Le phallus […] c’est l’essence du comique.
Le phallus […] c’est un comique comme tous les comiques,
c’est un comique triste1.
Lacan indique que le phallus, en ce qu’il donne corps à l’imaginaire, est au cœur même de la logique du comique. Pour rappel, c’est par son élision au champ de l’imaginaire que Lacan donne au phallus son statut de signifiant du manque-à-être qui inter-dit la jouissance. Ce phallus signifiant permet et régule simultanément la jouissance par la castration. Le jouir, dont chacun récupère des lichettes dans son petit scénario fantasmatique, est toujours à l’horizon comme point d’idéal – point « qu’on appelle comme on peut, le phallus », souligne Lacan.
Image reine
Jacques-Alain Miller qualifie pour sa part le phallus d’image reine. Cette image idéale, qui a la particularité de ne pas réduire l’imaginaire au spéculaire, est à la fois agent du visible, sous l’empire du regard, effet du signifiant et coordonnée à la jouissance par l’effet du fantasme : « les images reines sont le lieu où l’imaginaire s’amarre à la jouissance2 ». Dans l’expérience analytique, il s’agit toujours de ce qui en est dit. Tout fantasme est phallique et chacun des sexes est concerné par le rejet de la féminité, se vouant à être ou avoir le phallus, en devenant le comédien de son propre idéal, viril ou féminin. Les logiques du paraître féminin et masculin s’inscrivent comme conséquences du phallus qui est cause et obstacle à l’impossibilité d’écrire le rapport entre les sexes.
Semblant
Dans la cure, le comique peut surgir d’une scène où apparaît le caractère insaisissable de la pantomime phallique, là où l’imaginaire de la parade instaure un ordre harmonique. La scène fait subversion en ce qu’elle fait surgir la valeur de semblant de la parade et de ses attributs qui protègent son avoir ou qui sont des masques du manque. La valeur comique naît de ce qui nous effraye et nous éblouit, de la prétention futile de ce que l’être parlant se croit être ou avoir dans le rapport à l’Autre sexe.
La parade qui, elle, est une image qui fixe le sujet en soutenant son scénario de jouissance, se dévoile dans le comique comme semblant d’être, comme moins phi (- φ) de la castration.
Demi-Dieu
Untel, qui cultive sa prestance virile et sportive, est le chéri de ses dames. Il ne cache pas qu’il en est flatté. Il n’a aucun problème pour draguer, jusqu’au moment où la relation sexuelle le confronte à l’impuissance avec l’une de ses partenaires. Lors d’une séance, le comique surgit d’une scène qui l’amène à avouer sa croyance d’avoir été « un demi-Dieu » pour sa mère. C’est bien la dimension comique qui entame et participe au détachement de l’illusion d’être le phallus, ouvrant la voie au désir pour une femme. C’est toujours dans la langue, dans le dicible, que l’image rendue visible de la comédie phallique apparaît.
Geneviève Valentin
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « R.S.I. », leçon du 11 mars 1975, inédit.
[2] Miller J.-A., « L’image reine », La Cause du désir, n°94, 2016, p. 23.




