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L’angoisse et son concept

Par Rodolphe Adam
25 mai 2025
L’angoisse et son concept

Des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d’eau (Collections temporaires), 2025, 60x60cm, tirage pigmentaire d’archives sur papier Hahnemühle © Yann Böhmer

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Référence philosophique majeure du dixième séminaire de Lacan, Sören Kierkegaard (1813-1855), « le plus aigu des questionneurs de l’âme avant Freud1 », fut en effet le premier à parler de l’angoisse en tant que telle. Kierkegaard en fait le signe propre de l’homme en tant qu’existant singulier soumis au désir, à la faute et à la contingence. Lacan retient trois coordonnées de son ouvrage Le concept de l’angoisse2 (1844) pour cadrer une juste approche de cet affect unique.

Dieu

Pour Kierkegaard, l’angoisse se joue dès la chute d’Adam, que chaque homme répète dans son rapport au désir. L’interdiction édictée par Dieu de goûter à l’arbre de la science fait naître le péché chez Adam qui ne peut pas la comprendre. La tentation naît, faisant de l’angoisse « le vertige du possible ». Le Dieu de Kierkegaard s’éprouve dans l’angoisse. C’était la raison du projet de Lacan lors du séminaire unique Des Noms-du-Père3 de relire le texte de Kierkegaard, Crainte et tremblement, où Abraham se confronte à la volonté de l’Autre jusqu’à « l’absurde4 ».

Concept

Lacan n’a pas manqué de relever le paradoxe du titre Le concept de l’angoisse : « Je ne sais pas si l’on se rend bien compte de l’audace qu’apporte Kierkegaard avec ce terme. Qu’est‑ce que cela peut bien vouloir dire ? – sinon que la prise véritable sur le réel, c’est, ou bien la fonction du concept selon Hegel, c’est‑à‑dire la prise symbolique, ou bien celle que nous donne l’angoisse, seule appréhension dernière et comme telle de toute réalité – et qu’entre les deux il faut choisir.5 » Il y a donc deux statuts du concept, l’un hégélien, qui pose que le concept est le meurtre de la chose en vertu du principe que tout ce qui est réel est rationnel ; l’autre, kierkegaardien, qui pose le concept de ce qui échappe au concept. L’angoisse objecte pour-tout.

Femme

« La remarque singulière de Kierkegaard, que la femme est plus angoissée que l’homme, est, je crois, profondément juste.6 » Que Kierkegaard en sache un bout sur la féminité fit dire à Lacan qu’il avait, plus que lui, la « nature de Tirésias7 ». Mais la thèse d’une femme plus angoissée lui vient d’une « observation d’expérimentateur » : « Si je me figure une jeune fille innocente et qu’un homme jette un regard de convoitise sur elle, elle sera prise d’angoisse ». Le philosophe imagine alors la situation inverse pour appuyer sa thèse d’une sexuation spécifique de l’angoisse : « Une femme jetant un regard de convoitise sur un jeune homme innocent, l’émotion de ce dernier ne sera pas l’angoisse, tout au plus une pudeur mêlée de répugnance, justement parce qu’il est davantage déterminé comme esprit »8. Pour Kierkegaard cette différence n’est aucunement synonyme d’imperfection féminine. Elle tient au fait que « dans l’angoisse la femme cherche en dehors d’elle son appui dans un autre être humain, dans l’homme9 ». Surprenante déduction que Lacan corrobore autrement : « Pour la femme […] l’affaire [de la castration] est déjà faite. C’est aussi ce qui fait son lien bien plus spécial au désir de l’Autre10 ».

Rodolphe Adam


[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 59.

[2] Kierkegaard S., Miettes Philosophiques. Le Concept de l’angoisse. Traité du désespoir, Paris, Gallimard, 1990.

[3] Lacan J., Des Noms-du-Père, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2005.

[4] Kierkegaard S., Crainte et tremblement, Paris, Rivages, 2000.

[5] Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.‑A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 385.

[6] Ibid., p. 383.

[7] Ibid., p. 221.

[8] Kierkegaard S., Miettes Philosophiques. Le Concept de l’angoisse. Traité du désespoir, op. cit., p. 230‑231.

[9] Ibid., p. 207.

[10] Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, op. cit., p. 383.

Numéro : L’Hebdo-Blog 373
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