lieu, dont les règles sont brouillées, lorsqu’il se trouve plein de la rage éthylique du père ou de son agonie ? Mme J. explique en effet que, lorsqu’elle était enfant, elle devait fuir sa maison quand son père buvait et devenait violent : « Il buvait, il frappait ma mère, il était assez violent… je me rappelle que, pour se calmer, pour le laisser se calmer, ma mère elle nous emmenait se promener le soir. On prenait tous nos manteaux et puis on allait dans la nuit se balader le temps qu’il se calme. Et je m’en rappelle, comme j’avais peur du noir, elle fumait ma mère donc je regardais tout le temps sa cigarette allumée dans le noir ». Jetée hors du domicile par ce père explosif qu’elle ne « comprenait pas », elle s’accroche à l’extrémité incandescente de la cigarette de sa mère. Si ce lampion de fortune ne constitue qu’une mince accroche, c’est néanmoins une trouvaille importante pour ce sujet perdu, qui ne peut compter sur le phare du Nom-du-Père pour se guider dans les ténèbres et éviter de s’échouer. À l’adolescence, son père, atteint d’un cancer, lui demande de quitter le domicile : « Il voulait pas que je le vois mourir en fait. […] C’était mieux que je m’en aille, je le voyais dépérir, ça me faisait du mal ». Alors « il m’a dit qu’il ne voulait plus que je sois chez moi ».

C’est au moment où son fils fait sa rentrée en troisième que le problème de l’orientation se pose, à nouveau, pour Mme J. : « Mon fils qui va aller au lycée l’année prochaine, je sais pas où le mettre […] Je sais pas où il va aller. Ça m’inquiète ». À la dépression s’ajoutent alors des angoisses et les phénomènes de corps (maux de ventre) qui la précipitent à l’hôpital. L’inexistence de l’Autre expose particulièrement le corps au retour de la jouissance : « Au vide libidinal sur le versant du semblant, répond, sur le versant du réel hors discours, un retour de la jouissance qui envahit le corps »[5].

« Je me sens dans un trou », résume Mme J. Il ne s’agit pas uniquement de sa localisation géographique – « isolée », loin de la ville et de ses proches – mais aussi de sa situation subjective. Ce trou se manifeste à la fois dans son lien social et dans sa pensée : « Je pense plus à rien, dit-elle. J’ai rien dans la tête en fait ». Elle semble incarner ce trou, cette coupure dont parle Lacan dans le Séminaire VI : « La coupure est ce par quoi le courant d’une tension originelle, quelle qu’elle soit, est pris dans une série d’alternatives qui introduisent ce que l’on peut appeler la machine fondamentale. Cette machine est proprement ce que nous retrouvons comme détaché, dégagé, au principe de la schizophrénie. Là, le sujet s’identifie à la discordance comme telle de cette machine par rapport au courant vital. »[6] Débranchée de cette machine que constitue l’Autre et dont le symbolique régule les pulsions, Mme J. ne peut « profiter de la vie » ; et, dès lors, est soumise au règne de la pulsion de mort.

[1] Patiente reçue par Pierre Stréliski dans le cadre d’une des présentations de malades de l’Antenne Clinique d’Angers. [2] Freud S., Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, PUF, 1993, p. 6-7. [3] Zenoni A., L’autre pratique clinique, Toulouse, Érès, 2009, p. 163. [4] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 474. [5] Zenoni A., L’autre pratique clinique, op. cit., p. 170. [6] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, La Martinière & Le Champ freudien Éditeur, coll. Champ Freudien, juin 2013, p. 539-540.

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Le tour de farce d’Erik Satie

« Le culte de Satie est difficile, parce qu’un des charmes de Satie, c’est justement le peu de prise qu’il offre à la déification. » Cocteau J. Le coq et l’arlequin – Notes autour de la musique.

Dans son introduction au prochain Congrès de l’AMP[1], Jacques-Alain Miller présentait le concept d’escabeau comme mode singulier de la sublimation « à son croisement avec le narcissisme », fondé sur le « je ne pense pas premier du parlêtre ».

Il soulignait que si Lacan s’était passionné pour l’auteur de Finnegans Wake, « c’est en raison du tour de force – ou de farce – que cela représente d’avoir su faire converger le symptôme et l’escabeau. Exactement, Joyce a fait du symptôme même, en tant que hors-sens, en tant qu’inintelligible, l’escabeau de son art ».

J.-A. Miller se demandait si la musique, la peinture, les Beaux-Arts avaient eu leur Joyce.

On sait combien la tumultueuse et iconoclaste avant-garde des Années Folles bouleversa les critères du jugement établis de l’esthétique. Mais sait-on suffisamment la place décisive qu’y occupa Erik Satie et ses compositions musicales en forme de « practical jokes » ?

« Je n’ai que faire du soleil » se plaisait à dire ce petit homme faunesque, excentrique et affable, qui n’a cessé de diviser les milieux musicaux, accusé par certains de destruction pure et simple de l’âme musicale, cette âme marquée par le symbolisme wagnérien de la fin du XIXe siècle.

Dans un éloge posthume, André Breton écrivait : « Le passage du XIXème au XXème siècle n’a déterminé aucune évolution d’esprit aussi captivante que celle de Satie. Nulle plus haute école de liberté à l’égard de toutes les conventions, nul sourire plus espiègle et, en fin de compte, si poignant par-dessus le gouffre intérieur, de l’espèce la plus noire, duquel s’échappe la nuée de ces dessins et inscriptions calligraphiées en pleine solitude. »[2]

Comment présenter l’œuvre de l’auteur des fameuses Gymnopédies ? Le compositeur Henri Sauguet écrivait : « Satie fut et doit demeurer inexplicable [… ] La musique, l’art de Satie sont inanalysables »[3].

Satie déclarait lui-même que tout ce qu’il composait ne signifiait rien, et aux tenants trop sérieux des conformismes académiques qui ne l’aimaient pas, il affirmait : « le Chaos est assez comique de lui-même »[4].

Marcel Proust, autre dandy de l’époque, disait à propos de la musique d’Erik Satie qu’elle ne pouvait faire que « rire ou crier », soulignant par ce trait le pied de nez du compositeur aux valeurs de bon goût bourgeois où se reconnaissait la communauté des mélomanes.

L’art d’Erik Satie se caractérise par une extrême économie de moyens dans ses créations, et une liberté de choix qui ignore toute barrière académique, allant jusqu’à inclure des numéros de music-hall dans ses concerts. « Le Music Hall, le Cirque, disait-il, ont l’esprit novateur »[5]. Parmi ses œuvres les plus connues, ses pièces pour piano déterminent des directions neuves, imprévues, élaguant, jetant du leste, supprimant tout superflu, refusant toute dramaturgie, réduisant au maximum la durée des périodes : l’air y circule à l’instar des haïkus japonais, léger et vif.

