Les simultanées du congrès de l’Association mondiale de psychanalyse constituent un moment clinique d’exception : les membres de ses sept Écoles y exposent leur pratique, la confrontent, la discutent. Au-delà des différences culturelles et de l’extimité propre à chaque École, c’est l’occasion de saisir en direct le vif de l’orientation lacanienne. Tous les participants, membres et non-membres, pourront cette fois prendre part au débat. La discussion des cas présentés met au travail la nécessité d’une conversation sur la pratique, puisque celle-ci ne constitue pas un tout, mais un ensemble ouvert. Des perspectives inédites s’en dégagent, tirant profit du malentendu de la langue, jusqu’au plus singulier de chacun. Car il n’y a pas de rapport entre la langue de l’Un et celle de l’Autre. Chacun sa jouissance.
Embrouilles du sexe
Nous voilà au cœur du thème qui nous convoque, loin des contes qui servent à endormir les petits et les plus grands en les berçant d’harmonie – Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. On imagine se consoler ainsi des dols passés et des souffrances à venir ; mais en fait, on s’endort parce que cette ritournelle signe la fin de l’aventure, l’achèvement d’une histoire dont plus rien n’est à attendre ni à raconter.
Fort heureusement, les choses du sexe ne se passent pas du tout ainsi. Tant s’en faut. Car il n’y a pas de mariage heureux avec la jouissance. Et il y a beaucoup à dire sur ce sujet. Lacan l’a souligné à la suite de Freud : trop ou trop peu, jamais à sa place, la jouissance n’est jamais celle qu’il faudrait. Elle est spécialement inadéquate pour assurer une conjonction entre les sexes.
L’imbroglio a commencé très tôt, le plus souvent avant notre venue au monde. Certains signifiants ont fait le lit de notre embrouille traumatique, troumatique, avec la langue : trou de non-sens, mais aussi fixation de jouissance dont on fera destin à son insu, à son corps défendant. Les tours de la pulsion, ceux de la demande et du désir, l’éveil du printemps, les premières relations sexuelles… viendront s’échafauder à partir de ce premier creuset.
Arrangements bigarrés
Chacun de nous est une tour de Babel, une structure complexe, composite, brinquebalante. Mais l’irréductible de notre singularité et ses forces vives tiennent précisément à cet assemblage de guingois, incroyablement disparate. Il s’est élevé tant bien que mal autour d’un vide central bordé par des scénarios de jouissance, des débris intraduisibles, des éléments baroques et hétéroclites.
L’édifice se verra tour à tour soutenu, consolidé, remanié, ébranlé, fissuré, selon la place occupée par le partenaire-symptôme, selon les contingences des rencontres, bonnes ou mauvaises.
Notre rapport intime aux choses du sexe se rejoue dans les modalités qui nous permettent, ou pas, de jouir avec le corps d’un autre. C’est une pierre angulaire de l’existence : l’impossible du rapport entre les sexes s’accompagne et s’accommode d’arrangements de jouissance divers et incongrus, mais toujours singuliers et symptomatiques.
Rendez-vous avec l’incomparable
On va parler à un analyste parce que l’édifice menace de s’écrouler, parce qu’il devient trop douloureux, coûteux ou dangereux. La surprise sera au rendez-vous : le sujet pourra découvrir le fantasme fondamental qui l’agitait, l’os insoupçonné de sa jouissance, les arcanes intimes de son usage du sexe.
Le 30 avril et le 1er mai prochains, les cas cliniques présentés par les membres des sept Écoles dans les salles simultanées nous instruiront sur l’incomparable variété des solutions inventées par chacun, mais aussi sur ses impasses, ses butées. Ils nous aideront à situer la place de l’analyste, avec le tact qui s’impose. Quelles opérations, manœuvres, actes, interprétations ouvrent à des remaniements, voire à de nouveaux arrangements ? Avec quels effets ?
Une chose est sûre : on ne s’y endormira pas.
Chers membres, si vous ne l’avez pas encore fait, il vous reste une semaine pour apporter votre pierre à cet édifice bigarré et joyeux. Avec Ricardo Seldes, directeur du XVe congrès, et Adolfo Ruiz de la Nueva Escuela Lacaniana, mon compère dans cette aventure, nous savons que vous pourrez faire vibrer ce thème d’une inépuisable actualité.
Pascale Fari




