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Regards, L'Hebdo-Blog 66

Du corps à l’encadrement en passant par l’ego

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Écrire, qu’est-ce que cela signifie pour James Joyce ?

C’est la question à laquelle va répondre Lacan dans le chapitre X « L’écriture de l’Ego » du Séminaire Le sinthome. Cette question se raccorde immédiatement à une autre qui est celle de la fonction de l’ego pour Joyce. « L’écriture est essentielle à son ego »[i].

C’est un épisode qui met Lacan sur la voie, mais un épisode dont il va souligner dans les propos de l’écrivain un élément précis : l’encadrement.

Pourtant, au regard du passage du biographe Richard Ellmann[ii], le terme n’est pas au premier plan. « Si la vue de Cork qui ornait son appartement à Paris devait avoir un cadre en liège (cork), comme il le soulignait devant Frank O’Connor, c’était une indication intentionnelle, encore qu’un peu humoristique, de cette conception du monde où des simultanéités inattendues sont de règle ».

Lacan en tire une toute autre perspective, à partir du terme de cadre : « L’encadrement a toujours un rapport au moins d’homonymie avec ce qu’il est censé raconter comme image. Par exemple, chacun des chapitres d’Ulysses se veut supporté d’un certain mode d’encadrement, qui est appelé dialectique, ou rhétorique, ou théologie. Cet encadrement est lié pour lui à l’étoffe même de ce qu’il raconte »[iii]. Il va aussi donner plus de vigueur à son propos : « Dans ce qu’il écrit, Joyce en passe toujours par ce rapport à l’encadrement ».

N’est-ce pas dire qu’à chaque livre de Joyce il faille présupposer, imputer cette structure ? Pour Ulysses, Lacan se sert du tableau que James Joyce a écrit pour son ami traducteur Stewart Gilbert[iv] et qui dégage cette fonction de l’encadrement.

Le sujet James Joyce ne dispose pas d’un ego comme narcissique, rapportable au corps comme image ainsi que le relève Lacan dans Portrait of the Artist as a Young Man, lors de l’épisode de la raclée subie par quelques-uns de ses camarades, cependant que le corps du jeune homme se détache comme une pelure. En terme de structure nodale, l’imaginaire n’est pas noué borroméènement au symbolique et au réel.

En conséquence, nous n’avons pas à faire à l’inconscient de Freud, qui engage un rapport entre « le corps qui nous est étranger et l’inconscient ». L’inconscient est noué au réel, laissant hors nouage l’imaginaire. Ce dénouage de l’imaginaire qui laisse en rapport direct le symbolique et le réel détermine par ailleurs les épiphanies de Joyce. C’est l’ego qui est alors appelé à nouer l’Imaginaire, le Symbolique, le Réel, c’est-à-dire qui répare « l’erreur » du nœud, est «  correcteur du rapport manquant »[v]. Et c’est spécialement la fonction de l’encadrement, qui dans l’écriture de Joyce, supporte cette fonction de l’ego.

[i]           Lacan J., Le Séminaire Livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, p.147.

[ii]           Ellmann R., Joyce, 2, Paris, Gallimard-Tel, 1987, p.187-188.

[iii]           Lacan J., op.cit.

[iv]Sans titre1

[v]           Ibid p.152.

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