Il résulte de cette musique une magie sonore, un flux d’incessantes et poétiques cocasseries musicales, émergeant de la rigueur de rythmes neufs qui dessinent une structure nette à chacune de ses pièces. Debussy et Ravel s’inspireront de cette grammaire musicale novatrice, aux imprévisibles et troublantes résolutions harmoniques.

Le burlesque musical d’Erik Satie trouvera sur son chemin des compagnons d’art avides de tendances nouvelles dans leurs créations : Dada, Cocteau, Duchamp, Picabia, Diaghilev, avec qui il « paradait »[6] dans des créations scéniques ébouriffantes, ou encore Debussy et Ravel… lequel n’hésita pas à baptiser Satie de « précurseur de la musique moderne »[7].

La formule fâcha durablement Satie qui lisait dans les honneurs un embaumement avant l’heure. Satie ne pardonnera pas plus à Ravel son refus réitéré de la Légion d’honneur, un leurre à ses yeux, « quand toute sa musique l’accepte »[8].

Satie tenait bon sur le « sans pourquoi » de son art, hermétique à toute possibilité de l’interpréter. C’est d’ailleurs un paradoxe pour les interprètes de sa musique, comme le dit le pianiste Alexandre Tharaud : « Savoir se défaire d’un jeu classique, de l’envie de créer un discours, de donner un sens, de chercher le « beau son », et de marquer de son empreinte la partition. Ces considérations n’ont pas de prise sur Satie, elles font même très mauvais ménage avec son œuvre »[9].

Si le maniement ex-centrique de la lettre musicale chez Satie débarrassa l’esthétique éthérée et chargée de symboles du wagnérisme de l’époque, il tourna tout autant le dos aux diktats d’un nouvel ordre musical, le dodécaphonisme importé en France de la même Allemagne.

Par l’atmosphère sonore inédite de ses micro-compositions, « constructions en mosaïque » en perpétuel déplacement, Satie le gymnopédiste se hisse sur l’escabeau de son art avec ce seul fil phonique, faunesque, pur S1, « d’une pauvre pensée » comme il se plaisait à le souligner… soutenant son nom propre de ce travail au pied de la lettre, il s’auto-nomma « Satie, le pauvre » dans une totale identification à ses créations.

Brouillé avec la lâcheté, il se fâcha tour à tour avec ceux de ses amis qui renoncèrent dans leurs parcours artistiques à partager cette même longueur d’ondes dans leurs créations.

À ceux qui l’accusaient de n’écrire pas de la musique, Satie va ironiquement donner raison : « Ne croyez pas que mon œuvre soit de la musique, ce n’est pas mon genre : je fais, le mieux que je peux, de la phonométrie. Point autre chose. [...] Du reste, j’ai plus de plaisir à mesurer un son que je n’en ai à l’entendre. Le phonomètre à la main, je travaille joyeusement et sûrement [...] L’avenir est donc à la philophonie »[10].

Dans l’abondante correspondance adressée à ses amis et plus encore à lui-même, on retrouve un même maniement witzien de la lettre, imperméable au sens. La langue y est du pur style « Sati’ Erik », truffée de jeux de mots, équivoques, néologismes, mélange de grossièreté et de délicatesse, parfois même d’injures, tracées dans de sublimes arabesques.

Entouré de ses fidèles amis, Picasso, Picabia, Milhaud, Brancusi et Duchamp qui se relaient à son chevet, Satie rend l’âme à l’hôpital Saint-Joseph à Paris.

« La lettre… mais où est donc la lettre ? » aurait-il gémi en se débattant sur son lit de mort, renversant ses couvertures pour mettre la main sur ce mystérieux courrier. « C’était là son dernier tour de clé, verrouillant à jamais toute communication »[11], rapporte le musicologue Louis Laloy.

À l’heure venue de son dernier souffle, alors qu’il reçoit la visite de l’Abbé Saint, Satie s’exclame dans un ultime tour de farce : « Je suis heureux de voir enfin un saint de mes yeux. »[12]

Il nous reste la saveur insolite de cette œuvre gymnopédiste, sur laquelle John Cage et Merce Cunningham dans les années 1970 ont trouvé un appui sans pareille pour créer des chorégraphies nouvelles, donnant aux corps d’insoupçonnables façons de se tenir et de se mouvoir.

Dechambre-2

[1] Miller J.-A., Présentation du thème du Xe congrès de l’AMP à Rio de Janeiro en 2016. Site AMP. [2] Transcription d’un manuscrit autographe d’André Breton de 1955. Archives Erik Satie de l’IMEC in Erik Satie Les cahiers d’un mamifère. Chroniques et articles publiés entre 1895 et 1924. Texte établi par S. Arfouilloux. Paris, l’Escalier, 2010, préface. [3] Olivier PH., Aimer Satie, Langres, Hermann, 2005, p.110. [4] Satie E., Correspondance, réunie et présentée par O. Volta, Paris, Fayard/IMEC, 2000, p. 609. [5] Volta O. Erik Satie, Paris, Hazan, 1997, p. 69. [6] Allusion à Parade, ballet en acte composé par Erik Satie, poème de Jean Cocteau, costumes et rideau de scène Pablo Picasso. [7] Ibid., p. 30. [8] Olivier P., op. cit., p.1. [9] Tharaud A., CD Erik Satie, Avant dernières pensées, Arles, Harmonia mundi, 2009. [10] Satie E., Mémoires d’un amnésique, Revue musicale S.I.M. n°4, 15 avril 1912, p .69. [11] Volta O., Erik Satie. Correspondance, op. cit., p. 8. [12] Ibid., p. 642. Enregistrer

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Das Ding et la mère

Après une première cure non lacanienne, Pénélope s’adresse à moi pour se « séparer de la chose maternelle ». Enseignante en philosophie, c’est avec ce savoir qu’elle acquiesce à l’orientation du précédent analyste : ordonner, avec des interprétations sans équivoques, les traits du bon et du mauvais objet attribués à la mère. Cette mère n’ayant pu être correctement soignée d’un cancer durant la grossesse, meurt dix ans après, du fait, prétendait-elle, du choix de la préservation de la grossesse. La première cure n’a pas permis à Pénélope de se séparer de l’inaccessible poids de mort que sa venue au monde comporte et qu’en bonne kantienne elle désigne comme ce qui est pour elle la chose en soi.

Rompre avec la sociologie objectalisée et le Souverain Bien

1959. Lacan reprend les termes freudiens de l’Entwurf. Le rapport à autrui se divise en deux. Un : mobilisation des représentations assurant la retrouvaille des coordonnées de plaisir et de déplaisir autour de l’objet perdu du fait de l’entrée dans le langage. Deux : une partie reste, als Ding dit Freud, comme Chose, hors représentation, extérieure, interdite, voire, dit Lacan, « hostile, à l’occasion »[1].

L’article de Heidegger « Das Ding » sert de point d’appui. Pour le philosophe, la Chose est ce qui se situe comme vide, rien, là où « la proximité [de l’être] se cache elle-même et demeure […]. Le vide, ce qui dans la cruche n’est rien, voilà ce qu’est la [choséité de la] cruche»[2].

