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Virginia Woolf ou l’identité en transition

Par Nicolas Boileau
11 mai 2025
Édito

La marchande de fleurs "Pepi" Fernandez Lopez, le 29 juin 1994. (fragment de la série "Un portrait des arènes de Madrid, 1994") ©Max Armengaud

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Orlando de Virginia Woolf paraît la même année que Le Puits de solitude de Radclyffe Hall, premier roman lesbien de langue anglaise, en 1928. Le roman de R. Hall est censuré et interdit de publication, celui de V. Woolf devient un classique, qui fait de cette dernière une femme riche. Pourquoi deux romans qui traitent de l’inadéquation du genre au sexe, redoublant cette interrogation d’une question sur le choix de partenaire amoureux, sont-ils reçus avec autant de différence ?

L’Insoutenable légèreté du genre1

Dans le roman de R. Hall, la question de l’identité est sérieuse, elle s’est fossilisée autour d’un Je suis comme ça, elle ostracise socialement son héroïne ; dans Orlando, elle est traitée avec légèreté, dans un devenir jamais achevé. Dans l’un, le personnage souffre de ne pas pouvoir être ce qu’il est au grand jour ; dans l’autre, le changement de sexe confirme que pour toujours son identité sera faite d’une étrange combinaison du masculin et du féminin, qui le rend « maladroit2 ».

L’assomption de la claudication identitaire

V. Woolf évite la critique alors même qu’Orlando est l’aveu public d’un secret de polichinelle concernant la relation amoureuse qu’elle entretient alors avec Vita Sackville-West, une écrivaine à succès, artistocrate, qui fournit le modèle du personnage principal. Elle l’évite, car les critiques seraient bien en peine de pouvoir dire avec certitude, avec l’autorité de la ressemblance, Orlando est ceci ou cela, homme ou femme, homosexuel/le ou pas. Le changement de sexe est, chez V. Woolf, le paradigme de la claudication identitaire de tout un chacun. Trois ans plus tôt, dans Mrs Dalloway, elle faisait dire à son personnage qu’elle n’affirmerait jamais de quiconque qu’il « était ceci ou cela ». Pas de réduction imaginaire de l’identité à un ou plusieurs traits chez V. Woolf, puisque le sujet se déplace toujours entre les signifiants, il n’est jamais en position de se reconnaître pleinement.

Transport

Dans un passage en particulier, à bord d’une voiture, Orlando, en proie à une épiphanie interroge l’identité : « Rien ne pouvait être vu en entier ni lu du début à la fin.3 » Marqué par la perte, divisé, le sujet ne s’isole jamais entièrement et pour toujours. Pour en donner un aperçu, V. Woolf nous montre Orlando cherchant désespérément à faire coïncider son « moi » avec elle-même. Et pour en donner la dynamique, elle nous affirme qu’Orlando appelle « Orlando ! », qu’il crie son propre nom dans l’espoir que vienne se manifester le moi qui lui convient. Le biographe qui raconte la vie d’Orlando s’insurge devant le défilé des mauvaises identités qui se présentent : n’avons-nous pas à l’esprit soixante-seize « Moi » sur qui compter à tout moment ? D’aucuns parlent même de deux mille cinquante-deux… V. Woolf, biographe, nous dit qu’elle n’en choisira que quelques-uns pour nous montrer que si le sentiment d’une coïncidence du moi et de l’être arrive parfois, celle-ci est toujours contingente, différée et arbitraire, fulgurante. Le trajet en voiture s’achève sur un sentiment d’échec, car le moi de circonstance se présente à Orlando quand elle ne s’y attend plus.

Attrape-moi si tu peux !

Traité sur le mode imaginaire, comme une série de déguisements que le sujet porterait, ce défilé identitaire s’ordonne tout de même : c’est par la parole, dans l’énonciation, que soudain surgit ce sentiment d’identité. C’est dans un cri, celui de son propre nom, que le moi se présentifie comme tel, dissocié de l’être, à jamais insaisissable : « attrape-moi si tu peux ! » lançait Mrs Brown comme une effronterie adressée aux écrivains qui prétendent attraper ce qui ne peut qu’échapper4.

Nicolas Boileau


[1] Leguil C., L’Être et le genre. Homme/Femme après Lacan, Paris, PUF, 2015, p. 1.

[2] Woolf V., Orlando, Paris, Gallimard, 2018. Le mot revient tout au long du roman, dès la page 35.

[3] Ibid., p. 307.

[4] Woolf V., « Mr. Bennett et Mrs. Brown », Essais choisis, Paris, Gallimard, 2015. Essai de V. Woolf en 1924 portant sur l’art de la fiction.

Numéro : L'Hebdo-Blog 371
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