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Je suis un homme…

Par Lucie Kiyambekova
12 janvier 2025
Je suis un homme…

© Patrik Pion, le pistolet, 2017 - Papier journal vierge, agrafes. 54 x 32 x 11 cm. Unique - Galerie Valeria Cetraro

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« Je suis un homme1 », affirme Viktor Mokhov, condamné à 17 ans de prison pour la séquestration et le viol de deux jeunes femmes mineures après les avoir enfermées dans son bunker pendant quatre ans. Pour autant, il ne les a pas tuées. Pendant ce temps, il a fait deux enfants à l’une d’entre elles. À sa sortie de prison, Viktor Mokhov, alors âgé de 72 ans donne une interview à une journaliste.

Ce Je suis un homme, au sens générique du terme, s’avère être le pilier de l’échafaudage avec lequel Mokhov fait tenir son corps. Pour lui, être un homme, c’est avoir une femme. Il pratique le Kamasutra en cochant les différentes positions qu’il a appliquées en toute rigueur, comme s’il fallait ce « manuel » pour suppléer le défaut de signification phallique. Pour ce qu’il en est de son rapport à une femme, qu’elle en soit une gonflable ou une en chair et en os revient au même. Mokhov n’a pas recours au fantasme pour pallier au non-rapport sexuel.

Néanmoins, le signifiant « aguicheuse2 » a pour lui un poids particulier. C’est le mot qu’il emploie pour qualifier les jeunes filles qu’il a enlevées mais aussi les prostituées qu’il fréquentait. Dans son énonciation sur les femmes, on entend la dimension binaire : elles sont belles ou moches. Il se dit attiré par les plus belles. On peut supposer la proximité des signifiants belle et aguicheuse. C’est-à-dire que, lorsqu’il trouve une femme belle et donc attirante pour lui, elle devient de ce fait même aguicheuse.

Mokhov est passé à l’acte avec une complice. Ils croisèrent les deux jeunes filles à un arrêt de bus, leur proposèrent de les déposer. Mokhov explique son passage à l’acte par le fait que ces dernières se comportaient d’une manière aguicheuse. Or, événement inattendu, ces jeunes aguicheuses refusent de coucher avec lui. Il se produit un écart entre leur réponse et le programme fixe qui organisait le monde de Mokhov et une rupture dans l’articulation entre le signifiant et le signifié au sein de l’espace sémantique. Mokhov se trouve perplexe face au vide énigmatique de la signification corrélée à ce signifiant aguicheuse, devenu hors sens. Il reconnaît ce signifiant comme voulant dire quelque chose, mais, ce que celui-ci veut dire ne peut être énoncé, fait défaut. Un vide se produit à la place de la signification. De ce vide, advient l’« émergence du signifié de l’Autre barré, sorte de signifié supplémentaire, fantomatique, qui apparaît sous la forme de phénomènes angoissants ou paroxystiques3 ». Ainsi, la certitude que « les filles aguicheuses, c’est pour coucher4 » vient en réponse à ses angoisses. Ce signifié supplémentaire n’advient qu’après avoir commis son passage à l’acte, c’est-à-dire, après avoir enlevé les deux jeunes femmes.

Ainsi, la question de la mutation subjective qui est une caractéristique du passage à l’acte se pose. Avant la rencontre avec ses victimes, Mokhov avait une théorie délirante sur l’existence du rapport sexuel : il avait une vie organisée, ses objets étaient bien à leur place. Par le refus des deux jeunes filles, le signifiant aguicheuse ne répond plus à la logique du sujet, il devient énigmatique. Se produit alors une rupture au sein de l’espace sémantique, qui est rattrapée par la signification après-coup.

Mokhov affirme pourtant « être amoureux d’une d’entre elles, celle qui était la plus belle ». Il « essaie de »5 la tuer mais les larmes de cette jeune femme l’arrêtent. Un imaginaire fragile, ténu a persisté. Une conclusion s’impose, paraphrasant Lacan : « n’est pas tueur qui veut6 ».

Lucie Kiyambekova


[1] Mokhov V., « Le psychopathe de Skopine », entretien réalisé par la journaliste Ksenia Sobtchak, Moscou, 22 mars 2021. Disponible en ligne https://youtu.be/DDFCtXuRt00?si=yb44FI203DoeuOgO

[2] Ibid.

[3] Miller J.-A., « De la surprise à l’énigme », Le Conciliabule d’Angers. Effets de surprise dans les psychoses, Paris, Agalma, 1997, p. 19.

[4] Mokhov V., « Le psychopathe de Skopine », op. cit.

[5] Ibid.

[6] Cf. « Ne devient pas fou qui veut », Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 176.

Numéro : L'Hebdo-Blog 358
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