L’Hebdo-Blog – Pourquoi ce titre « Maman solo » ?
Rose-Paule Vinciguerra – C’est le titre qui m’a été proposé au départ et je pensais le remplacer par celui de Mère célibataire mais je me suis rendu compte que cette formulation était juridique et que le syntagme « maman solo », issu des réseaux sociaux, rendait mieux compte de ce qu’était la vie de ces mères. Car ces femmes ne sont pas sans partenaire, qu’il soit ou non le père de l’enfant mais c’est dans le rapport à l’enfant qu’elles se sentent ou se veulent seules.
L’H-B – Tu fais valoir la séparation entre les formes juridiques et socio-économiques des mères célibataires et la position d’une maman solo, dans le rapport de celle-ci à sa propre castration. Et tu dis qu’une femme mariée peut être en position de maman solo. C’est une proposition inattendue.
R.-P. V. – Oui, cela aussi m’est apparu après-coup comme une évidence. Le père dont la parole ne compte pas ou le père réduit à payer ne viennent parfois en rien donner sens au rapport d’une femme mariée à l’enfant qui, plus-de-jouir dans son fantasme, la comble et l’angoisse. Malgré le maintien des apparences, celle-ci est seule avec sa jouissance. Et l’enfant se retrouve fétichisé ou décevant, fermant la question que la féminité pose à sa mère.
L’H-B – Pourquoi La femme, si elle existait, serait-elle la mère, comme tu le dis page 97 ?
R.-P. V. – Qu’est-ce qui permettrait de supposer La femme ? C’est qu’elle soit, comme Dieu, à l’origine de toute création et même « pondeuse », comme le dit Lacan. Il y a bien le mythe d’Ève mais au fond, ajoute-t-il, « il n’y a que des pondeuses particulières ». Ainsi, la lignée des mères est-elle innombrable et une femme qui engendre est-elle, à cet égard, toujours « entre ».
L’H-B – Tu dis à la fin qu’une mère célibataire n’a ni plus ni moins de chances que les autres d’être « symptraumatique » pour son enfant. Cela va contre les slogans des mouvements d’opinion qui déferlent dans les rues. Comment justifier cela ?
R.-P. V. – La famille conjugale n’a jamais épargné la névrose aux enfants. À cet égard, l’absence physique d’un père peut être moins nocive pour un enfant qu’un père paranoïaque qui veut partager l’enfant en deux comme la fausse mère du jugement de Salomon ou à l’inverse un père dont le désir pour l’enfant est anonyme. Aujourd’hui, c’est autour de l’enfant objet de jouissance, que se noue le réel des familles. Et c’est une nomination dont un père n’incarne qu’un cas particulier de façon de faire, qui permet à un enfant d’être « adopté » et de ne pas être pris dans un « nommé à » par la mère toute seule.