C’est à partir de ma fonction de délégué aux cartels pour l’ACF-Massif Central, de ma question sur la place du cartel dans l’École et dans la cité que j’ai été amené à distinguer trois registres de ce qui, du cartel, participe d’une ouverture vers les gens : le produit de cartel, l’effet de cartel et l’effet-cartel.
Le produit de cartel : « Quatre se choisissent, pour poursuivre un travail qui doit avoir son produit. Je précise : produit propre à chacun, et non collectif »[1]. Lacan est précis. De très beaux textes ont été entendus et discutés dans l’ACF-MC, portés par une énonciation singulière et un désir orienté. Le produit de cartel est un pan du travail de l’École, il est attendu par elle, la passe en est un autre. Jacques-Alain Miller insiste « le travail de l’École passe par le cartel »[2].
L’effet de cartel est distinct du « produit propre à chacun ». Il est un résultat, une conséquence. Il s’extrait de l’intimité du cartel qui va le soutenir et l’orienter vers d’autres : il rassemble. C’est une invitation à découvrir, dans sa portée citoyenne, la psychanalyse sous un autre angle. Dans l’après-coup, ou dans la dynamique de son travail même, ce sera une rencontre, un échange, élevé à la dignité d’un événement. L’effet de cartel relève d’un désir de liens avec des lieux de la cité. C’est une priorité politique que d’offrir aux gens l’occasion de rencontrer le discours analytique dans son ouverture, sa logique, sa rigueur, et sa souplesse. L’effet de cartel, c’est le désir en tant qu’il est contagieux.
L’effet-cartel est le troisième volet du triptyque. Il s’invente à partir d’une rencontre singulière, de quelques paroles échangées et soutenues par une énonciation désirante. Il naît d’un mot qui, lancé à la cantonade, fait mouche. L’acte du sujet y est convoqué. Il s’agit de l’ouverture au discours analytique de nouveaux réseaux de diffusion. Ce sont aussi les demandes de partenariat reçues de ceux qui ne restent pas insensibles à la cause analytique. L’effet-cartel est une porte qui s’ouvre sur le monde des gens : ceux de l’opinion éclairée, de la pénombre, du clair-obscur et de l’ombre. Cela touche ceux qui prennent leur ex-sistence au sérieux et se découvrent sensibles au discours analytique vers lequel ils n’auraient pas spontanément orienté leurs pas. Pourquoi ? Parce qu’ils rencontrent, dans ce théâtre, ce cinéma, ce centre culturel, cette salle de concert, cette librairie, ce café, cette rue, à la croisée des échanges, des psychanalystes dont les paroles viennent résonner avec ce qui, de leur existence, les préoccupe.
Je laisserai la conclusion à Brigitte Jaques-Wajeman et François Regnault qui nous ont adressé quelques mots, peu de temps après leur visite à Brive pour la Soirée « Elvire, Jouvet 40 ». Ces mots disent l’effet-cartel :
« […] vous et tous ceux qui ont travaillé avec vous pour ces rencontres autour d’Elvire-Jouvet 40, nous avez donné la joie de revivre les moments intenses que nous avons vécus lors de la création du spectacle, de ses représentations et de ses tournées, ainsi que du tournage du film par Benoît Jacquot.
Surtout, votre fervente attention à notre égard, la disponibilité de tous vos collaborateurs, du Cartel tout entier, et l’hospitalité chaleureuse de vos amis et invités, ainsi que du public de Brive, nous laissent de ce passage un souvenir heureux, qui nous incite à travailler encore et toujours pour le théâtre, dans ses rapports directs ou indirects avec la psychanalyse. […] »
[1] Lacan J., « D’écolage », Séminaire du 11 mars 1980 (extrait), inédit.
[2] Miller J.-A., « Le cartel au centre d’une école de psychanalyse », intervention à la Journée des cartels du 8 octobre 1994 à l’ECF, transcrite par Catherine Bonningue. (paru initialement dans La Lettre mensuelle n°134).