Ce qui se dit et s’entend au CPCT

Les lieux d’écoute et de parole ayant recours à l’intelligence artificielle via des agents conversationnels se multiplient avec l’objectif de viser un bien-être ou de prévenir des conduites à risques chez les jeunes et les adultes. L’inclusion des modèles de langage dans ces agents homme-machine permettrait de « générer des dialogues naturels et simuler des échanges empathiques et pertinents, ouvrant ainsi la voie à une offre autonome diagnostique et thérapeutique à grande échelle, en particulier pour les personnes isolées¹ », dans la perspective que l’IA pourrait pallier le manque de psychiatres.

Alors quel est l’avenir des CPCT au milieu de ces agents conversationnels qui prônent une réponse pour tous ? Les consultants orientés par la psychanalyse privilégient une pratique d’un « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend.² » Les praticiens du CPCT ne s’orientent pas par le sens de ce qui est dit, mais prêtent plutôt attention au signifiant comme il est énoncé.

Au CPCT, dès la prise de rendez-vous la possibilité d’ouverture est visée, à rebours de la logique des plateformes numériques, où un simple clic suffit pour prendre rendez-vous, et où quelque chose de la parole se trouve ainsi soustrait. Le clic fait appel à un service de consommation où la parole est déniée d’emblée avec une impossibilité d’émergence du sujet. Prendre rendez-vous au CPCT, c’est l’assurance d’un premier accusé de réception de sa parole !

Une invitation à venir dire sa souffrance, sa difficulté ou bien encore ce qui ne va pas se distingue d’une offre de parole et d’un lieu d’écoute orientés par la compréhension et l’empathie. Un patient reçu au CPCT en témoigne : « Les séances au CPCT me permettent de mettre des choses à distance, de réaliser que ce n’est pas si grave. »  Être entendu sans être dans la compassion et l’empathie.

Qu’entend le consultant au CPCT ? La différence entre écouter et entendre autre chose derrière ce qui est dit peut porter à une interprétation, donner une indication sur la position du sujet, voire produire parfois un acte. Le sujet accueilli au CPCT est celui qui a un inconscient supposé, celui qui fait les choses sans trop savoir pourquoi en disant parfois « c’est plus fort que moi ». Il s’agit d’entendre ce qui fait la singularité du sujet, afin que chacun puisse saisir son mode d’être au monde et sa manière d’y répondre, d’y faire face. C’est une clinique orientée vers le réel et qui donne une valeur à chaque style de vie avec son rapport à l’autre.

Dans le traitement de courte durée proposé au CPCT, des personnes viennent souvent témoigner de leur position subjective, de l’injustice vécue qui légitime, selon elles, un droit à la jouissance ; pour d’autres, la formulation d’un symptôme devient parfois possible : un savoir y faire avec ce qui, pour chacun, ne va pas.

Contrairement au pousse à aller parler à un psy, le CPCT ne sacralise pas la parole. Parler ne fait pas toujours du bien ; c’est pourquoi le traitement par la parole est parfois orienté sur les petites choses du quotidien, plutôt que sur l’expression des traumatismes. Il n’est pas question d’un tout dire. Parions sur l’avenir du CPCT comme lieu d’adresse d’une parole singulière et de réponses au un par un.

Margaux Mathieu