Le harcèlement scolaire n’est pas un concept psychanalytique, mais une nomination nouvelle de la violence et de l’agressivité, voire de la haine qui teintent le lien social des jeunes et des enfants. Nous connaissions le harcèlement sexuel, le harcèlement moral ou encore le cyberharcèlement depuis l’utilisation répandue des téléphones portables, d’Internet et des réseaux sociaux. Le harcèlement scolaire, qui existe probablement depuis l’avènement de l’école sous la forme de ces humiliations appelées autrefois bizutage, brimade, moquerie, persécution etc., est prégnant sur la scène médiatique. L’émergence de ce signifiant a créé de nouveaux pôles identificatoires (harceleur/harcelé, victime/bourreau etc.) et avec eux des nouvelles politiques sociales et judiciaires pour y faire face. En France, sa prise en considération récente a donné lieu à des plans d’action gouvernementale visant sa prévention et son abord dans le cadre scolaire. La loi française en précise la définition comme « le fait pour un élève ou un groupe d’élèves de faire subir de manière répétée à un camarade des propos ou des comportements agressifs ». Le harcèlement scolaire fait désormais partie des actes de délinquance susceptibles de conduire à un traitement judiciaire, comme pour les autres formes de harcèlement.
L’agressivité qui s’exprime sur le versant de la rivalité, de l’envie et de la jalousie, est depuis toujours fréquente au sein des groupes d’enfants et de collégiens. Nous savons depuis Freud et avec Lacan que la relation au semblable est ambivalente, instable, agressive : son déploiement sur l’axe imaginaire, à l’occasion du face à face insoutenable, peut aboutir au radical « c’est lui ou c’est moi ». Il va de soi qu’actuellement la civilisation peine à limiter l’agressivité intrinsèque au sujet parlant. L’actualité nous révèle chaque jour que le terreau de l’agressivité commune se révèle propice à l’émergence de la haine comme modalité d’expression du harcèlement. La haine s’adresse à l’être du sujet jusqu’à vouloir son anéantissement, son abaissement, sa destruction, sa mort. Comment comprendre et agir contre la violence à l’école ? Si le harcèlement est un mot qui recouvre beaucoup de situations différentes, son processus pulsionnel et ses conséquences psychiques désastreuses retiennent toute l’attention des psychanalystes. Nous vous proposons dans ce numéro quelques pistes de réflexion pour penser ce phénomène bien complexe.
Cécile Favreau de Rivals