Chaque année, le titre des Journées d’étude de l’ECF ne manque pas de nous surprendre ; cette fois-ci l’étonnement est à son comble ! « Le comique dans la clinique » a d’abord comme un petit air incongru. Pour le dire vite, on ne vient pas à l’analyse pour s’amuser mais pour parler de ses malheurs, dire son angoisse, raconter ce qui ne va pas et qui, vraiment, ne fait pas rire ! Certes, Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient freudien nous livre un premier indice. Ce titre serait-il lui-même un Witz ?
Surprises… de l’inconscient
Surprise donc, et même heureuse surprise qui, en elle-même, soulève déjà un coin du voile. Nous voilà passés de l’étonnement à l’intrigue, et aussitôt tenus en haleine. Ce thème audacieux n’a pas fait reculer les praticiens de la psychanalyse qui furent nombreux à adresser leurs propositions de travail à la commission des simultanées ; si nombreux que la sélection des textes s’est avérée particulièrement rude. Là encore que de surprises ! Vous l’aurez deviné, c’est toute la richesse et la subtilité de la clinique qui se déploiera le samedi 15 novembre prochain. Sans en dévoiler le contenu, attendez-vous à découvrir perles et paradoxes ; l’inconscient surgit souvent là où on s’y attendait le moins.
Derrière le masque
Vous savez déjà que les clowns et autres comiques cachent, parfois depuis l’enfance, leur drame ou leur malaise à ceux qui les entourent, au point de devenir prisonniers de leur propre jeu. S’ils viennent à l’analyse, n’est-ce pas que rire, ou surtout faire rire, ne traite pas suffisamment ce dont ils souffrent ? Cette position peut faire symptôme. Sur le divan, ils retirent le masque derrière lequel il y a… vous verrez quoi ! Pour chacun, c’est évidemment une chose singulière, parfois énorme, d’autres fois minuscule. Mais attention, tout l’art de l’analyste est de laisser apparaître la chose le plus délicatement possible. Il y a bien sûr des exceptions à cette délicatesse, car il faut quelquefois bousculer la défense ! Pas de règles, donc, mais du doigté. Les exposés des simultanées nous montreront que rien n’est joué d’avance.
Ruses de l’inconscient
Pourquoi celui-ci se moque-t-il tellement de lui-même ? Pourquoi celle-ci manie-t-elle l’ironie plus qu’à son tour ? Est-ce seulement pour se protéger du réel ? Pourquoi cet analysant se cramponne-t-il à son humour noir ? Comment celui-là s’arrange-t-il, des mois durant, pour ne pas savoir, avant de mettre soudain les pieds dans le plat ? L’inconscient est rusé et peut révéler la feinte en un instant : l’insu sort alors de sa boîte et voilà l’analysant tout chamboulé ! Rire, soulagement, nouvelle perspective… Un simple signifiant, en faisant sourire, peut desserrer l’étau surmoïque, produire une respiration, ouvrir une fenêtre sur l’insoupçonné, libérer le désir.
Il est des pleurs qui se transforment en rire, mais aussi des rires qui se changent en pleurs et révèlent un point resté jusque-là opaque. Un lapsus, un trébuchement, une équivoque relevée par l’analyste, peuvent lever le refoulement et retourner l’analysant comme un gant au point de lui faire regarder sa vie tout autrement.
Vous entendrez bien sûr la comédie du phallus, Le jeu de l’amour et du hasard, les malentendus du langage et autres embrouilles qui font le drame mais aussi le sel de la vie. Vous verrez que le comique n’est pas toujours drôle tandis que la tragédie peut virer au comique. Sachez aussi – mais vous vous en doutez certainement – que lors de ces Journées vous ne ferez pas que rire. Dernier indice : c’est surtout le cristal de la langue qui vous enchantera.
Sonia Chiriaco