Édito

Musique et psychanalyse ? Quel couple !

« “Tiens, on va jouer free” dit Macero. “Free ? rétorque Monk aussi sérieux qu’un trappiste, tu veux dire dixieland ?”

– “Non : free” : Macero indique ce qu’il entend par là, il plaque des accords ni faits ni à faire. Il fait n’importe quoi. Or, les accords de Monk sont l’envers de cette pitrerie d’ingénieur : irrégulièrement enfoncés selon la carcasse de Monk, organiquement liés à la pression, aux tendons, à la longueur des doigts au micron près, aux leviers des bras, ils mettent en jeu des muscles microscopiques que les pianistes ne sollicitent jamais. »[1]

Si l’association dite libre assigne l’analysant à toucher à des rets de jouissance de lui-même ignorés, quelle est la liberté du musicien lorsqu’il joue de son symptôme ?

Et pourquoi ce vœu d’un dossier « Musique et psychanalyse » s’est-il fait si pressant pour beaucoup d’entre nous à L’Hebdo-Blog, depuis un moment ? Pourquoi nous sommes-nous réjouis de cette question de Jacques-Alain Miller dans sa conférence de présentation du thème du Xe Congrès de l’AMP : « On peut se demander si la musique, la peinture, les beaux-arts ont eu leur Joyce. Peut-être que ce qui correspond à Joyce dans le registre de la musique, c'est la composition atonale, inaugurée par Schoenberg, dont nous avons entendu parler peu avant »[2] ?

Il semblerait que ni Freud ni Lacan ne se soient arrêtés sur ce terrain, et que le duo, ou le binaire – c’est selon – musique et psychanalyse s’en ressente, embarrassant, dissonant à nos oreilles. Sommes-nous prisonniers de ce savoir : Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien.[3]

Rappelons, comme l’indiquait Armelle Gaydon dans Lacan Quotidien n° 223, combien le travail de Valentine Dechambre, interlocutrice de Gérard Seyeux ici pour L’Hebdo-Blog, pouvait engager un véritable chantier de travail sur ce thème à partir d’un abord lacanien. C’est sous sa direction que fut réalisé l’ouvrage de Pascal Dusapin Flux, trace, temps inconscient – Entretiens sur la musique et la psychanalyse. Plusieurs collègues de l’ECF répondirent présents à cette recherche : François Ansermet, Jacqueline Dhéret, Nathalie Georges-Lambrichs, Myriam Mitelman, Paulo Siqueira.

Suspense…

P. Dusapin serait-il Le Joyce de la musique, comme put le dire V. Dechambre à A. Gaydon il y a juste un an, le 18 juin… 2014 dans ce Lacan Quotidien ?

Minute papillon !

La musique touche à la jouissance, à ce qui brûle les ailes aussi, et ne sert à rien[4]. Comment, cependant, vivre sans ce havre, cet îlot inouï, cette joie mais aussi ce souci, cette douleur lorsque l’on s’essaie à jouer et la faire vibrer soi-même, sans tenter d’en dire quelque chose ? Craignons-nous de perdre ce ravissement, comme si ces bouleversements devaient rester tus, interdits à qui parle comme tel ? Si nous nous essayons à mordre par nos mots sur cette jouissance éprouvée silencieusement, c’est que nous nous inscrivons sur les sentiers de Théophraste, cité par Pascal Quignard : « Il disait que la vue, le toucher, l’odorat et le goût font éprouver à l’âme des troubles moins violents que ceux que lui causent, au travers des oreilles, les “tonnerres et les gémissements”. »[5]

Nous tenterons de désépaissir un mystère, d’effleurer les racines d’un événement de corps. La musique est-elle sans aucune signification car ouverte à toutes, puisque ces significations, imaginaires « ne peuvent pas dire sa jouissance réelle »[6], comme le proposait Gérard Pape auteur du numéro prochain de notre dossier ? Irons-nous jusqu’à dire que la musique, à l’inverse de l’interprétation analytique, est, dans l’inconscient « ouverte à tous les sens »[7] ? Défrichons encore : la musique tonale signe-t-elle systématiquement la recherche de l’accord, du son juste, du rapport sexuel qu’il n’y a pas ? N’est-elle que tentative de masquer le réel, la musique atonale indiquant alors un consentement à l’opaque du symptôme ou un savoir-faire avec celui-ci ? Comment la cure psychanalytique influence-t-elle le mode de jouir de la musique ?

