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Nouvelle Série, L'Hebdo-Blog 193, Événements

L’implication du psychanalyste

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Le psychanalyste est impliqué de façon non idéologique dans les crises qui peuplent la civilisation, bien au-delà du champ dénommé aujourd’hui de la santé mentale. Qu’il soit impliqué ne veut pas dire qu’il soit engagé. Chaque époque a ses impossibles à résoudre, ses romans pour en rendre compte, ses mots d’ordre impuissants que le malaise, signifiant si pertinent que nous devons à Freud, écorne. Il donne chance aux symptômes dont les psychanalystes estiment qu’il est risqué de nier leur valeur de réponses subjectives au nom de l’objectivité, du soin et de la prévention.

Le psychanalyste n’est pas quelqu’un d’engagé mais il n’est pas neutre ! Il sait interpréter, ce qui ne veut pas dire nourrir le sens commun. Interpréter a un caractère subversif, dérangeant. Interpréter n’est pas expliquer, commenter mais bousculer, proposer une lecture inattendue, toujours ouverte et incomplète ; le contraire des neurosciences qui envahissent les discours et servent de caution aux légendes modernes.

Les symptômes ont une dimension de protestation mais l’expérience clinique orientée par la découverte freudienne, les conséquences ouvertes par l’enseignement de Lacan ne sauraient les réduire à de nouvelles façons de penser, à de nouvelles autorités qui trouveraient leur assurance dans le rejet d’un passé éteint. Ce serait nier la dimension même de l’inconscient. La force de la psychanalyse tient au dégagement qu’elle opère, pour chacune et chacun, d’une position fantasmatique d’héritier(e), ce que soutient la passe. Une opportunité dont l’analysant qui a achevé sa cure peut se saisir, ou pas, et qui maintient un « qui vive », là où le « nous » du groupe endort.

Tirons en quelques conséquences pour le CPCT, une institution inédite qui abrite le signifiant « psychanalyse », dans la cité. Par définition, le psychanalyste ne peut pas être espéré dans l’espace public et c’est ce qui lui donne, ponctuellement, quelque chance de pouvoir apporter la marque de son implication. Le travail qui se fait au CPCT ne sert pas aux modernisateurs, encore moins aux fétichistes de nouveaux universaux construits à partir d’étiquettes. Vouloir une institution d’accueil qui abrite les conséquences éthiques de notre méthode est une façon de soutenir au niveau politique, ce que la clinique nous apprend : il y a la forme, que nous ne pouvons aborder qu’à partir de la fonction logique et il y a le réel. Il est silence.

Au CPCT nous tenons compte du réalisme des situations qui affectent durement celles et ceux qui s’adressent à nous. Curieusement c’est à partir des étiquettes qu’elles, qu’ils, poussent la porte d’une institution qui n’a aucune raison d’être puisqu’on y est reçu par des psychanalystes qui n’ont pas d’autre religion que de supposer derrière les masques, un sujet ! C’est notre façon de tenir compte de la perte des significations, de l’éparpillement qui traverse nos sociétés, sans nous en désespérer. Notre obstination trouve sa raison dans les capacités délivrées par l’exigence de la cure personnelle des praticiens, leur engagement dans la recherche, ses effets de formation, à évaluer très vite et au cas par cas le type de rapport à la langue et au semblable dont il faut tenir compte pour apprécier l’orientation à donner au traitement, lorsqu’il est possible. Les sujets contemporains ne se présentent pas à partir d’une représentation ouverte à la demande et à l’association libre : l’impossible à supporter est sur le devant de la scène.

Les matinées et journées de formations, ouvertes aux médecins, cliniciens, travailleurs sociaux et politiques qui s’y inscrivent, accueillent des représentants d’associations qui se coltinent le pire. Elles sont l’occasion de transmettre l’expérience du CPCT à partir de vignettes très courtes qui disent combien la rencontre avec un psychanalyste peut éloigner d’un réel, jusque-là indicible, mettre un voile qui redonne couleur au corps.

Le CPCT est un lieu civilisé qui n’appartient à aucun programme et qui permet doucement, lentement à qui y consent, d’entrer dans une façon de dire très personnelle, quelque fois en maintenant l’étiquette. Celle-ci cesse alors de parler le sujet et peut devenir point d’appui pour qui s’essaie à de nouvelles traductions de ce qui l’encombre et le fait souffrir. Pas tout seul : c’est l’offre du CPCT qui veille à ne pas jouir d’être une institution rejetée.

Être dans la cité une anomalie précaire et durable nous suffit.

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