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Effacement de la façade

Par Maria Karzanova
5 octobre 2015
Effacement de la façade
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Dans un service médical traitant des patients atteints de sclérose en plaques (SEP), un médecin s’est laissé étonner par la douleur que présentait Harry, un patient de quarante ans. Le tableau clinique atypique pour cette maladie (une névralgie faciale du nerf trijumeau comme seule affection neurologique confirmée objectivement) l’a conduit à proposer à Harry la rencontre avec un psychologue.

La façade familiale

« J’ai toujours été chargé de maintenir la façade familiale » : cet aveu secoue, pour la première fois, la face du patient dans un spasme de douleur. Je suis étonnée de voir cette étrange crise douloureuse qui souligne avec intensité quelque chose dans sa parole. Or, pour le patient, cette souffrance « emphatique » est dépourvue de toute signification personnelle. Adepte du discours cartésien mis en avant par la médecine moderne, Harry annonce son intention de se faire opérer « pour enfin se sentir libre ».

Depuis toujours, il fait en sorte que « tout soit beau au regard extérieur », tandis que « dedans c’est pourri ». La façade de normalité comme semblant laisse voir l’image sociale d’un homme qui a très bien réussi dans sa vie professionnelle. L’importance du regard extérieur pousse Harry à limiter progressivement son activité professionnelle car sa névralgie s’est aggravée considérablement durant les dernières années.

La deuxième crise de l’étrange douleur survient au moment où il se dit être célibataire de longue date. Gardien de la façade familiale, Harry n’a jamais pu quitter le couple parental. Les paroles maternelles ont une valeur absolue, non dialectisable : « Si tu te maries, je quitte ton père. » Bien que le père soit décédé depuis longtemps, cet interdit ne s’épuise pas : dans le désir de l’Autre, le sujet est pris comme pièce maîtresse supportant le semblant de la famille. Aujourd’hui, Harry s’occupe des travaux de la maison, tout comme son père avant la mort.

Une gifle

« Ma mère était toujours très envieuse », dit Harry. Confronté au désir dévorateur de l’Autre, il cherche tout le temps à le boucher. Les biens matériels, la rénovation permanente de la maison, les sorties culturelles sacrifiés à sa mère constituent la solution salutaire.

Un autre souvenir provoque encore un spasme. « J’ai invité ma mère à un grand événement où elle a eu une place moins bonne que la mienne. Pour lui faire plaisir, je lui ai proposé ma place. Sans dire un mot elle se lève pour me gifler devant tous mes collègues ». Peu de temps après, la douleur faciale est apparue comme trace réelle, signe de la jouissance de l’Autre.
Aujourd’hui, et depuis la mort du père, la mère « se laisse aller ». Devenue incontinente, elle refuse toute aide à domicile. La souillure de la jouissance maternelle endommage la façade de normalité bâtie par le sujet, amorce de l’identification au père.

La névralgie dont souffre cet homme se présente comme une écriture qu’il ne peut pas lire. En parlant du phénomène psychosomatique, J.-A. Miller fait reposer son diagnostic sur les trois conditions . Il s’agit d’une lésion dans le corps : contrairement à la conversion, il y a une atteinte réelle de l’organe (1). La causalité de cette lésion doit être signifiante et non organique (2). Le phénomène psychosomatique résiste à une interprétation en termes de métaphore (3).
Nous retrouvons chez Harry ces trois conditions. Le sujet est entièrement représenté par le S1-tout-seul ancré dans le corps et non par la chaîne signifiante. Le S1 se répète sans que le passage à S2 soit franchi. La douleur faciale se répète sous forme de l’écriture « S1-S1-S1… ».

« Ma douleur n’est qu’à moi »

C’est la seule remarque qu’Harry fait au sujet de sa névralgie. Comme le président Schreber souffre de son intimité exclusive avec Dieu, Harry souffre du rapport à sa mère. De même que pour Schreber l’éloignement de Dieu est encore moins supportable, Harry dit « ne pouvoir jamais trouver mieux ailleurs ».

Ce versant persécuteur de la jouissance maternelle nécessite un bricolage subjectif. L’argent et les sorties ne suffisent pas pour refermer la gueule du « crocodile » . La névralgie qui connote le discours du sujet, relève d’une grande importance. Tout en étant pénible, elle semble protéger le sujet contre l’excès de la jouissance de l’Autre. « Ma douleur n’est qu’à moi : ma mère n’y peut rien, puisqu’elle n’y a pas accès », dit-il à la fin de notre deuxième – et dernière – rencontre. Un lien ténu entre S1 et S2 a pu s’établir. Muette jusqu’alors, cette douleur est entrée dans la chaîne signifiante, apportant un peu de sens là où il n’y avait que le silence angoissant d’un phénomène corporel énigmatique.

Mais la question que le sujet pose à propos de sa névralgie continue à s’adresser à l’Autre du corps médical et non pas à un psychanalyste. Peu après cette chirurgie qui a finalement eu lieu, j’ai brièvement revu Harry. Après l’opération, il se sent bien. Cela l’encourage à poursuivre son activité professionnelle, ainsi que les travaux dans la maison. « Il n’y a qu’une seule chose étrange », dit Harry : quelque temps après l’opération, il s’aperçoit d’une nouvelle douleur qui s’installe progressivement dans la région de l’oreille, à gauche. Mais, pour Harry, ce n’est pas grave. Son chirurgien lui dit que les cas comme ceux-là sont fréquents : « parfois, pour être guéri il faut plusieurs opérations ».

Numéro : L'Hebdo-Blog 45
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