Un conseil cher lecteur : branche le son !

Ce dossier est sonore.

Chut :

Medeamaterial de Pascal Dusapin – Choregraphie de Sasha Waltz [embed]https://youtu.be/cReAXjd-JB0[/embed] https://www.youtube.com/watch?v=cReAXjd-JB0   Passion de Pascal Dusapin – Choregraphie de Sasha Waltz [embed]https://youtu.be/gMDmhG3lEG4[/embed] https://www.youtube.com/watch?v=gMDmhG3lEG4 [1] Marmande F. « Thelonious Monk, la musique des sphères », in Élucidation, Vies épinglées, dir. J.-A. Miller, Paris, Verdier, n° 10, printemps 2004, p. 90-91. [2] Miller J.-A, « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, n° 88, 3e trimestre 2014, p. 111. [3] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 95. [4] Ibid., p. 10. [5] Quignard P., La haine de la musique, Paris, Gallimard, Folio, novembre 2000, p. 26. [6] Pape G., L’Envers de Paris – Horizon, n° 59, Paris, septembre 2014, p. 131. [7] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 227.

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Éditorial

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Chère Madame, je suis abonnée à l’Hebdo-Blog, j’étais abonnée à La Lettre mensuelle depuis des années, mais je n’arrive pas à me connecter… Pourrais-je avoir un code d’identifiant plus simple ?

Certes !

Si Je ne saisis pas votre demande, veuillez appuyer sur la touche B, ne fut jamais notre réponse, il nous est arrivé de sombrer dans cette interrogation : comment l’Hebdo-Blog pourrait-il être lu plus aisément, sans que grise mine n’apparaisse chez les collègues rétifs à ces manipulations fastidieuses ? Comment permettre que le génie sorte par éclipses de sa bouteille, que ça se dise et mi-dise, au-delà de notre communauté d’abonnés ? Comment ne pas donner du grain à moudre aux Devos, Bedos et Pierre Dac évoqués par Jacques-Alain Miller dans la notice de Mon enseignement : « On en sait un bout, mais là-dessus, motus, ça se règle entre nous. » ?[1]

Et oui ! Comme vous venez de le lire par le biais d’ECF-Messager, à partir de ce numéro et chaque semaine donc, certains textes choisis par la rédaction seront à la disposition de tous et pourront être lus dans leur intégralité. Un nouveau pas se franchit aujourd’hui.

Si La Lettre mensuelle s’était transformée en Hebdo-Blog en 2014, c’était pour savoir répondre aux appels des palpitations de l’École, des ACF et des CPCT. Au cours de l’année 2015, de nombreux événements importants se profilent : juste après le Congrès de la NLS, c’est la Journée Uforca, le Congrès Pipol, les Journées de l’ECF enfin… et en avril 2016, Rio, le Congrès de l’AMP. Comment accompagner ces grands temps, solliciter et diffuser témoignages, reportages sur le vif en restant dans l’entre soi, sans briser les frontières, sans permettre que nos Dossiers, par exemple, circulent pour un plus grand nombre et Outre-Mer ? Grâce à cette ouverture, vous aurez bientôt accès en un seul clic à un entretien avec le comité de pilotage des J. 45. Twitter et Facebook, ainsi prendront le relais.

Extension/intension.

Nous aurons à mettre en tension la nécessité d’extension de la psychanalyse avec l’intension, la passe, les témoignages cliniques. Les textes qui en sont issus resteront « verouillés » et réservés aux abonnés.

Si la nécessité de prudence concernant la diffusion des cas issus de nos cliniques est donc toujours bien de mise, il semblerait cependant aujourd’hui que ce souci freine la transmission des textes. Insistons donc : l’Hebdo-Blog est la revue de l’ECF, de l’ACF et des CPCT. L’HB tient à pouvoir témoigner de la spécificité de l’orientation lacanienne par la transmission de cas, et à donner une place à cette pratique inédite issue de la création des CPCT et le format de l’Hebdo-Blog n’empêche en rien l’envoi de textes riches, enseignants, percutants.

