Ce film relève d’un parti pris : montrer l’horreur ordinaire, celle qui s’inaugure d’une mauvaise rencontre soumise au signifiant-maître de « famille », S1 qui pétrifie quand, le lien rompu, reste la grimace du réel qui tient lieu de jouissance inéliminable.
La première scène situe la rencontre entre un couple qui divorce, ses avocats et la juge aux affaires familiales. L’enjeu s’appelle Julien, leur fils de douze ans, et de sa garde. Julien ne veut pas voir son père. Il l’a écrit dans une lettre. Sa sœur aînée ne le souhaite pas non plus mais comme elle a bientôt dix-huit ans, son cas est expédié malgré son témoignage sur la violence paternelle. Le père comme symptôme est là, son corps puissant, sa plainte d’être refusé, dénigré par ses enfants, fait cas d’école. Qui croire ? La mère qui demande la garde exclusive, – on la soupçonne alors de manipulations sur ses enfants pour les garder tout à elle –, ou bien le père qui fait valoir ses droits et son désir d’occuper sa place ? Qu’est-ce qu’un père dès lors que le lien qui l’unissait à une femme se défait ? Quelle sera sa place, sa fonction, après un divorce ? Alors qu’on ne cesse de répéter qu’un enfant a besoin de ses deux parents pour grandir, donnant à la garde partagée une valeur égalitaire structurante, soupçonne-t-on que parfois, un père ne peut pas assurer sa fonction hors du couple parental qu’il formait parce que déjà, il ne savait pas se situer ? Lorsqu’il y a rupture conjugale, rien ne permet de penser que la permanence du lien père-enfant soit garantie, rien non plus n’oblige à croire que tout père sépare l’enfant de sa mère. La psychologisation des fonctions de père et de mère fait consister des rôles plus que des fonctions symboliques, rendant bien souvent caduque, au moment des séparations, l’importance apportée à l’égalitarisme parental. Celui‑ci prend le masque de la jouissance distributive concernant le mode de garde. Il sert à donner aux juges des points d’appui pour authentifier leurs décisions. Dans le cas de la famille Besson, la juge décide d’une garde partagée. Le garçon devra voir son père, que cela lui plaise ou non.
Que nous enseigne ce moment ? Que le père bénéficie aujourd’hui encore, comme dans l’esprit de la juge, de cette fonction immuable d’être garant d’une loi symbolique, celle qui met une barre sur le désir de la mère. Or, ce dont il est question pour ce père n’est pas de s’occuper de son fils, mais de se servir de lui pour garder un lien avec sa femme. Il se sent trahi et bafoué. Sa violence est là, immédiate, insensée, palpable. La tension est extrême. C’est ce point qui est maintenu tout au long du film qui nous fait vivre l’angoisse de l’enfant et l’imminence du passage à l’acte.
Sans dévoiler la fin du film, saluons le travail du metteur en scène, Xavier Legrand, qui nous plonge dans cet enfer familial, filmant ce qu’on peut appeler « la présence du père » comme un objet de peur, une peur qui prend aux tripes, un réel qui ne trompe pas.