Lacan récuse la voie de l’être, vise le réel de la jouissance dans ses rapports avec l’Autre des signifiants.

Il tranche d’avec ce que l’on pourrait appeler une sociologie objectalisée par laquelle les post-freudiens prennent support d’un universel œdipien pour donner une raison à l’interdit et distribuer à la mère les bons et mauvais points des représentations de l’objet perdu. Ils mettent « à la place centrale de Ding le corps mythique de la mère ».[3]

Lacan a alors déjà « révisé »[4] l’interdit œdipien par la castration et la métaphore du Nom-du-Père. Dans le Séminaire VII, il précise : « la loi de l’inceste se situe […] au niveau du rapport inconscient avec das Ding […]. C’est dans la mesure où […] l’homme cherche toujours ce qu’il doit retrouver mais ce qu’il ne saurait atteindre […] que gît l’essentiel, […] la loi de l’interdiction de l’inceste »[5].

Voilà qui boucle la rupture d’avec l’articulation psychologisante entre sociologie et interdit de l’inceste. Cela permettra plus tard à Lacan d’affirmer « l’ordre familial ne fait que traduire que le Père n’est pas le géniteur et que la Mère reste contaminer la femme pour le petit d’homme »[6]. Il ajoutera « La parenté en question met en valeur ce fait primordial que c’est de lalangue qu’il s’agit […] l’analysant ne parle que de ça parce que ses proches parents lui ont appris lalangue, il ne différencie pas ce qui spécifie sa relation à lui avec ses proches parents »[7].

Dès lors, c’est dans l’exception pour chacun que « Das Ding se présente au niveau de l’expérience inconsciente comme ce qui déjà fait la loi […], une loi de signes où le sujet n’est garanti par rien »[8]. Lacan insiste sur le renversement de la loi morale introduit par Freud. C’est ce qui induit la minuscule du « bien interdit »[9], à opposer à la majuscule du Souverain Bien qui, depuis l’antiquité grecque, idéalise la voie éthique de la confrontation à une loi espérée universelle.

Ex nihilo

Aucun universel ne règle l’inaccessibilité à la Chose. Si Freud ouvre une « béance renouvelée concernant le das Ding […] au moment où nous ne pouvions plus le mettre en rien sous la garantie du Père.»[10], cela impose de reconsidérer les conditions singulières de sa constitution et les leviers qui, dans une cure, permettent au sujet de la mettre à sa place. Lacan martèle : « la création ex nihilo se trouve coextensive de l’exacte situation de la Chose comme telle.»[11] Le signifiant « crée le vide » et introduit « la perspective même de le remplir »11. Lacan précise ici comment un trou est « façonné » dans le réel par le signifiant et propose plaisamment de qualifier « nom divin » celui de Bornibus, marque de moutarde remplissant les pots dont le vide est la Chose.

Dans sa première cure, Pénélope tissait l’ordre des raisons des bonnes et mauvaises mères et défaisait l’ouvrage dans une relation amoureuse ravageante. Son compagnon l’aimait « à la vie, à la mort » en refusant qu’elle devienne mère pour la « garder toute à lui ». Récemment, elle disait mettre la Chose à sa place en rompant avec cet homme sur ces mots : « tu es un des noms que je donne maintenant à ce qui me fixait à ma mère. »

  [1] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 65. [2] Heidegger M., « Das Ding », Essais et conférences, trad. A. Préau, Paris, Gallimard, 1958, p. 199-211. [3] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, op. cit. p. 127. [4] Cf Lacan J., « Les Complexes familiaux dans la formation de l’individu », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 45. Lacan y évoque la « révision du complexe ». [5] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, op. cit., p. 83. [6] Lacan J., « Télévision », Autres écrits, op. cit., p. 532. [7] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV « L’insu que sait de l’Une-bévue s’aile à mourre », leçon du 19 avril 1977, inédit. [8] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, op. cit., p. 89. [9] Ibid., p. 85 [10] Ibid., p. 119. [11] Ibid., p. 147. Dans le Séminaire « R, S, I », inédit, Lacan donnera au symbolique le nom de « trou ».

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Marie n’a pas dit son dernier mot !

Être mère sur L'Hebdo-Blog, DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DES JOURNÉES : C'est avec une longue liste non exhaustive de mères, « typifiées » pour la circonstance, – la mère soumise, la mère méfiante, la mère poule, la mère déprimée, la mère rigide, la mère folle, la mère angoissée, la mère aimante… – que le Cartel Dossier a invité les membres du comité de pilotage et du comité scientifique des Journées 44 à nous parler des mères, d'une mère, d'être mère. Semaine après semaine, vous découvrirez la façon dont chacun, chacune s'est saisi de cette proposition. Une série de tableaux hétéroclites et surprenants donneront au lecteur un aperçu de ce grand work in progress autour de la question « Être mère ».

« Le XXIe siècle sera religieux, ou ne sera pas », c’est ce qui a été retenu de la fameuse prédiction d’André Malraux, là où l’on sait qu’il a plus exactement dit « Le XXIe siècle sera mystique, ou ne sera pas ». Cependant, on n’a pas attendu notre époque pour avoir recours à ce que Philippe Sollers appelle la PSA, Procréation Spirituellement Assistée qui a donné naissance au fils de Dieu. Damien Guyonnet nous livre ici une réflexion qui illustre cette orientation et il est tout à fait passionnant de lire ce texte à la lumière de notre hyper modernité.

Récemment, le pape François annonçait devant un parterre de prêtres et de séminaristes : « Si on n’a pas une belle relation avec la Vierge, on a quelque chose d’orphelin dans son cœur »[1]. Pourquoi ce rappel urgent et nécessaire au culte rendu à Marie, déclaration d’amour qu’on aurait tôt fait de juger dépassée ? Et si, contre toute attente, le pape François était finalement très moderne ? Alors, Vierge Marie, mères du XXIe siècle, même combat ?

Une disjonction, deux constats

Si nous nous interrogeons sur l’articulation entre maternité et sexualité, telle qu’elle se présente au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, deux temps logiques semblent repérables. Avec la légalisation de la pilule en 1967 et la loi Veil du 17 janvier 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse, pour la première fois en France, une disjonction s’opère entre maternité et sexualité. Il est dorénavant possible pour une femme d’avoir une sexualité sans risque de maternité. Cette disjonction, nous la retrouvons également dans la logique de la procréation médicalement assistée (PMA), cette fois-ci de manière inversée : il est désormais possible de devenir mère sans sexualité.

Cette disjonction reprend, dans une certaine mesure, celle qui peut être effective entre la mère et la femme. Disons que cette dernière apparaît clairement maintenant, là où auparavant le statut de mère recouvrait largement celui de femme.