Jacques Lacan, à Rome, le 29 octobre 1974, ne nous engageait-il pas, afin que nos écrits soient lisibles et circulent amplement, à serrer, à faire « des choses un peu serrées, serrées autour d’un point tout à fait précis qui est ce que j’appelle le symptôme à savoir ce qui ne va pas » ? [2]

[1] Lacan J., Notice, de J.-A Miller, Mon enseignement, Seuil, p.7. [2] Lacan J., Le triomphe de la religion, Seuil, p. 87.

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Éditorial

V’la l’bon vent, V’la l’joli vent, V’la l’bon vent, ma mie m’appelle, V’la l’bon vent, V’la l’joli vent, V’la l’bon vent, ma mie m’attend… ?

N’ayez crainte. Si ce bon vent des Journées de l’École de la Cause freudienne forcit déjà, il ne vous soufflera sûrement pas à l'oreille « l’adéquation libidinale » ou « l’avènement idyllique de la relation génitale »[1], mais se consacrera à l’immense question de ce qui fait couple, en notre « humaine condition », comme vous avez pu le lire le 28 avril dans l’argument des Journées rédigé par Christiane Alberti, directrice des Journées.

Mai 2015. Bientôt, quelques lectures inédites, ouvrages réexaminés à l’aune de ce thème seront au rendez-vous. L’Hebdo-Blog vous entraînera lui aussi dès le 11 mai dans les flots de ces Journées, avec un très beau texte qui mettra pour vous en lumière le couple extraordinaire que Marceline formait avec Joris… Mais... chut, encore !

Mars 2010. Il y a cinq ans et deux mois, dans son éditorial, de la Lettre mensuelle, « Les nouveaux horizons de la Lettre mensuelle : la Revue des Acf », Jean-Daniel Matet, alors président de l’ECF, avançait que la Lettre mensuelle pourrait devenir un jour un blog, en en précisant la mission : « Elle fera circuler l'actualité des élucubrations entre les régions, entre ceux qui se reconnaissent dans l'École de Lacan. »

En septembre 2014, Patricia Bosquin- Caroz, Présidente de l'ECF, et le directoire, ont rendu possible le passage : là où c’était la LM est bien advenu l’Hebdo-Blog. 

Et nous faisons nôtre ce vœu car nous sommes curieux des inventions, des innovations produites par les ACF. Une fois encore, nous vous appelons à témoigner, à partager vos surprises en nous envoyant vos textes. Nous accompagnerons aussi au plus près les événements qui s'annoncent dans notre Champ : les Journées de l’ECF en premier lieu, mais encore le Congrès de la NLS, la Journée UFORCA, PIPOL, et le Congrès de l’AMP.

Est-ce parce que de nombreux discours aujourd’hui ne mordent pas sur le réel que l'action lacanienne, Petit Poucet, armée de Lacan Quotidien, s’engage à semer les traces de sa doctrine sur tous les fronts ? Il semblerait que l’orientation lacanienne doive renseigner elle-même des cases ! Celles du malaise dans la civilisation. Nous avons à répondre à l'appel. Oui, il y a bien des abonnés au numéro que vous avez demandé et la psychanalyse, si elle veut survivre, saura infiltrer et instruire nombre dossiers. C’est elle qui est en place d'élucider le mal dit, le mal nommé, l'obscur.

[1] Lacan J., Le triomphe de la religion précédé de Discours aux catholiques, Paris, Seuil, 2005, p. 57-58.

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Éditorial

Voici chers lecteurs, un Hebdo-Blog consistant, en cet anniversaire de la naissance de Jacques Lacan le 13 avril 1901 !

D’abord deux dossiers, pour vous, s’entrecroisent et se nouent :

Rio de Janeiro, le Xe congrès de l’AMP et le Dossier l’Escabeau nous retiendront encore pour quelque temps : Marie-Hélène Blancard distingue dans le trajet d’un sujet en analyse deux modalités d’écriture : l’écriture escabeau, et l’écriture procédant de la cure.

