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Conséquences du « dressage » parental sur le désir d’un enfant.

Par Fanny Bichon
17 septembre 2017
Conséquences du « dressage » parental sur le désir d’un enfant.
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Louis se présente lui-même comme schizophrène lors de sa 1ère séance : c’est le diagnostic de son psychiatre qu’il voit une fois par mois et qui lui prescrit des antidépresseurs. Ce patient guadeloupéen de 39 ans a pris rendez-vous avec moi dans l’urgence, angoissé par une voix qu’il dit être celle du diable et qui le harcèle depuis de nombreuses années, le sommant de faire des choses qu’il ne veut pas ou que son sens moral réprouve, par exemple se tuer ou quitter Solange, sa compagne « blonde aux yeux bleus » ou encore avoir des rapports sexuels avec des femmes noires et avec des hommes. Il doit sans cesse « remettre à sa place » cette voix, ce qui le fatigue beaucoup.

Louis n’a pas toujours été musulman, il s’est converti il y a une dizaine d’années, mais sa mère l’avait élevé dans la religion catholique. Alors qu’elle était enceinte de lui, elle avait refusé de vivre avec celui qu’il appelle son géniteur et s’était éprise d’un autre homme qu’elle avait épousé et qui est devenu le beau-père de Louis. Le géniteur ne s’est quasiment jamais manifesté depuis. Louis a été traumatisé par sa mère qui avait pour habitude de le frapper violemment quand il était enfant, ce dont il porte encore des marques sur son corps, pour lui « apprendre » à ne pas faire « des bêtises ». Il semble qu’elle aurait voulu avorter de lui si sa religion ne le lui avait pas interdit.

Louis ne demande plus à séjourner, même brièvement, en hôpital psychiatrique, comme il l’a parfois fait dans le passé, car il ne veut pas inquiéter Solange. Il s’estime chanceux de faire une psychanalyse et de percevoir une pension d’invalidité qui lui permet de travailler seulement à mi-temps comme chargé de clientèle en informatique. Solange est assistante sociale, ils se sont rencontrés 4 ans auparavant par internet et s’entendent plutôt bien d’après Louis, sauf sur un point : Louis ne peut accomplir l’acte sexuel avec elle qu’en imaginant qu’il a un « rapport violent » avec une femme noire ou avec un homme. Or, depuis quelques mois, ces fantasmes se raréfient en sorte qu’il lui arrive fréquemment de ne pas pouvoir satisfaire Solange. Désolé pour elle aussi, il se sent impuissant, humilié, surtout que cela lui était déjà arrivé avec une femme qu’il avait connue auparavant.

Louis a subi des attouchements de son beau-père, seul homme blanc de la famille, à l’âge de 12 ans et il s’était senti coupable d’avoir éprouvé de la jouissance. Cela se passait en Guadeloupe. Puis, comme il était timide, n’osant pas aller vers les filles, les garçons de son lycée s’étaient moqués de lui, lui disant qu’il était gay. Il avait alors accepté cette étiquette, il se pensait tel et en avait honte. Deux rapports avec des femmes noires et un rapport avec un homme ne l’ayant cependant pas convaincu, il s’était persuadé que son homosexualité était imaginaire, il avait cessé de se croire gay, sa conversion à l’islam, qui considère l’homosexualité comme un péché, le confortant dans son refus de cette pratique qu’il trouve laide.

Louis éprouve un véritable amour pour Solange. Même s’il admet ne pas la désirer, il la trouve belle, intelligente, il veut faire sa vie avec elle. Mais il se questionne sur le fait d’utiliser son corps comme « une décharge » et de ne pas être « avec elle » mais avec ses fantasmes de femmes noires ou d’hommes pendant l’acte sexuel. Solange représente pour lui une femme qu’il « respecte », « une mère ». Comme elle ne peut pas avoir d’enfant, il en est attristé mais c’est surtout pour elle car il est satisfait de ne pas avoir de rival sur ce plan. Il est très attaché à son mode de vie actuel, en couple pour la 1ère fois, car il avait beaucoup souffert de la solitude auparavant.

Grâce à sa psychanalyse qui dure depuis plusieurs années, il admet depuis peu la notion de « libre arbitre » mais son adhésion religieuse qui lui sert de défense fantasmatique contre l’homosexualité tient bon pour le moment. Il relativise davantage la voix que ses occupations quotidiennes, prenant le pas sur elle, rendent moins présente. Il ne dit plus qu’elle est celle du diable mais admet qu’elle puisse venir de son inconscient. Son regard sur la psychanalyste a changé lui aussi puisqu’il n’a plus peur de croiser le mien quand je l’accueille ou le raccompagne en fin de séance alors qu’au début il se l’interdisait, le regard de toute femme autre que la sienne étant considéré comme un péché, d’après lui, dans la religion musulmane. Les coups de sa mère et la séduction de son beau-père ainsi que l’abandon de son géniteur ont eu pour conséquence qu’il s’est trouvé un père dans la religion et une mère de substitution, Solange. Il serait malséant de ma part de bousculer cet équilibre.

Reste que cette psychanalyse suivant son cours, je n’en connais pas l’issue.

Les fantasmes de Louis se polarisent de plus en plus sur des hommes, sur, récemment, l’un de ses collègues, « intrusion d’une personne réelle », comme il l’a remarqué lui-même, dans son « imaginaire ». Il ne dit rien à Solange, par fierté masculine, de sa problématique sexuelle. Sa grande crainte est qu’elle le quitte, se sentant non désirée, comme sa précédente partenaire. Je lui ai suggéré d’envisager de se confier à elle, si cela se confirmait, dans l’espoir qu’elle comprenne ce qu’en d’autres termes Lacan nous enseigne : le corps maltraité fait symptôme et se met en travers du désir. Car, catholique non pratiquante, elle n’est pas contre les gays. Anticipant, j’accompagne et je borde Louis, comme c’est nécessaire avec les psychotiques.

Numéro : L'Hebdo-Blog 114
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