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« Je l’ai remarquée, un matin. » À propos du livre Pas son genre, de Philippe Vilain

Par Dominique Szulzynger
5 octobre 2015
« Je l’ai remarquée, un matin. » À propos du livre Pas son genre, de Philippe Vilain
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Dès le premier abord, il la remarque. Issus de deux mondes très différents, ils vont pourtant se rencontrer. L’écriture les réunira, avant de les désunir. Ce roman dont Dominique Szulzynger a extrait deux moments de bascule est un paradigme de ce qui tranche le nœud du couple, dans l’instant du mépris.

Clément, jeune prof de philo, parisien dans l’âme, est muté à Arras. En cette occasion il fait la rencontre de Jennifer, belle coiffeuse. Une rencontre ? Pas vraiment, plutôt la remarque-t-il dans le salon. D’emblée, il est séduit par « son regard concentré, absent » , alors que côté style justement, elle n’est pas son genre. Elle, elle rêve du grand amour, mais tombe toujours sur « des hommes pas faits pour elle […] les mariés » . D’ailleurs, la première fois qu’elle-même remarque Clément, c’est alors accompagné par « une jeune femme brune en tailleur chic ». Cette rencontre, qui n’en est pas une, indique comment chez elle aussi, le ratage amoureux se répète dans le symptôme. Pourtant, ces deux-là se choisissent ! Si la première rencontre se fait par hasard, dès la seconde ce n’est plus du hasard. Avec qui « fait-on couple » ? Osons proposer : avec son partenaire de fantasme.
Leur histoire commence comme une romance, leur rapprochement ressemble à une découverte mutuelle des intérêts de l’autre. Elle l’initie à sa passion pour le karaoké, et pour la vie en général, car autant Clément est mesuré, autant Jennifer est pétillante. Lui, il lui offre l’horizon des livres. Elle avait déjà celui de la lecture des magazines et des romans populaires, avec lui elle découvre Dostoïevski, Zola, Giono… Ce goût commun constitue la trame de ce qui les rapproche, ce qui les couple. Or, c’est par le livre justement que la romance sentimentale bascule et ravive ce qui les coupe : Jennifer découvre que Clément lui a caché l’existence de son essai. Car l’écriture est son partenaire secret. Cette tromperie réactive chez Jennifer son savoir inflexible sur le couple : le détachement qui était la marque distinctive de Clément fait signe de son indifférence amoureuse.
La seconde séparation aura lieu quelques semaines plus tard, durant le carnaval. Amoureux mêlés à la foule, ils croisent une collègue de Clément, Hélène, qui est en famille et la lui présente. Lui-même ne présente pas Jennifer… Cet « oubli » dévoile son point de jouissance : la honte que Jennifer lui inspire car elle n’est « pas son genre ». Et, plus honteux encore : le mépris qu’il lui porte est la condition nécessaire à son amour. L’image du couple heureux qu’ils formaient quelques instants auparavant, vole en éclats. Le carnaval s’étire. Les géants perdent de leur splendeur et dévoilent un envers du décor où Jennifer quitte la scène. Elle semble ravie par ses émotions, Clément, maladroit, s’excuse. « C’est oublié », répond-elle, lointaine. Le lecteur, comme Clément, comprend, dans l’après-coup, combien cet oubli sera décisif. Il dessine un programme précipitant le passage à l’acte de Jennifer. Ce programme, c’est : oublier ! Dans le plus grand secret, elle organise sa propre disparition, sans laisser d’adresse. Fin de l’histoire.
Au-delà d’une lecture sociologique, quelle est la nature du couple Jennifer-Clément ? Couple libidinal, amoureux de la chair et des mots, mais peu enclin à la parole. Couple clandestin, lové dans une chambre d’hôtel, couple sans réelle inscription symbolique… Si ces deux-là s’aimaient, sans doute n’avaient-ils pas la même interprétation de l’amour. Pour Jennifer, aimer est être en couple. Elle veut « avoir des projets », elle veut « un homme jaloux ». Et si elle fait beaucoup d’efforts pour aller vers la culture de Clément, côté inconscient, ce savoir inflexible, à valeur de certitude, l’éloigne de son partenaire. Clément lui-même est aveuglé par son incroyance au couple. Ils sont séparés par l’insu fantasmatique qui gouverne leur relation au partenaire. Dans la séquence du carnaval, l’absence de signifiant qui viendrait nommer Jennifer et l’inscrire dans le semblant du couple, ravive l’impossible du ratage sexuel, et active un franchissement dans le réel. La trahison que la jeune femme dénonce porte sur leurs incapacités à construire un symptôme commun qui aurait pu nouer leur couple. En disparaissant, elle ne leur laisse pas le temps de tisser une solution commune pour inventer leur couple.

 

Numéro : L'Hebdo-Blog 45
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