De l’être à l’ex-sistence donc, et de Rio à Bruxelles, via … Paris ! Car de nouveau, l’action lacanienne de l’École de la Cause freudienne vrombit et accélère : vous connaissez déjà la magnifique affiche des Journées 45 de Philippe Metz. Et Bruxelles, PIPOL 7, approchent résolument. Ouvrons donc sans plus tarder  un nouveau dossier, PIPOL avec Vanessa Sudreau. Éric Zuliani lui emboîte le pas pour nous inviter à réfléchir sur « l'innocence », en se référant à Freud, J.-A. Miller et Lacan.

Et n’oubliez pas de vous attarder un moment sur l’entretien réalisé par l’HB avec Franck Rollier sur le colloque du CPCT d’Antibes du 18 avril 2015 : « Ados branchés, débranchés. Tous addicts ? » F. Rollier explicite pour l’HB le choix du thème de ce colloque qui, à sa façon, nous prend la main vers la Journée de l’Institut de l’Enfant… du printemps 2017, consacrée à l’adolescent !

Pierre Strelisky, lui, nous offre sa lecture du documentaire de Gérard Miller, Gérard Depardieu, l'homme dont le père ne parlait pas, dans laquelle il souligne la familiarité de l'acteur avec sa lalangue et son immense présence de corps parlant.

L'Envers de Paris, par la plume de son directeur, Philippe Benichou, nous convie aussi, mais au théâtre, le 18 avril, pour une pièce d'Ernst Toller, Hinkemann, mise en scène par Christine Letailleur. Et avec Romain-Pierre Renou, l’HB vous apporte un aperçu éclairé de la conversation qui s’est tenue lors de la dernière Soirée de la Bibliothèque autour de l’ouvrage collectif La psychanalyse à l’épreuve de la guerre établi sous la direction de Marie-Hélène Brousse.

Riches lectures pour deux semaines, chers abonnés : notez que l’Hebdo-Blog ne paraîtra pas le 20 avril mais vous ouvrira à nouveau ses fenêtres le 27.

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Éditorial

« Tout de même, on peut se demander si l’idéal d’une fin de cure psychanalytique, c’est qu’un monsieur gagne un peu plus d’argent qu’avant, et que, dans l’ordre de sa vie sexuelle, il s’adjoigne à l’aide modérée qu’il demande à sa compagne conjugale celle de sa secrétaire. C’est en général ce qui est considéré comme une très bonne issue quand un type avait un peu jusque-là des embêtements sur ce sujet, soit que ce fût simplement une vie d’enfer, ou bien qu’il ait pâti de quelques-unes de ces petites inhibitions qui peuvent vous arriver à divers niveaux, bureau, travail, et même au lit, pourquoi pas ? »[1]

Je sais bien mais quand même ! Pourquoi s’attarder ainsi sur la clinique de la pornographie au XXIe siècle dans l’Hebdo-Blog ?

Éclairons ici ce choix : nous avons pris cette option tout d’abord parce que Jacques-Alain Miller a ouvert sa présentation du thème du prochain Congrès de l’AMP avec sa conférence « L'inconscient et le corps parlant » sur ce thème, mais aussi parce que la sexualité, pour nous, n’est pas « une activité de surplus »[2]. Une analyse lacanienne ne consiste pas à calmer l’agitation de « la fesse »[3], pour obtenir un « moi […] fort et tranquille »[4] indemne de tout soupçon. Un exemple ? L’affaire DSK et la passion d’en savoir toujours un peu plus sur l’actuel proxénétisme aggravé des hommes d’État nous contraignent sans cesse à revisiter un lieu obscur, point de désunion de la parole et du corps et, peut-être, de silence aussi, car parfois s’y évanouit la parole. Voilà pourquoi l’HB s’est avancé sur ces terrains ardents. Rendez-vous bientôt sur une autre route, escarpée, qui nous mène encore à Rio de Janeiro, une route dont les voies sont magistralement défrichées, vous le savez, par Éric Laurent. Nous consacrerons notre prochain dossier au concept d’escabeau, catégorie de l'époque du parlêtre, et de la notion de sinthome, dont J.-A. Miller souligne l'importance dans la conférence évoquée.

[1] Lacan J., Mon enseignement, Paris, Seuil, 2005, p. 30-31. [2] Ibid., p. 31. [3] Ibid. [4] Ibid.

