Un mois et demi avant la soirée du 19 mai, Monique Amirault et ses collègues ont soumis la question au réseau des membres de l’ACF-VLB, leur proposant de répondre par une citation qui les a frappés ou accompagnés, un témoignage ou une remarque personnelle. Les réponses ont été nombreuses et variées ; toutes ont été vives, décidées, témoignant du désir des membres de l’ACF pour l’Ecole de Lacan et de leur transfert à l’Orientation lacanienne qui leur sert de boussole. Nous en proposons ici quelques-unes en guise de florilège.
Être lacanien ? Avec Lacan, le maître
« Le maître interrompt le silence par n’importe quoi, un sarcasme, un coup de pied. […] Le maître n’enseigne pas ex cathedra une science toute faite, il apporte la réponse quand les élèves sont sur le point de la trouver. » (1) La psychanalyse lacanienne ne consiste pas en un savoir usé, mais se réinvente sans cesse. Aujourd’hui, comme le maître zen, Lacan réveille et nous permet de maintenir le désir bien vivant.
(1) J. Lacan, Le séminaire Livre I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Seuil, 1975, p. 7
Être lacanien ? Croire à l’inconscient
« Une psychanalyse demande d’aimer son inconscient pour faire exister non pas le rapport sexuel, mais le rapport symbolique. Mais à un psychanalyste, il n’est pas demandé d’aimer l’inconscient. Il n’est pas demandé à un psychanalyste d’aimer les effets de vérité de l’inconscient. Alors ça c’est difficile parce qu’un analyste, c’est aussi un analysant, ou un ancien analysant. Et pourtant, pour ce qui pourrait être la pratique lacanienne, il ne faut pas plus aimer le vrai que le beau et le bon. » J.-A. Miller, « Une fantaisie », Mental, numéro 15, p. 27.
Être lacanien ? Par la voie du transfert
Je suis devenu lacanien à 20 ans (par hasard) en entendant résonner le désir de Lacan dans Télévision ; à 30 ans (par chance) en frappant à la porte d’un analyste lacanien qui a su, dans un moment capital, accueillir ma demande sans y répondre ; à 45 ans (par devoir), à l’Université, en me plongeant dans le Séminaire III, Les Psychoses ; à 55 ans (par désir) en inscrivant mon transfert pour la psychanalyse dans le fil de la journée Question d’École, Problèmes cruciaux du contrôle et de la passe.
Être lacanien ? Des mots qui font mouche
« S’il y a un enjeu pour le psychanalyste, c’est d’être à la hauteur du temps qu’il vit. » Lacan disait cela en 1953. Il y aurait de quoi s’étonner que tel soit l’enjeu fixé au psychanalyste par un psychanalyste — et de la date. J’ai découvert cette phrase il y a seulement quelques années, c’est pourtant ce qui m’a conduit au lacanisme, parce que j’ai trouvé que c’était le seul discours « à la hauteur ». J’ai le sentiment que les lacaniens n’ont pas cessé depuis de relever cet enjeu, et que les temps nous y appellent chaque jour un peu plus. Je n’en vois en tout cas pas de plus haut aujourd’hui, pour aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, pour mon compte, j’ai mis l’an dernier cette phrase de Lacan en fond d’écran de mon ordinateur.
Être lacanien ? Question de style
« Tout retour à Freud qui donne matière à un enseignement digne de ce nom, ne se produira que par la voie, par où la vérité la plus cachée se manifeste dans les révolutions de la culture. Cette voie est la seule formation que nous puissions prétendre à transmettre à ceux qui nous suivent. Elle s’appelle : un style » J. Lacan, « La Psychanalyse et son enseignement », 1957, Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p.458
Être lacanien ? Un savoir faire
Être lacanien aujourd’hui, c’est savoir faire accueil à l’incongru. C’est, pendant les séances, accepter de parler anglais avec un adolescent sourd qui apprend la langue via une série américaine, c’est inventer de nouveaux signes en LSF (langue des signes française) pour cette série, et apprendre ensemble une langue commune. Être lacanien, c’est encourager le sujet à trouver son chemin propre, pour préserver sa singularité.
C’est être là quand l’Autre se fait protocole et injonction et nous presse de répondre. C’est subvertir le discours au sein de l’institution pour encourager à l’invention du nouveau. C’est laisser au sujet son énigme, pour qu’il en fasse sa question, avec le temps qu’il lui faut et avec un partenaire, l’analyste. C’est aussi maintenir, quoi qu’il arrive, le vivant de chaque un.
Être lacanien ? Un témoin majeur, J-A Miller
« Une psychanalyse est sans doute une expérience qui consiste à construire une fiction. Mais en même temps, ou ensuite, c’est aussi une expérience qui consiste à défaire cette fiction. […] La fiction y est plutôt mise à l’épreuve de son impuissance à résoudre l’opacité du réel. »J.-A. Miller, « La passe du parlêtre » La Cause freudienne, 74, p. 123.
« Ce qui est réel dans le symptôme, c’est ce qui sert à la jouissance. Que ça parle, que ce soit un message, que ça se déchiffre, ce n’est pas du même niveau que ce à quoi ça sert. Et bien, je dis que c’est ce tourment, situé à cet endroit-là, qui définit aujourd’hui ce que c’est qu’être lacanien. » J.-A.,Miller , »L’orientation lacanienne. Le Partenaire-Symptôme », leçon du 26 novembre 1997, inédit.
Retrouvez l’ensemble des réponses à l’enquête sur le site de l’ACF-VLB, à l’adresse http://www.associationcausefreudienne-vlb.com/category/conferences-angers/