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Les éveils du printemps, de Philippe Lacadée

Par Élise Clément
15 décembre 2019
Les éveils du printemps, de Philippe Lacadée
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Série avec variations écrites

C’est une série vidéo à rebondissements, telle la saison adolescente[1]. Trempée dans l’ère du temps, elle a des allures de tutoriel vidéo. Ces mille et un clic de la demande de l’Autre via la Toile dont les adolescents, à les écouter, raffolent – la vie mode d’emploi made in XXIe siècle. Autant de clics pour savoir comment faire avec soi et l’autre – s’y recherchent des conseils les plus variés : beauté, rencontres amoureuses, sexualité, lire un livre sans le lire, etc. La face immergée d’un questionnement plus intime qui émerge aux prises avec l’indicible d’un « qui suis-je ? » et d’un corps aux éprouvés inédits, vertiges y compris.

Si la série se regarde – il y a surtout ici à écouter – ce temps un n’est qu’un prélude au temps deux, celui qui par la lettre va nourrir les inconnus en soi et devant soi.

Au son, la voix du psychanalyste Philippe Lacadée qui sillonne avec allant et constance les territoires adolescents depuis longtemps.

Deux lignes de force s’y dessinent : d’un côté, l’adolescence qui se dit, se donne à lire dans la poésie et la littérature ; de l’autre, l’éclairage psychanalytique des mécanismes de la pulsion, de l’insulte et du court-circuit de la chaîne articulée, par le passage à l’acte.

Temps vulnérable où les pulsions sont sur le devant de la scène, ces « souffrances modernes » [2] rimbaldiennes ne manquent pas d’inquiéter, quelque fois aussi de désemparer l’entourage et l’institution scolaire.

Les six haltes proposées s’ouvrent sur l’urgence d’un lieu et d’une formule à trouver encore avec Rimbaud, « formidable fenêtre logique sur l’adolescence », vagabondant avec sa boussole du refus de tout ce qui vient de l’Autre, après avoir quitté l’école à quatorze ans. Puis s’y déploie « la sensualité mélancolique » de l’adolescent » avec, entre autres, Zweig, Bob et « ses » trois sœurs dans le Conte crépusculaire. Nos désarrois aussi, mais ici, ceux de l’élève Törless de Musil en miroir possible des nôtres. Son premier roman d’apprentissage du début du siècle dernier, qui n’hésitait ni à évoquer la première rencontre sexuelle avec une prostituée, ni l’homosexualité. L’émergence d’une singularité complexe qui fera le choix de la vie de l’esprit, quittant l’académie militaire en cette fin de monarchie austro-hongroise, roman devenu, en outre, un classique en langue allemande des œuvres au programme du lycée. Ce n’est pas sans compter la violence et l’insulte ici dévoilées dont les mécanismes sont limpides, si souvent pointées comme les nouveaux maux de l’école d’aujourd’hui.

L’insulte qui devient le commencement de la poésie comme Lacan nous le montre !

Enfin, n’oublions pas la grande halte de la vie, l’amoureuse, ici sous les auspices de la première rencontre avec Balzac et Frédéric…

Zweig encore, mais avec un autre écrivain autrichien, pas tout fait de la même époque, témoignent dans leurs œuvres des effets de l’adolescence et l’école.  Zweig, cet européen de cœur et d’esprit, qui s’exile face au crépuscule d’une Europe assiégée par le nazisme, convulsée par la Première, puis la Seconde guerre mondiale, chantre aussi des tableaux de femmes passionnées qu’il façonne, célèbre l’échappée par la vie de café à proportion de la fréquentation de l’école et de son autorité.

Pas celle des flippers, plutôt le portable aujourd’hui, ni du blablabla sans fin, non celle « du fanatisme littéraire » où s’y rencontrait la fine fleur littéraire de l’époque. Né dans les marécages du nazisme, Thomas Bernhard, écorché vif, qui sa vie durant a éructé contre tous les semblants, haïssant toutes formes d’establishment, semblant être resté dans son pays comme pour mieux tenir en joue ses habitants coupables de l’Anschluss par son verbe. Il quitte le lycée au moment de tripler sa seconde pour rentrer en apprentissage avec « le sentiment d’avoir échappé à l’une des plus grandes absurdités humaines : le lycée »[3]. Défendu de toujours par un grand-père écrivain qui loue la curiosité comme vertu première de l’éducation, Bernhard aura su faire héritage de cette voix de l’aïeul, jusqu’à l’écriture comme mode de vie.

Les versions écrivaines de l’école s’écrivent souvent sur les genoux sous le pupitre, entre les équations et dans les marges des cahiers…

Série à écouter pour mieux lire, tel semble être son pari dont le sel tient à l’art de rendre vivants les mots pour inviter à trouver les siens, non sans la littérature.

Et s’adresser à une oreille analytique, serait un possible temps trois, temps x ?

Encore une autre aventure possible non sans eux…

[1] Le printemps et ses éveils, Youtube, une série proposée par Philippe Lacadée, librairie Mollat. https://www.youtube.com/playlist?list=PLYKK1g9IWBSDKESkfCKUKjnNpQ7MTVJ5W

[2] Rimbaud, cité par la voix de Philippe Lacadée.

[3] Bernhard T., « La cave », Récits 1971-1982, Paris, Quarto Gallimard, 2007, p. 130.

Numéro : L’Hebdo-Blog 188
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