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Éditorial

« J'appelle symptôme tout ce qui vient du réel. Et le réel, tout ce qui ne va pas, qui ne fonctionne pas, qui s'oppose à la vie de l'homme et à l'affrontement de sa personnalité. Le réel revient toujours à la même place. Vous le retrouverez toujours là, avec les mêmes semblants. Les scientifiques ont beau dire que rien n'est impossible dans le réel. » (Jacques Lacan, Entretien accordé au magazine Panorama en 1974).

À la minute où nous bouclons ce 20e numéro de l’Hebdo-Blog, un frein, un suspens. Après une attaque terroriste mortelle au centre culturel de Copenhague, le samedi 14 février, Seize coptes assassinés en Égypte. Et plusieurs centaines de sépultures juives profanées, en Alsace, hier.

Nous aussi, orientés de Lacan, reviendrons comme le réel toujours à la même place. Référons-nous encore à l’expérience qui nous tient, l’expérience de la psychanalyse. Scilicet.

Tu peux savoir, lecteur, et lire les derniers Lacan Quotidien, plusieurs textes de Jacques-Alain Miller, rompus à analyser cette actualité, et celui d’Éric Laurent: http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2014/01/LQ-371.pdf.

Et d’autres encore.

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Compte-rendu de Question d’École

« Problèmes cruciaux du contrôle et de la passe »

Samedi 24 janvier 2015 – Maison de la Mutualité

Cette journée a été organisée par le directoire de l’École qui en a choisi le thème et a proposé aux deux organes garants de la formation des analystes de le décliner. La Commission de la passe s’est intéressée à la façon dont les décisions sont prises par le jury qui nomme les AE ; la Commission de la garantie s’est ensuite intéressée à l’expérience du contrôle dans la pratique analytique, condition essentielle à la reconnaissance des Analystes membres de l’École, les AME.

La présidente de l’École, Patricia Bosquin-Caroz, a d’emblée rappelé que le contrôle et la passe ne sont pourtant pas obligatoires mais avant tout affaire de goût et de désir. Nous héritons de la dérégulation voulue par Lacan par rapport aux standards ipéistes. C’est dire qu’aucun standard, protocole ou immixtion des pouvoirs publics ne sont ici de mise : « un air de liberté souffle à l’École de la Cause freudienne », a-t-elle indiqué. Pour demeurer à la hauteur du devoir qui incombe à la psychanalyse en ce monde, les psychanalystes doivent rester sur la brèche en entretenant un rapport vivant à l’expérience ainsi qu’au sujet supposé savoir, loin de l’infatuation et du repli sur soi. En ce sens, la pratique du contrôle intéresse au plus haut point une école de psychanalyse car elle permet à l’analyste de rester en position analysante de sa pratique et de toujours forcer « son je n’en veux rien savoir ».

Cette journée a permis de parler des problèmes cruciaux du contrôle et de la passe en les proposant amplement au débat.

La boussole du passeur est son désir de faire émerger un savoir nouveau quant à l’issue d’une analyse et au devenir analyste. Lorsqu’une nomination d’AE est produite, ce qui emporte la décision de nommer ne se joue pas simplement au niveau des énoncés, mais se situe davantage au niveau d’une énonciation du passant, parvenue à la Commission par le biais du passeur. Celui-ci doit avoir réduit pour son propre compte, dans son analyse, sa captation par le sens joui afin qu’une inscription devienne possible pour un autre. En outre, si le passeur est attentif à ce qui se transmet d’un mode de jouir d’un corps, ce n’est pas affaire d’affects ou d’émotions non analysés. La condition pour être passeur répond à un moment logique de son analyse qui lui permet d’entendre le vivant en étant nettoyé de sa propre jouissance. Le passeur n’est pas un messager conscient et maître de ce qu’il transmet : il est lui-même le message.