Retour sur Marie

Cette disjonction maternité/sexualité, versant « maternité sans sexualité », est également présente dans le récit de la naissance de Jésus, ce que nous rappelle la doctrine de la Conception Virginale (CV) selon laquelle Marie conçut le Christ par l’intervention du Saint-Esprit en restant vierge, ainsi que le dogme de l’Immaculée Conception (IM)[2] rappelant que Marie a été préservée du péché originel[3]. Ainsi enfants de la science, enfants de Marie, même combat, à la différence près, et de taille, que désormais, les analyses médicales et la diffusion des résultats sur internet ont supplanté l’ange Gabriel quant à l’annonce d’une possible maternité ! Ainsi, la CV et l’IM préfigurent en quelque sorte la PMA. Il n’y a pas besoin de rapport sexuel pour avoir un bébé. C’est désormais à deux instances que l’individu peut vouer une admiration toujours plus grande : la médecine présente au sein même de ses organes de reproduction, et la Sainte vierge logée au fond de son cœur.

Mystérieuse Sainte Anne

Cette dernière est représentée dans le célèbre tableau de Léonard de Vinci, La vierge, l’Enfant Jésus et Sainte Anne, exposé au musée du Louvre. Sont réunis dans une même scène la grand-mère, la mère et le fils, ainsi que l’agneau christique. Trois personnages donc, pour trois générations, avec cette particularité que les deux personnages féminins semblent étrangement n’en former qu’un dans une sorte de dédoublement. Autre division concernant Marie : elle est à la fois mère de Jésus de Nazareth et mère de Dieu (la Theotokos en grec, la Déipare en latin) ; « Sainte Marie, mère de Dieu,… », énonce la prière. Dès lors, comme le note Philippe Sollers : « du féminin engendre du féminin lequel engendre son principe causal… »[4]. Et nous pouvons étendre encore davantage la liste des enfantements de Marie, comme nous l’indique le Chant XXXIII du Paradis de Dante : « Vierge mère, fille de ton fils, humble et haute plus que créature, terme arrêté d’un éternel conseil […] »[5]. Et Sollers de conclure alors en toute logique : « C’est une proposition d’inceste réussi. »[6] Bref, nous l’aurons compris, tout cela reste miraculeux, échappant irrémédiablement à la science.

Vers une autre disjonction

Qu’aucune preuve n’existe des différents enfantements de Marie, de celle que nous osons définir, avec l’autorisation du Saint-Père, comme résolument moderne, est très enseignant pour nous. En effet, lorsque la maternité se passe de sexualité, plus rien n’est sûr. D’où le recours, concernant Marie, à la croyance, ainsi qu’au dogme. Pour toutes les autres mères, celles de la science, précisément celles qui ont recours à la gestation pour autrui (GPA), a lieu dès lors une petite révolution, comme le note Jacques-Alain Miller : puisque devenue incertaine, la maternité passe alors au statut de fiction légale, fiction qui, auparavant, était assignée au père[7].

C’est finalement à une dernière disjonction que nous parvenons, révélée là encore par Marie, celle existant entre « maternité » et « être mère ». Avec la GPA, la question de la maternité, autrefois associée à une réalité biologique, change de statut. On peut accéder au statut de mère sans avoir porté l’enfant, une sorte de déni inversé en somme, laissant apparaître finalement qu’« être mère » relève autant, voire plus, d’une fonction, que d’une réalité matérielle. Reste à celle souhaitant l’incarner à devenir en quelque sorte un modèle de cette fonction.

[1] Cf. l’article d’Élisabeth de Baudoüin « Pape François : Si tu ne veux pas de Marie comme mère, tu l’auras comme belle-mère !» (disponible sur internet). [2] Proclamé par Pie IX le 8 décembre 1854 (bulle Ineffabilis Deus). [3] Nous savons par contre que la question de sa virginité perpétuelle prête quant à elle à discussion. [4] Sollers P., Le Saint-Âne, Paris, Verdier, 2004, p. 27. [5] Dante, La Divine Comédie/Le Paradis (trad. Jacqueline Risset), Paris, GF-Flammarion, 1990, p. 307. [6] Sollers P., op. cit., p. 35. [7] Cf. Jacques-Alain Miller lors du second Parlement d’UFORCA à Montpellier en mai 2011, inédit.

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La première frappe et le premier geste

La première frappe et le premier geste

Les médias nous en informent, l’amiante continue à faire des victimes. Si Aurélien Bomy nous livre ici le témoignage de sa rencontre avec l’une d’entre elles, ce n’est pas dans le registre de la victimisation qu’il nous présente ce sujet : à l’approche de la mort, c’est aussi dans sa position de père que ce dernier est touché. L’acte de l’analyste lui permet de s’en apercevoir, ainsi que de la répétition comme mode de transmission de père à fils.

 

« […] la Prägung – ce terme emporte avec lui des résonances de frappe, frappe d’une monnaie – la Prägung de l’événement traumatique originatif. […] Disons que la Prägung n’a pas été intégrée au système verbalisé du sujet, qu’elle n’est même pas montée à la verbalisation, et même pas, on peut le dire, à la signification »[1].

Prime à la mort

M. B. est atteint d’un cancer lié à l’amiante, reconnu maladie professionnelle. Suite à une indemnisation qui mobilise le signifiant Père, se pose la question de la transmission de cette « prime à la mort ». Sa femme désespère du débat conflictuel qu’il a avec elle et son fils concernant l’éducation des petits-enfants et du refus qu’il oppose aux traitements. Il juge préférable de ne vivre que quelques mois plutôt que de vivre plus longtemps mais diminué. C’est dans ce contexte de grande tension entre eux qu’elle l’emmène consulter.

La transmission de cette prime qui le tue littéralement, ne prend pas forme de dette. Il doit s’en débarrasser. Il veut que ses petits-enfants en bénéficient, mais qu’ils en fassent usage dans « la ligne » : une droiture féroce qu’il tient de son père militaire. Déçu par son fils, en conflit avec lui au sujet des petits-enfants et redoutant que sa femme ne fasse « passer ça avec des étrangers », il ne peut faire confiance en leur « mauvais jugement ».

Pardon et excuse

M. B. garde toujours raison. Je prends le parti de ne pas argumenter avec lui, mais plutôt de conforter ses positions et de m’intéresser à la précision des mots qu’il emploie. J’interroge par exemple la différence qu’il fait entre pardon et excuse. M. B. cherche « une clé, une formule » car il est toujours « le bouc émissaire ». Se décrivant « emmerdeur, plieur de cheveux en quatre, pour protéger la famille », M. B. est certain de son « jugement sain » et se sait aussi exigeant avec son entourage qu’avec lui-même. Il se plaint d’être encore obligé de « les » éduquer et envisage de faire placer sa femme sous tutelle. « Je ne peux pardonner ou excuser tant que le sujet n’est pas réglé ». S’il ne peut accepter le pardon qui implique un Autre en supériorité, l’excuse est plus tolérable, puisqu’elle peut s’adresser à l’autre sur un pied d’égalité.

