« C’est que la jouissance a une temporalité.
Elle a une temporalité de tension dans l’insatisfaction, et de résolution dans la satisfaction. »[1]
La durée courte et limitée du traitement au CPCT en distingue la pratique de celles de la cure analytique ou d’autres types d’institutions. C’est un pari fondé sur l’existence d’un tempo libidinal qui a sa prise dans l’inconscient. Un rythme peut se déduire des noces du sujet et de la jouissance, qui révèle des régularités dans les accélérations, les pauses, les temps d’arrêt. Cette cadence subjective autorise la suspension de l’expérience du transfert lors d’un moment préliminaire, dans la mesure où un point d’équilibre satisfaisant ou supportable est trouvé par le sujet.
Ce capiton ne coïncide pas nécessairement avec le terme de seize séances fixé arbitrairement, c’est la raison pour laquelle le praticien s’aménage une marge de manœuvre avec la possibilité d’interrompre le traitement avant ce terme, ou de le prolonger. Le traitement tout entier est là envisagé comme nous considérons dans la cure analytique la séance à durée variable : le maniement de sa durée a lui-même valeur d’interprétation, au sens de la ponctuation.
De ce point de vue, il y a pour le praticien à se construire une clinique du temps du sujet articulé à l’horizon limite des séances. Il s’agit certes de tenir compte des significations que prend cette fin anticipée pour chaque sujet. En-deçà, il s’agit surtout de repérer les variations du point d’adresse du sujet, c’est-à-dire la prise de son énonciation dans le transfert, dont les diverses inflexions pourront donner l’indice du bon moment pour conclure. Une des distinctions majeures entre la pratique au CPCT et la cure analytique réside ainsi dans ce fait qu’au CPCT, l’énonciation du sujet inclut le terme prévu du traitement – et charrie donc les enjeux propres de cette limite pour chaque sujet. Il peut d’ailleurs s’agir d’une absence radicale d’enjeu, qui donne alors des informations cliniques.
Dans son texte sur l’érotique du temps, Jacques-Alain Miller précise que ce qui fait « la différence propre de la séance analytique, du temps de la séance, c’est la présence de l’analyste en tant qu’identifié au hors temps de l’inconscient »[2]. Cette manœuvre du temps au CPCT va donc se déterminer dans un rapport dialectique au hors-temps de l’inconscient. L’inconscient se définit ici comme savoir supposé, savoir déjà-là marqué par des concrétions de jouissance qui sont autant de points fixes et immuables. Il est ici pensé comme paysage de jouissance plutôt que musique. L’élément de mobilité, c’est dès lors le sujet : « l’inconscient en soi-même ne change pas, mais ce qui peut changer, c’est le rapport du sujet avec son inconscient »[3].
Ainsi se dégage l’un des points cruciaux pour distinguer la pratique au CPCT et la cure – et donc permettre au praticien de déterminer sa position. Il s’agit de faire porter la focale sur la mobilité du sujet et sa capacité à trouver un nouage de sa jouissance moins coûteux, même temporairement, plutôt que sur le caractère d’éternité de la jouissance. La limite du traitement pourra dès lors y introduire un manque – déplacement ou vidage –, un « reste à dire » ou une balise. Ce sont ces différentes réponses du sujet prises comme des points d’étape qu’explorera la journée de la FIPA le 14 mars prochain à Lyon.
[1] Miller J.-A., « Introduction à l’érotique du temps », La Cause freudienne, n°56, mars 2004, p. 72.
[2] Ibid., p. 78.
[3] Ibid., p. 76.