La décision de nommer peut s’effectuer de manière fulgurante en emportant l’adhésion immédiate de l’ensemble des membres de la Commission de la passe. Parfois, une discussion s’impose. La commission s’est montrée sensible à certaines analyses qui se sont déroulées hors des sentiers battus. La nouveauté n’était pas pour autant contradictoire avec la construction logique. Les signifiants ont pu cerner l’inédit, entre l’articulé et l’inarticulable. Le pousse à nommer est aussi relatif à ce qui s’énonce du sinthome et qui n’est pas équivalent au fait de le nommer. En effet, il ne suffit pas qu’un passant dise « ceci est mon sinthome » pour qu’il soit nommé. Encore faut-il que cette production du sinthome soit enracinée dans un réel qui ait été aperçu dans l’analyse. Un reste de jouissance insu, un rêve de fin non analysé, sont des obstacles à la nomination. Le sinthome n’est ni un savoir, ni un effet de sens, c’est un mode de jouir qui n’est pas toujours repérable dans sa valeur de réel. La commission est attentive au détachement qui témoigne d’un savoir-y-faire avec le sinthome.

La certitude du candidat a été interrogée au travers des exposés de deux AE en exercice. Pour l’une d’elle, l’analyse a été la chambre d’enregistrement d’une incertitude portant sur le désir. La précipitation de la fin de l’analyse a surgi dans la surprise du signifiant nouveau « pas achevé » et de son équivoque. Pour autant, il a fallu qu’un « c’est ça » soit décrété par le sujet ayant atteint ce qui n’est pas négativable de la jouissance. La décision a consisté à terminer l’analyse en saisissant que le pas achevé correspondait au franchissement d’un seuil et qu’il était l’incurable. Pour une autre de nos AE, la seule certitude était celle d’avoir été analysante. L’analyse a permis d’isoler un « se casser la tête pour être une femme ». La certitude reste disponible non pas comme quelque chose de solide : c’est une certitude instable, une certitude gazeuse. Le corrélat de la certitude apparaît alors comme une nouvelle satisfaction ressentie à la fin de l’analyse, qui signe le dépassement du fictionnel. Il s’agit d’une joie relative à l’ex-sistence, au-delà de la fiction de l’être et du non-être. Le sinthome ne relève pas d’un « je suis » qui pourrait s’énoncer.

La Commission de la garantie a mis l’accent sur les différentes temporalités du contrôle. Le choix du contrôle chez l’analyste qui n’est plus en analyse se présente comme une réponse à la pratique contemporaine de la psychanalyse. Il s’agit de se tenir à la hauteur du réel en jeu. Par ailleurs, le contrôle est un mode spécifique de la parole qui n’est pas l’association libre de la parole analysante. La parole en contrôle vise le bien dire du cas, ce n’est pas une cure déguisée. On fait appel à un psychanalyste qu’on suppose plus expérimenté, ce qui implique une dimension de recherche en psychanalyse, soit d’élaboration de ce qui est nouveau dans la pratique psychanalytique d’aujourd’hui.

Le contrôle est une expérience, il peut durer dans le temps ; il accompagne parfois longtemps la pratique de l’analyste, dans l’après-coup de son analyse. Lorsque celui-ci est encore en analyse, le contrôle permet un allègement par rapport à ce qui encombre et qui empêche l’acte. Il peut en effet arriver que l’analyste soit ému, parfois à son insu. Le tsunami du contrôle dérange la défense, il désinhibe en inscrivant le désir de l’analyste à l’horizon logique de la pratique analytique. Cela suppose d’accepter un savoir inédit, au point où le sujet est toujours exilé de la langue. Y consentir demande du temps.

La pratique du contrôle implique un arrachement par rapport au sens. L’activisme peut inciter l’analyste à trop parler à son analysant pour parer à l’angoisse que la parole analysante suscite. Il convient de se distancier du trop de sens en rendant rare la parole afin que celle-ci ait du poids. L’opposition entre le faire surmoïque, qui relève de la pulsion, et le non-agir de l’acte analytique est l'un des enjeux du contrôle.

Enfin, les cas où l’analyste est surpris par l’embarras, par l’inquiétude ou l’affect en parlant d’un analysant en contrôle incite à considérer ce dernier du point de vue du corps parlant affecté par lalangue. Le contrôle suscite un nettoyage de la jouissance permettant à l’analyste-sinthome de se tenir à la place du Un qui se réitère, afin de laisser être son patient dans ce qu’il a de plus singulier.

