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La moustache : cette boussole phallique…

Par Solenne Albert
27 novembre 2016
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Le roman s’ouvre sur un sourire : un couple harmonieux, très amoureux, discute tranquillement dans son salon. « Que dirais-tu si je me rasais la moustache ? » lance nonchalamment Marc à sa charmante épouse pour plaisanter. Celle-ci écoute d’une oreille distraite, répond qu’elle l’aime ainsi puis s’absente cinq minutes pour faire une course.

En un éclair, devant son miroir, Marc décide de passer du witz à l’acte. En « riant silencieusement comme un gamin qui prépare un mauvais coup », il rase ce symbole de sa virilité, en imaginant avec jubilation et nervosité les mille réactions possibles de son épouse lorsqu’elle verra son image ainsi radicalement modifiée.

Mais au retour de l’épouse, l’impensable se produit : rien ne se passe. L’épouse ne s’aperçoit pas de la métamorphose. Pourtant, se postant à l’entrée de l’appartement, « Il l’avait bien regardée au moment où elle le voyait. » Peu à peu, le witz tourne à la grimace, le gage à l’effroi. « Il demeura perplexe et agacé, éprouvant fortement l’envie d’une cigarette ». Puis la perplexité ouvre à une multitude d’hypothèses : elle se moque de moi, c’est une blague… Au comble de l’angoisse, il finit par l’interroger : – « Tu n’as rien remarqué !? Mais, enfin, ma moustache ! » – « Quoi ta moustache ? Tu sais bien que tu n’as jamais eu de moustache »…

L’univers de Marc commence à s’effondrer. Il ne comprend plus rien de ce qui l’entoure ni des intentions des autres. Car cette absence de moustache, personne ne la voit : ni la jeune épouse amoureuse, ni l’entourage amical, professionnel…. Plus rien n’a de sens. Que se passe-t-il ? Complot ? Comédie de l’indifférence ? Et le lecteur bascule avec lui dans un monde de folie : ce ne peut être qu’une conspiration, un gigantesque canular. Plus rien ne le raccroche à la réalité. Même les photos sont trompeuses : est-ce bien lui, là, que l’on voit sur la photo, souriant et moustachu ? Si, dans le film tourné en 2005, Marc trouve à se raccrocher à un point de capiton – comme nous l’indiquait Eric Zuliani dans un récent numéro de Matuvu – dans le roman, c’est toute l’existence de Marc qui part à la dérive. Dans sa tête, « tout se désagrégeait. »

Dans la question préliminaire, Lacan recompose son schéma L avec le schéma R car il est animé de cette question : comment se fait la relation entre l’imaginaire et le symbolique ? Entre l’image, le corps, et la signification de son être, qu’est-ce qui fait trait d’union ? Qu’est-ce qui permet de nouer ces deux plans et, ainsi, de stabiliser l’univers d’un sujet en lui donnant un sens ? L’élément qui lie ces deux champs, c’est le phallus. « Le phallus est un terme charnière, car il a un pied, à la fois dans l’imaginaire, à la fois dans le symbolique »[1].

C’est ce qui permet de se reconnaître dans le miroir et de se voir, (plus ou moins) à son avantage. C’est l’élément phallique qui permet au sujet de s’identifier à son être de vivant et « c’est ce que l’on réclame du phallus : qu’il soit vivant »[2], qu’il incarne la vivacité, l’humour, etc.

C’est pourquoi ce roman commence comme une bonne plaisanterie, car il met tout de suite en jeu le phallus. Mais le sourire se transforme en grimace lorsque l’on s’aperçoit qu’ici, le phallus n’était qu’imaginaire. La dérive du sujet témoigne d’une absence d’identification symbolique. Marc n’est pas identifié au signifiant phallique, il lui faut la moustache réelle pour se « voir beau » et avoir une identité.

C’est pourquoi tout file lorsqu’il se rase la moustache : narcissisme, imaginaire, signification, réalité… Aucun point d’arrêt à cette fuite de sens. Il n’a plus la boussole phallique. Quand plus rien ne fait sens, tout fait signe. Alors, V., en pleine errance, s’enfuit, prend un billet d’avion pour n’importe où, s’imagine poursuivit. Il ne se reconnaît plus dans le miroir, plus rien ne soutient le champ de la réalité pour lui. Son monde subjectif s’effondre, il délire. « Le point fondamental pour un sujet c’est cette identification phallique, c’est ce qui donne son assise au sujet »[3]. Ici, Marc n’est plus phallicisé. Confronté à l’horreur réelle de la castration, il ne trouve pas d’autre issue que de s’extraire lui-même du tableau…

[1] Séminaire de l’ECF animé par Jean Louis Gault, 2012/2013 – Lecture de la question préliminaire, inédit.

[2] Idem.

[3] Idem.

Numéro : L'Hebdo-Blog 89
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