La ligne

S’employant à une « transmission éducative de la ligne », M. B. est ralenti dans ce qu’il a à régler avant de mourir à cause des « mauvaises interprétations » qu’il rencontre. Il m’apporte les textes choisis pour la cérémonie. L’important est de « ne pas être oublié ».

Je lui demande s’il a connu l’oubli. Il s’effondre en larmes et parle de son placement, de quatre à sept ans, chez ses grands-parents, de son père qui « a fait » l’Algérie. Il révèle l’aveu que quelque chose le hante à propos de son père : « Les fois où je pourrais douter, il faut que ça se règle. Il est impossible qu’il ait fait des tortures. Faut pas que ça s’écarte de la ligne pour être en sécurité, pour que les choses ne glissent pas. Trouver la juste valeur des mots. Il y a des pensées qui sont présentes dans le monde, envahissantes : ‟Combien de temps il reste ?” Ça empêche les préparatifs ». Ainsi, la ligne se confond avec le père tourmenteur ; un réel perceptible est omniprésent dans les séances. À partir de ce moment, M. B. pleure un peu à chaque rencontre. Il se redresse aussitôt pour retrouver sa posture combattive. Les mots affectent son corps vivant produisant un relâchement de l’extrême tension dans laquelle il se trouve.

La frappe

M. B. veut enregistrer une séance pour prouver que je conforte ses positions. Je refuse de cautionner qu’il entre, à son initiative, dans une mise en doute de sa parole. Il s’est passé quelque chose qu’il essaie, agité et dans un flot de parole ininterrompu, de me restituer en détail, menant une véritable enquête sur « le geste premier » pour établir la seule vérité : la sienne. Il veut prouver l’injustifiable d’avoir été frappé dans le dos par sa femme, « comme un gamin ». Il a senti une douleur. « Quand on me tape, je rends toujours », dit-il. Ainsi il a frappé sa femme qui dément avoir porté un premier coup et « a allumé le feu » en appelant les enfants. « Vous êtes frappé », lui dis-je. Cette phrase l’arrête. Je fais l’hypothèse que la vérité qu’il cherche tient au fait qu’à ces moments-là, et de manière générale – par la maladie, des douleurs –, il est frappé par un insupportable qu’il veut éviter.

M. B. commence à témoigner. Enfant, s’il recevait des claques, il avait surtout affaire à la « dissuasion ».

La poursuite de l’enquête conduit à situer le conflit autour de sa volonté de donner de l’argent à un petit-fils pour faire un bon placement. L’indécision de ce dernier ralentit sa démarche. M. B. veut déshériter son fils. Cette radicalisation traduit une urgence : « Faire une transformation de ce qui est subi ».

Transformer le subi

M. B. offre à son frère un livre sur l’Algérie : « Je sais ce que c’est, la guerre ». J’acquiesce : s’il ne l’a pas faite et si son père n’en parlait pas, il l’a vécue en silence par ce qu’il a connu de lui, car quelque chose ne peut pas se dire.

Il se bat dès lors pour transmettre autre chose qu’une éducation qui inculque ; la seule qu’il ait connue par laquelle on ne peut que subir et se taire pour survivre. Il prend des libertés par rapport à la ligne et se bat pour la vie. Quelque chose s’apaise. Souvent essoufflé, il m’informe de l’évolution de sa maladie qui n’a « aucune incidence sur le moral ». Douloureux, il accepte la morphine.

Son fils est plus distant. Sans se voir pendant plusieurs mois, ils échangent des sms. Si les premiers sont presque insultants, le dernier est poétique et très touchant. Au bout de quelque temps, les contacts reprennent, et il participe à des achats pour ses petites-filles.

Il tente d’« arrondir les angles », de ne pas dire les choses « comme un réquisitoire », mais plutôt « du bout des lèvres. Toute vérité n’est pas bonne à dire. Voilà une bonne clé ! »

[1] Lacan. J., Le Séminaire, livre I, Les écrits techniques de Freud, Seuil, Paris, 1975, p. 214.

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L’Hebdo-Blog s’entretient avec Pierre Naveau

Avec Ce qui de la rencontre s'écrit[1], Pierre Naveau nous rappelle que la rencontre entre un homme et une femme est cette « pliure » où une marque de jouissance s'écrit. Il fait valoir que la psychanalyse soutient « une éthique de la rencontre » où « l'amour prend son élan à partir d'un impossible ». Avec les écrivains auxquels il se réfère, P. Naveau démontre qu'entre la jouissance de l'Un du masculin et la jouissance infinie du féminin, entre la contingence d'un réel de jouissance et les mots de l'Autre, il y a cette « pointe de l'instant » capable d'ouvrir un « accès à un savoir insu et, par là-même, inédit ». Ce livre, à l'époque où la science met en formule tout ce qu'elle touche, est précieux.

 
Pierre Naveau présentera son livre à l’ECF ce mardi 2 octobre prochain, lors de la première Soirée de la Bibliothèque de cette rentrée.
 

L’Hebdo-Blog – Selon vous, la marque d’une « authentique et franche pliure de son être » (p. 17), au-delà de la rencontre traumatique qui fait la cassure, la fracture, l’effraction, est-elle ce « bouleversement de l’économie de la jouissance » capable de durer ?

Pierre Naveau – Un bouleversement, s’il en est un, ne peut durer. Mais il peut se produire à nouveau, c’est-à-dire maintes et maintes fois. Car l’amour joue avec le hasard. Marivaux le montre : c’est du hasard que l’amour, à chaque fois, tient sa force. Fût-ce du hasard d’un lapsus, d’un acte manqué ou d’un rêve. Ce qui importe, c’est que l’on soit alors surpris.

LH-BComment situez-vous, au regard de « l’éthique de la rencontre » qui tient compte de la contingence, ce qu’il en est de la nécessité du refoulement de cette contingence qui veut croire au rapport sexuel ?

P. N. – Quand, avec insistance, le refoulement substitue à la contingence la nécessité, il se met en travers du chemin de l’amour et provoque alors la cristallisation d’un symptôme. La comédie de l’amour tourne au drame. Le symptôme, c’est, hélas, qu’on ne rit plus guère. Pour que l’on puisse rire, il faut que, comme en témoigne le mot d’esprit, la contingence soit d’une façon ou d’une autre dans le coup. Le danger vient en effet de l’engluement et du sentiment de lourdeur et d’encombrement.

L’H-BAlors que, écrivez-vous, « le fantasme de l’homme est une tentative pour suppléer à l’absence du rapport sexuel », qu’en est-il du fantasme d’une femme et de son incidence quant à l’absence du rapport sexuel ?