Riche d’enseignement, Question d’École a ouvert l’année 2015 sous le signe du sérieux de notre orientation conjugué à la liberté de parole.

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Éditorial

C’est au plus vite, dans l’Hebdo-Blog de lundi prochain, qu’en direct du Conseil, nous vous transmettrons un retour de Question d’École, l’événement de cette rentrée 2015 du samedi 24 janvier. Cette Journée, consacrée aux « Problèmes cruciaux du contrôle et de la passe », fut passionnante, source de travaux et de débats vifs et nouveaux.

Nous attirons encore votre attention sur la table ronde qui s’est tenue le lendemain matin à Paris, dans le cadre des Séminaires de La Règle du Jeu. Elle réunissait Nathalie Jaudel, Éric Laurent, René Major et Catherine Millot autour du thème : FREUD, LACAN : comment écrire leurs biographies. (site de La Règle du jeu, dès mardi ou mercredi : http://laregledujeu.org)

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Éditorial

Rappelons que L’Hebdo-Blog, lieu d'adresse pour les travaux qui se déroulent dans l'École, les ACF et les CPCT, a besoin de vos plumes et claviers pour pouvoir s’adapter à la rapidité du rythme de l’action lacanienne, qui trouve son relais dans les régions. La rubrique ACF, plus particulièrement, est destinée à se faire caisse de résonnance des activités qui ont lieu dans les différentes villes des ACF de France et de Belgique. Les ACF sont très vivantes, diverses, s’inscrivent chacune de façon particulière et dans les réseaux de leur région et dans l’action lacanienne menée par le Directoire. Si La Lettre mensuelle s’est transformée en Hebdo-Blog, c’est bien pour savoir se tenir à l’heure des palpitations de l’École, des ACF et des CPCT.

Au cours de l’année 2015, de nombreux événements importants vont avoir lieu : déjà Question d’École, dont nous témoignerons au plus vite, la Journée de l’Institut de l’Enfant, la Journée Uforca, le Congrès de la NLS, le Congrès Pipol… Que de vie ! N’hésitez pas à participer à ces grands temps de notre École et envoyez-nous vos textes, reportages sur le vif, témoignages, lectures ! L’HB doit devenir la chambre d’échos des travaux, soirées d’étude, conférences, qui se tiennent dans les ACF et les CPCT, telle est sa cause, sa visée, sa mission.

Pourquoi ces grandiloquents impératifs ?

Il nous est apparu dernièrement ceci : la nécessité de prudence accrue concernant la diffusion des cas issus de nos cliniques freine la transmission des textes. Insistons : L’Hebdo-Blog serait heureux de pouvoir témoigner de la spécificité de l’orientation lacanienne, y compris par la transmission de cas, et de donner une place à cette pratique inédite issue de la création des CPCT.

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Éditorial

Écrivez ce que vous désirez écrire, c’est tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera pendant des siècles ou pendant des jours. Mais sacrifier un cheveu de la tête de votre vision, une nuance de sa couleur, par déférence envers quelque maître d’école tenant une coupe d’argent à la main ou envers quelque professeur armé d’un mètre, c’est commettre la plus abjecte des trahisons. 

(Virginia Woolf, Une chambre à soi, Denoël 1992, p. 159).

L’Hebdo-Blog de l’ECF, de l’ACF et des CPCT tient à témoigner de sa tristesse et de sa colère devant l’ignominie qui s’est déroulée le 7 janvier envers  la rédaction de Charlie-Hebdo et qui s’est poursuivie les deux jours qui ont suivi.

Nous n’oublierons jamais que la liberté de parole et le mot d’esprit sont au cœur même de la psychanalyse.

Oui, il y a Charlie. Et il y a eu aussi Montrouge, Vincennes, le drame à l’Hyper Cacher.

Nous nous associons avec les  Conseils de l’ECF, de l'AMP, et de la NLS, dans ce drame.

À lire dans Le Point, paru le samedi 10 janvier, « Le retour du blasphème », de Jacques-Alain Miller, ainsi que l’ensemble du numéro.

À (re)lire, ici tout de suite,  deux textes, un pamphlet de Voltaire présenté par Luc Garcia, et un rappel freudien de Laura Sokolowsky : comme nous l’indique Freud, le Witz est une boussole.

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