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Au nom de quoi Lacan parle, et nous parle encore

Par Françoise Labridy
2 mai 2021
L’égarement de notre jouissance
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« À chose inaperçue, le nom de “partout” convient aussi bien que de “nulle part”. »
Jacques Lacan, « Télévision »

« C’est une sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part. »
Blaise Pascal, Les Pensées

À la question : « L’inconscient – drôle de mot ! » [1], surgit dans la parole de Lacan ce clin d’œil à Pascal à travers deux mots, entre guillemets, « partout » et « nulle part ». Désarroi de l’homme, de son vertige et de son effroi, de l’impossible à se penser, entre deux infinis, entre l’univers muet et l’homme sans lumière. Ce qui égare l’homme, c’est moins sa finitude, sa petitesse, que son absence de lieu propre : partout et nulle part, ce qui accentue l’incommensurable de son décentrement. Pascal ouvre à la limite de la connaissance, et à un trou dans la maîtrise du monde et dans la toute-puissance de la pensée.

Par la suite, Lacan fait un autre saut, en accentuant la place de la parole et du langage comme condition de l’inconscient. Il y situe la pensée comme résultant de la structure du langage qui découpe le corps. Et tout au long, il rectifie les confusions courantes, en amenant plus de précision, en donnant les formules élaborées dans son enseignement. Ce, jusqu’au discord radical des trois registres : symbolique, imaginaire et réel, où l’inconscient devient « chaînes […] de jouis-sens [dont le symptôme consiste comme nœud et] à écrire comme vous voulez conformément à l’équivoque qui fait la loi du signifiant » [2].

Lacan a accepté, plusieurs fois, ce choix forcé de la dette au langage que détermine en chacun la rencontre de l’inconscient. Chaque semaine, à son Séminaire, il a parlé, pour toujours raviver le lieu de l’inconscient, pour que l’invention freudienne ne s’oublie pas dans sa dimension de rupture. Lacan lui-même est passé par de nombreux changements de points de vue, pour toujours conserver la position paradoxale de la psychanalyse. Dans un des textes rassemblés dans Mon enseignement, il énonce : « J’ai été entraîné à me mettre dans une position d’enseignement bien particulière, car elle consiste à repartir sur un certain point, sur un certain terrain, comme si rien n’avait été fait. La psychanalyse, ça veut dire ça » [3]. « C’est à ça […] que mon enseignement […] est asservi. Il est au service, il sert à faire valoir quelque chose qui est arrivé, et qui a un nom, Freud » [4]. Et Freud n’est pas une source à momifier dans un savoir fixé dogmatiquement. Pour Lacan, il a la fonction d’une cassure [5]. Dans la tradition philosophique, c’est moins l’incarnation de la pensée qui fait trouble, mais que « ça pense à un niveau où ça ne se saisit pas soi-même » [6]. « C’est ça, la découverte de l’inconscient. » [7] Et Lacan s’est mis sous la cassure de Freud, pour la poursuivre en la déplaçant, et en réordonnant ses concepts.

Lacan a laissé parler la double détermination de la condition de l’inconscient à travers le langage, mais irriguée de lalangue, qui fait son style, sans que ça fasse rapport. Il a utilisé la circulation des discours. Dans son Séminaire, il se donnait la liberté d’argumenter à loisir. Dans les Écrits, il resserre, condense, cherche à démontrer ; dans d’autres textes, ça fuse, Lacan joue de toutes les arcanes du langage et de la langue, des traductions, il sème des énigmes, il cite certaines références, mais pas toutes, il joue aussi bien de sa voix que de son silence.

Parler, dire, écrire, à partir de ce qui fait toujours béance, d’un non-rapport ex-sistentiel. Être sans cesse projeté ailleurs, hors, et hors-sens, mais toujours dans le langage, qui est la structure indépassable à travers laquelle circulent les éléments de notre pensée, armaturée d’un certain fantasme, qui limite l’ensemble des possibles. Mais surtout, entendre pour chacun ce qu’il ne veut pas savoir, pour que ce savoir ne devienne pas une défense contre une vérité à venir.

L’inconscient est une expérience sans précédent pour un analysant, elle ouvre à un espace-temps de son corps vivant, qui n’existe nulle part ailleurs et produit quelques vertiges, parfois des affolements. Ce qui s’y produit se décale de toutes les évidences, se distingue des principaux discours du temps par une parole avivée. Le parcours fait le chemin d’une expérience de « démunissement » [8] et d’une solitude assortie de la découverte de quelques joies qui tiennent la vie en mouvement.

[1] Miller J.-A., in Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 511.

[2] Lacan J., « Télévision », op. cit., p. 517.

[3] Lacan J., Mon enseignement, Paris, Seuil, 2005, p. 119.

[4] Ibid., p. 120.

[5] Cf. ibid., p. 121.

[6] Ibid., p. 126.

[7] Ibid., p. 127.

[8] Ibid., p. 138.

Numéro : L’Hebdo-Blog 236
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