Henri Ey, Lacan et la vérité

Critique d’une théorie organiciste de la folie

L’organo-dynamisme d’Henri Ey, s’oppose au titre de la « Semaine Lacan » [1] : « La vérité de la folie ».
Pendant la période de la seconde guerre, Lacan dit s’être éloigné de tout propos, il ne s’est pas exprimé pendant toutes ces années qu’il considère comme « l’humiliation de notre temps » [2].
Il fait appel à Fontenelle, philosophe, écrivain et homme de science né en 1657, neveu de Corneille – pour la petite histoire.
Lacan nous dit s’être abandonné, pendant toute cette période, à un fantasme, tel Fontenelle quand celui-ci formule : « Si j’avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l’ouvrir. » [3] Et Lacan d’écrire : « Je me suis abandonné après Fontenelle, à ce fantasme d’avoir la main pleine de vérités pour mieux la refermer sur elles. » [4]
Il en confesse le ridicule, car, dit-il, « il marque les limites d’un être au moment où il va porter témoignage » [5].
Belle leçon d’humilité.
Lacan confesse son fantasme d’avoir dans les mains des vérités, en cette période de folie. Ce texte, pourquoi effectivement ne pas le considérer comme le début d’un nouveau mouvement lacanien ? Il ouvre sa main pour libérer les vérités qu’il a confinées pendant un certain temps. Et sa main s’ouvre sur la vérité de la folie.
Au début de son texte, Lacan annonce le propos de son intervention : « s’attacher à une critique de l’organo-dynamisme de Henry Ey […] pour démontrer […] qu’elle n’a pas les caractères de l’idée vraie » [6] ; et il continue : « La question de la vérité conditionne dans son essence le phénomène de la folie, et qu’à vouloir l’éviter, on châtre ce phénomène de la signification par où je pense vous montrer qu’il tient à l’être même de l’homme » [7].
La folie devient constitutive de l’homme et liée à la question de la vérité. De là, la critique que fait Lacan à H. Ey : son système de pensées le ferme à la vérité du psychisme et par là même à celle de la folie.

Qu’est-ce qu’une idée vraie ?

Pour répondre à cette question vertigineuse, Lacan nous conduit d’abord vers Descartes, puis vers Spinoza. Ce dernier a formulé qu’une idée vraie est une idée qui doit être en accord avec ce qui est idée par elle (devoir au sens de nécessité, au sens mathématique).
Lacan considère que la doctrine de H. Ey fait plutôt la preuve du contraire d’une idée vraie, car le développement de sa doctrine est en « contradiction croissante avec son problème originel et permanent » [8].
Ce problème, précise Lacan, c’est le problème des limites de la neurologie et de la psychiatrie. Ce problème, me semble-t-il, est toujours présent.

[1] « Semaine Lacan à Nantes. Vérité de la folie. L’enseignement de Lacan », septembre-octobre 2020. informations sur le site de l’ACF-VLB : associationcausefreudienne-vlb.com.

[2] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 151.

[3] Fontenelle, cité par F. M. Grimm, in Correspondance littéraire philosophique et critique, t. II, Paris, Furne, 1829, p. 97, n°1, cité par L. Sokolowsky, in « Ruse de la Raison, folie politique », Lacan Quotidien, n°845, 22 juin 2019, publication en ligne (www.lacanquotidien.fr).

[4] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », op. cit.

[5] Ibid.

[6] Ibid., p. 153.

[7] Ibid., p. 153-154.

[8] Ibid., p. 154.