P. N. – J’ai cru remarquer que Lacan parle surtout du fantasme de l’homme, dans les filets duquel, à l’occasion, tombe la femme. Elle en devient la captive. Mais il lui est aussi arrivé, en effet, de parler du fantasme de la femme – en particulier du fantasme de l’hystérique qu’il oppose alors à celui de l’obsessionnel. L’hystérique, dans son fantasme, s’identifie au drame de l’amour et cherche ainsi à réparer ce qu’il y a de cassé chez l’Autre. Mais, surtout, Lacan n’a-t-il pas dit, un jour, que ce qui peut arriver de mieux à une femme, c’est qu’elle rencontre un homme qui lui parle selon son fantasme fondamental à elle ? C’est, je crois, quelque chose que l’on ne peut saisir qu’à partir de sa propre expérience.

L’H-BPour J. Lacan, l’hétérosexualité met en jeu aussi bien pour l’homme que pour une femme – « une femme ». C’est ce qui fait de cette femme un symptôme. Pourriez-vous alors nous dire de quel ordre est ce savoir du « tous » auquel un homme s’identifie, alors que ce « tous » n’est pas comptable, dénombrable ?

P. N.– Le tout que vous évoquez renvoie au « savoir » de la commune mesure qui a pour effet que l’homme ne voit alors pas plus loin que le bout de son nez. Rivalité, lutte à mort de pur prestige, passion pour l’exploit, illusion de la possession, etc. Mais, concernant les femmes, votre question attire, en fait, l’attention sur l’écart entre le une et le la. Il faut lire là-dessus le commentaire qu’a fait François Regnault de Partage de midi de Claudel dans un texte intitulé « Claudel : l’amour du poète »[2]. Il y parle notamment du rapport entre Mesa et Ysé et, par là-même, de cet écart.

L’H-BVous écrivez, dans votre texte « Le drame de Septimus et Lucrezia »[3] : « Certes, Clarissa comme Septimus ont pu tomber amoureux. Mais, plutôt que d'amour, il me semble que c'est d'une faillite relative à l'accomplissement de l'amour qu'il s'agit. »[4] Lorsque vous écrivez cela, n’avez-vous pas déjà, en germe, cette thèse forte de votre livre qui soutient que le ratage de l’amour vient de l’oubli de la dimension de la rencontre ?

P. N.– Oui, la faillite relative à l’accomplissement de l’amour est justement ce qui renvoie à la « forclusion » de la dimension de la rencontre. Étrange rencontre que celle de Septimus et de Lucrezia ! Septimus a demandé la main de Lucrezia dans un moment de panique. Il est même précisé par Virginia Woolf qu’à ce moment-là précisément, la peur lui est tombée dessus comme la foudre. Or, à ce moment-là, Virginia Woolf indique que – paradoxalement – he could not feel, il ne sentait rien. C’est le trou originel de l’absence de sens que fait résonner le coup de tonnerre.

L’H-B« L’instant », qui porte tant votre plume, est-il, pour vous, voie royale d'accès au réel ?

P. N. – Oui, l’instant, comme l’a indiqué Kierkegaard, est décisif. L’instant est en effet celui d’un choc, d’un heurt, voire d’un trauma. L’on se cogne alors contre le réel. Et, du coup, la question qui, dès lors, surgit est celle qui se pose à propos des conséquences d’un tel événement. L’instant même de cet événement se produit alors hors fantasme ; il s’en écarte, s’en sépare.

L’H-BVous recentrez la question féminine autour de la rencontre avec le réel du désir de l’Autre. Avec Célia, vous rapportez son symptôme « manger trop/se regarder dans la glace/se faire vomir » à son refus de la jouissance féminine, en tant que cette jouissance est ce que l’Autre ne peut pas lui dire de son être de femme. Refus qui s’entend dans une façon de parler où « il s’agit d’expulser le dit impossible à dire » (p. 57) sans, pour autant, rien pouvoir dire de sa propre jouissance de corps. Pouvez-vous préciser comment la psychanalyse opère dans la cure l’ouverture vers ce que vous nommez « une éthique de l’instant et du bord » (p. 72) ?

P. N. – L’après-coup de cette cure déjà ancienne a montré que la liberté de dire qui a été donnée à Célia au cours de son analyse aura apaisé la férocité de son surmoi et aura conduit à une plus grande souplesse dans les relations entre sa parole et son corps. La coupure effectuée lors de chaque séance – visant, dans son instantanéité même, un bord du corps – y aura aidé.

  [1] Naveau P., Ce qui de la rencontre s’écrit. Études lacaniennes, préface d’Éric Laurent, Paris, Éditions Michèle, Juin 2014. [2] Regnault F., « Claudel : l’amour du poète », Lacan : l'écrit, l'image, sous la direction de l’École de la Cause freudienne, Champs Flammarion poche, Paris, 2000. [3] Naveau P., « Le drame de Septimus et Lucrezia », in Virginia Woolf. L’écriture refuge contre la folie, ouvrage collectif dirigé par Stella Harrison, Paris, Éditions Michèle, 2011, p. 101. [4] Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », Scilicet, Paris, Seuil, n° 6/7, 1976, p. 16.

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Bord de mère

Un petit livre choc, d’une écriture épurée et poétique, est en prise avec le thème être mère quelle question ! De quoi s’agit-il ? Quelques lignes dans un journal à la rubrique faits divers : Une femme tue ses enfants après leur avoir payé la fête foraine et les frites.

Le caractère terrible de cette phrase saisit Véronique Olmi, dramaturge. De ce surgissement du réel naît une fiction, Bord de mer[1], son premier roman dont la lecture éprouvante bouleverse le lecteur. Le talent de V. Olmi consiste à nous introduire dans l’univers mental de son personnage. Dans ce récit situé après-coup, elle donne la parole à la narratrice, long monologue intérieur d’une femme, mère de deux enfants, qui se clôt dans un hurlement. Alors que la lecture avait déjà créé une inquiétante étrangeté, le lecteur est saisi d’effroi à la fin du récit. La narratrice dont nous ne saurons pas le nom, sera auteur d’un double filicide[2]. Le récit éclaire à minima les coordonnées de son acte. En filigrane, le lecteur pressent le caractère désespéré du voyage qu’elle entreprend.

Elle vit seule avec ses deux enfants, Stan et Kevin (neuf et cinq ans). Pour la première fois, elle les emmène découvrir la mer, elle se l’était juré. Le récit commence quand ils prennent le dernier car du soir. Les enfants sont inquiets de partir en semaine en période scolaire. Il pleut, l’hôtel est minable, il fait froid, l’argent manque, elle a oublié sa « chimie ». C’est une mer déchaînée qui est au rendez-vous, non la belle bleue. Dans la ville, on les regarde, elle perçoit de l’énervement, du dégoût à leur égard. Rien ne va comme elle aurait voulu.

Elle est une femme désorientée, épuisée, sans appui, dont les souvenirs se perdent, excepté la chanson de son père et la ressemblance du père de Kevin avec son propre frère. Envahie par ses monstres intérieurs, par des angoisses qui l’empêchent de dormir la nuit, elle est amenée à dormir le jour avec pour conséquence son retard à la sortie de l’école qui n’est pas sans lui faire éprouver de la honte. Elle n’est pas comme les autres, se faufile dans la vie, se retire chez elle ressentant une hostilité foncière du monde qui l’entoure. Ses seuls liens sont contraints, l’école et le dispensaire.

