
Repartir dans la vie avec le CPCT
« Repartir dans la vie » était le thème de la 14e journée du CPCT Aquitaine[1].
Repartir dans la vie avec le CPCT, ce n’est certainement pas renaître au baptême, « naître de nouveau », comme ce que Jésus propose à Nicodème dans l’évangile de Jean. Il ne s’agit pas de faire table rase du passé et d’entrer par le baptême dans le royaume des cieux. Nulle promesse de royaume n’est à attendre à l’issue d’un traitement au CPCT, même s’il s’agit aussi de parier sur un acte symbolique, la parole pour « repartir dans la vie ».
De quels effets sur la vie témoigne l’expérience du CPCT ?
Certainement pas d’une sacralisation de la vie en tant que telle ! Laissons cela à l’Église catholique.
Lacan dans La troisième se moque dans un passage savoureux de la peur des biologistes, qui à l’époque venaient de décider d’un embargo. Les bactéries, « si on en fait de trop dures ou de trop fortes, elles pourraient bien glisser sous le pas de la porte »[2] des laboratoires et nettoyer la planète des êtres parlants. C’est en 1973 et notre réalité récente a rejoint la peur des biologistes d’alors. Il poursuit : « Toute vie enfin réduite à l’infection qu’elle est réellement selon toute vraisemblance, c’est le comble de l’être pensant »[3] remarque-t-il. La vie, c’est en effet l’infection même ! Et nous en avons fait collectivement l’expérience : impossible de se protéger de l’infection, sans risquer de ne pas vivre ! Impossible de ne pas se protéger de l’infection, sans risquer de mourir ! Alors, où mettre le curseur ? La mort n’est pas le contraire de la vie et dans la langue, dire la vie, vouloir la vie, c’est aussi faire signe de la mort. C’est donc bien embrouillé !
Naître dans un monde de paroles, c’est naître dans un monde incertain, mouvant, où vie et mort ne sont pas antinomiques. Lacan quelques années plus tard : « Ce qu’elle [une lignée] vous a transmis en vous “donnant la vie”, comme on dit »[4], c’est le malentendu. « C’est de ça que vous héritez. Et c’est ce qui explique votre malaise dans votre peau, quand c’est le cas. Le malentendu est déjà d’avant. »[5] Repartir dans la vie, ce sera donc se débrouiller avec l’infection de la vie et avec le malentendu transmis, irréductible entre deux êtres qui se parlent.
C’est ce qu’ignore le coach en s’adressant à un individu censé être autonome pour contrôler au mieux ce qui du corps, de la vie, échappe, par des paroles encourageantes et généralisables.
Le consultant du CPCT mise sur la parole avec ses incertitudes, ses embrouilles et c’est tant mieux car pour parler, il faut rencontrer au moins quelqu’un qui y croit.
La réponse du CPCT se distingue du concept à la mode de résilience, qui suppose de permettre à un individu de trouver en lui la capacité à résister au traumatisme, à s’y adapter, voire même à s’en servir pour réussir sa vie. Dans la résilience, à l’inverse du CPCT, il n’y a pas de subversion de la parole. Or quand un sujet parle, ce qui compte n’est pas forcément son énoncé, mais qu’il le dise, qu’il soit entendu au niveau de son dire. C’est pourquoi, le consultant au CPCT n’est pas un enregistreur qui consigne les dits. Il fait entendre et ce qu’il fait entendre ne se dilue pas dans le sens commun.
Le CPCT est lieu pour répondre en parole de l’impossible à dire de son être, un lieu dans lequel une parole intime peut se déployer dans une adresse hors sentier battu, mais au cœur de la cité, une parole dans laquelle ce qui est hors système, ce qui déborde le corps du côté de la vie n’aurait jamais pu trouver sa place singulière. Sans parole la férocité vient à se dénuder.
Marie Laurent
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[1] La journée du CPCT « Repartir dans la vie » a eu lieu à Cenon, le 5 mars 2022.
[2] Lacan J., La Troisième & Miller J.-A., Théorie de lalangue, Paris, La Divina, Navarin Éditeur, 2021, p. 23.
[3] Ibid., p. 24.
[4] Lacan J., « Le malentendu », Aux confins du séminaire, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, La Divina, Navarin Éditeur, 2021, p. 75.
[5] Ibid.
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