Au-delà des difficultés sociales, voilà son drame : « on met des bébés au monde et le monde les adopte. On est des ventres, c’est tout, après ça nous échappe et très vite on nous explique qu’on est hors du coup ». Le discours normatif porté par l’assistante sociale lui fait injonction – être une mère normale, comme les autres, viser la perfection… Elle s’y soustrait, par éthique ou impossibilité ? Pour la narratrice, être mère elle n’est que cela : « J’étais la maman, pas plus, pas moins que les autres, le premier mot écrit par Kevin, j’étais ça, je faisais ça. »[3] Une bonne mère avec un intérêt particularisé, elle veille, prend soin, aime ses enfants, en est fière. Elle sait les faire sourire, les distraire de ses soucis pour qu’ils ne voient pas son malaise. Elle se transformerait en fée pour être à la hauteur de leurs espoirs[4] dans les limites de ses forces.

Pour elle, « Il y a l’enfance […] Mais juste après l’hostilité du monde»[5]. Aussi, elle voudrait dissoudre la frontière entre eux et éviter que le monde n’avale ses mômes alors qu’ils deviennent sujets. Elle veut les protéger, tout leur épargner, le froid, la honte, la contagion des autres, de la société. Dans sa solitude insupportable et son égarement, son désir de mère ne cesse pas de ne pas vouloir se séparer. En l’absence de médiation possible, la séparation sera radicale. Au-delà de son acte, envahie par son imaginaire, elle constate son échec à réunir Stan et Kevin dans la mort, ils se tournent le dos et ne se regardent pas, elle en est ravagée.

  [1] Olmi V., Bord de mer, Paris, Actes Sud, coll. Babel, 2001. [2] Un filicide est un passage à l’acte meurtrier soit un homicide d’un parent sur son enfant, il est à différencier de l’infanticide où la victime est un nouveau-né n’ayant pas une existence sociale. [3] Olmi V., op. cit., p. 111-112. [4] Ibid., p. 36. [5] Ibid., p. 109.

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Aux confins du vivant – De la science à la psychanalyse

En direct de l’ACF-Normandie, Letterina , n°63

Les nouvelles technologies font voler en éclat l’ordre naturel au profit de nouvelles prérogatives, décisions incombant au sujet donnant l’allure d’un étrange choix, d’une possibilité de contrôle de sa part sur le vivant : droit de procréer selon différentes méthodes offertes par la science pour des formes de familles de plus en plus disparates, droit de mourir… Entre la naissance et la mort, le sujet est ainsi appelé à décider lui-même, non sans angoisse, ce qu’il n’a peut-être parfois nulle envie de décider à partir de techniques qu’il ne contrôle pas, jouant à son égard le même rôle que celui jadis dévolu à la nature ou à Dieu. La science qui parfois nous tire de mauvais pas est aussi capable de nous plonger dans des situations qu’elle est seule à pouvoir produire !

Le droit évolue en fonction de ces mutations et se doit de répondre aux revendications des citoyens au risque de ne pas tenir compte de l’impossible au nom d’un pour tous ! Que se passe-t-il quand les désirs deviennent des droits ? Les désirs entrent en collision avec la jouissance. Ils ont un objet, non pas objet cause, mais à obtenir, objet monté au zénith du ciel contemporain…

Comment mettre à jour notre pratique quand s’accroît ce que Freud appelait le « malaise dans la culture » et que Lacan déchiffrait comme les impasses de la civilisation ? Comment tenir compte de l’enseignement de Lacan ? Comment à notre époque qui revendique l’égalité des droits pour tous, en termes d’avoir, introduire la singularité, le consentement à la non-équivalence pour qu’advienne un sujet plus vivant que jamais ? La psychanalyse nous enseigne que le langage chez le parlêtre vient trouer le réel et c’est de cette fonction du trou que le langage opère sa prise sur le réel.

C’est le travail de cette étroite articulation entre certains mots issus de la langue et l’énigme du corps, aux confins du vivant, que nous présentent les auteurs du numéro 63 de la revue Letterina de l’ACF-Normandie. Si Letterina demeure inchangée dans ses objectifs, sa présentation a évolué. En effet, la couverture est dotée désormais d’une image minérale colorée, un caillou suspendu, matière à la fois dense et légère qui n’est pas sans rappeler, par ses strates, les falaises normandes. La revue a adopté un format plus large afin de faciliter la lecture avec une marge à droite confortable pour d’éventuelles annotations dans un graphisme sobre, élégant ; un document de travail qui, nous l’espérons, saura trouver sa place parmi les publications du Champ Freudien.

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Mauvaise fille : l’espace d’une écriture à soi

À propos du livre de Justine Lévy, Mauvaise fille, Paris, Stock, 2009.

Avec Le rendez-vous, Justine Lévy dresse le portrait d’une mère « très, très belle » que la vie « de bohême et de désordre » consume dans toutes sortes d’excès qui la font absente à son rôle de mère. « Si la femme est infiniment séduisante, la mère est dangereuse. »[1], écrit J. Lévy, dressant le portrait d’une fille divisée entre le désarroi d’avoir une mère « égoïste, et dure, et désinvolte »[2] et la fascination admirative pour une mère « merveilleuse, délicate, enchanteresse »[3]. Prise dans ce mélange d’effroi et d’éblouissement qui fait sa « brûlure, là, tout le temps »[4], cette fille veut l’impossible : protéger cette mère, trop proche du « bord des choses », d’elle-même. Mais les amants, les amantes, les pharmacopées, l’alcool, les vols, les petites délinquances, la prison creusent toujours plus le trou où la mère bascule sans que ni le masque de la beauté ni personne n’y puissent rien. Au rendez-vous donné par la mère, la fille a « toujours su, au fond, qu’elle n’allait pas venir »[5]. Et l’oubli de la mère, en l’emprisonnant dans le refus du manque maternel, lui fait occuper la place de l’objet de son désir et laisser son propre désir en suspens.

Avec Mauvaise fille, J. Lévy convoque à un ultime rendez-vous ce même lien dévastateur entre une mère et sa fille : la mère est en train de mourir quand sa fille apprend qu’elle attend son premier enfant : « Je suis embarquée dans […] une nouvelle vie […] Quelqu’un va arriver que je vais aimer plus que moi-même et que ma mère […] Et quelque chose, en moi, ne se pardonne pas d’avoir fait ça »[6]. Dans ce mélange de bonheur et de tragique, la « mauvaise fille » se sent coupable d’avoir eu une mère qui la renvoyait à la solitude. Elle ne se pardonne pas, en consentant à devenir mère à son tour, de la laisser maintenant à son destin mortel. Dans cette double contingence où le réel de la mort fait irruption dans le corps de sa mère tandis que la vie épanouit le sien, elle ne peut pas lui dire qu’elle attend un enfant, elle ne peut pas dire ces mots qui séparent. « Elle doit savoir […] je n’ose plus lui parler de rien […] Ce qui est monstrueux c’est que j’ai zappé maman en faisant un enfant »[7]. À l’heure des comptes et des adieux, c’est à elle, la fille qui a fait le rêve impossible de protéger sa mère de sa provocation à perdre tout sens dans une Autre jouissance, d’effectuer, seule, le difficile travail d’accepter le manque de l’Autre maternel. La mort de sa mère est son vrai ultime rendez-vous avec la jouissance pulsionnelle de celle-ci et avec son choix propre, de faire de cette part de liberté qui lui revient, une création qui lui permette d’être une femme à sa manière. « Maman est morte et je suis en train de devenir maman, […] je suis sonnée […] ou bien furieuse […] comme elle l’a toujours été, enragée, révoltée, car en train de comprendre qu’il n’y a rien, rien de rien »[8]. La fille va-t-elle comme sa mère faire le choix de s’engloutir dans la passion mortifère de ce rien que J. Lacan nomme la « Surmoitié »[9] ? C’est divisée qu’elle aborde cette question essentielle à son être de femme lié à cette Autre jouissance qui a tant envahi la femme en sa mère. Quand vient pour elle le rendez-vous avec sa propre fille à naître, la césarienne s’impose, tant pour elle accoucher semble impossible : impossible délivrance d’une part vivante en elle ? Impossible expulsion d’une mère trop réelle en elle ? Mais quand l’enfant est là, son innocente présence vivante efface l’impossible confiance en une mère à la parole si peu « fiable » et rend possible une inscription symbolique par le lien à un homme dont la virilité tout humaine sait prendre soin d’elle et la désirer comme femme.

Avec l’appui d’un père qui « ne renonce pas » à la sécuriser, avec l’amour et le désir d’un homme qui sait la faire rire et avec l’enfant qui la fait mère responsable, la fille du roman de J. Lévy parvient à mettre à distance la jouissance illimitée de son Autre maternel et acquiert une consistance de son être comme sujet et comme femme : « Ma peine est infinie, envahissante, absolue, mais, […] pour nous trois, […] je décide de la remiser […] loin de nous. […] il n’y avait personne et maintenant il y a quelqu’un et je suis mère de ce quelqu’un »[10].

Avec ce roman, J. Lévy démontre que c’est en continuant à se référer à l’Autre maternel, dont le manque est le fondement, qu’une fille parvient à établir son désir propre et à créer sa propre féminité. Si séparer son corps, son désir et sa jouissance de ceux de sa mère est la tâche de toute fille et de toute mère, J. Lévy nous enseigne, avec Jacques Lacan, que c’est avec son « obscure intimité »[11] qu’une fille se donne un corps d’amour et de désir à elle, et qu’un écrivain écrit. Et si avec Mauvaise fille J. Lévy révèle une part autobiographique de son histoire, c’est en tant qu’avec ce roman elle parvient à nouer au langage le manque constitutif de sa féminité et affirme que sa condition de femme la regarde, pas sans l’Autre.

  [1] Lévy J., Le rendez-vous, Paris, Plon, 1995, p. 22. [2] Ibid., p. 39. [3] Ibid., p. 39. [4] Ibid., p. 41. [5] Ibid., p. 177. [6] Lévy J., Mauvaise fille, Paris, Stock, 2009, p. 25. [7] Ibid., p. 66-67. [8] Ibid., p. 93-94. [9] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 468. [10] Lévy J., Mauvaise fille, op. cit., p. 158. [11] Lacan J., « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache », Écrits, Seuil, 1966, p. 676.

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Une dépêche de l’Yonne… Le coup d’envoi est donné !

L’association Cause freudienne Bourgogne Franche-Comté a le plaisir de vous inviter à son premier après-midi de travail dans l’Yonne le samedi 4 octobre prochain. Sous le titre « Mères idéales, mères réelles » nous mettrons à l’étude le thème des prochaines Journées de l’ECF. Le désir des cinq est dans le coup. Ils sont membres de l’ECF (Nathalie Georges-Lambrichs, Patricia Johansson-Rosen, Didier Mathey et Anicette Sangnier) ou de l’ACF (Karolina Lubanska) et ont des attaches familiales dans l’Yonne. Ils s’associent pour donner vie à une aventure auxerroise inédite en faisant une offre de travail orienté par l’enseignement de Jacques Lacan et de Jacques-Alain Miller : ils proposent des études psychanalytiques. À qui veut. Les mises sont faites ! Ils n’ont point d’idée du paysage intellectuel de l’Yonne. De ce point de vue, elle leur est une terre inconnue. Ils n’y vont pas en conquistadors mais en explorateurs. Y trouveront-ils de l’hospitalité ou seront-ils persona non grata ? La psychanalyse a-t-elle encore le droit de cité par ici ? Monsieur Guy Férez maire d’Auxerre leur ouvre grand la porte de la ville : il leur fait l’honneur non seulement de donner son patronage à l’événement, mais encore de venir l’ouvrir en personne.

Que veulent-ils ? Ils veulent rencontrer ceux pour qui le sujet de l’inconscient compte. Les entendre et se faire entendre d’eux. Ils veulent parier sur un malentendu créateur. Trouver pas tant une langue commune qu’une parole vivante…de celles qui portent à conséquence.

Sauront-ils parler sans se réfugier dans une «  disance lacanienne » [1]? Sauront-ils transmettre ce qui ne se transmet qu’entre les mots ? Et non pas tant ex-cathedra ? Sauront-ils convertir le savoir troué en gay sçavoir ? Encore deux semaines…Seize personnes inscrites ! C’est avec elles qu’ils vont engager la conversation. Et avec quelques autres encore, peut-être…

PS : Une collègue m’a informée que les responsables administratifs faisaient de la publicité pour notre journée auxerroise. Moi, enthousiasmée, de lui répondre : « Les administratifs qui y mettent du leur ? Leurs noms ! ». En réponse, pas de noms, mais juste cette note : « En fait, voilà, plusieurs personnes souhaitent avoir une aide financière pour aller aux Journées de l’ECF. Les responsables leur font plutôt valoir la demi-journée d’Auxerre ». Bref, j’ai compris que «  l’engouement » des administrateurs pour notre initiative est à la mesure de leur goût pour les économies ! Sur ceci, il me revient cette phrase tirée de la première partie de  Faust :

- Qui es-tu donc, à la fin ?

- Je suis une partie de cette force qui, éternellement veut le mal, et qui, éternellement accomplit le bien ». Alors ? Vive les administrateurs !...

Sera ce qu’il sera. Pourvu que nous fassions ce que nous avons à faire.

  [1] Miller J.-A., L’Orientation lacanienne, Le tout dernier Lacan, cours du 15 novembre 2006, inédit. LHB2_Affiche_Meres_ideales_meres_reelles-1 Enregistrer

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